#CeQuiEstBrutal : la « formule » de Macron pour envisager les débats sur la PMA ne passe pas

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Soucieux de ne pas « brutaliser les consciences », selon le Journal du Dimanche, le président de la République envisagerait la formation d'un groupe de travail parlementaire avant un débat dans l'hémicycle. Les militant.e.s sont vent debout.

Emmanuel Macron en 2017 - Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock
Emmanuel Macron en 2017 - Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

« PMA pour toutes » : acte XII, scène 8. Emmanuel Macron envisagerait la création d’un groupe de travail parlementaire en amont de la présentation d’un projet de loi, solution miracle semblerait-il, aux yeux de l’exécutif, pour s’assurer un « débat apaisé ».

Selon les informations avancées par le Journal du Dimanche, qui cite une figure de la majorité présidentielle, cette instance « veillerait à débroussailler l’extrême complexité des problématiques bioéthiques ». Cette même source défend que cela placerait les parlementaires en « explorateurs du sujet en amont de la constitution définitive du texte ».

Sollicité par le JDD, le ministère des Solidarités et de la Santé n’a pas confirmé la mise en place de ce groupe de travail, mais a rétorqué qu’il « est possible qu’il y ait une méthode un peu originale ». « On réfléchit à la meilleure manière de créer les conditions d’un débat le plus serein possible et de permettre aux parlementaires de bien cerner tous les enjeux », a-t-il été ajouté.

« Pas question de brutaliser les consciences »

Lors d’une réunion organisée mardi 2 octobre à l’Élysée à laquelle ont été convié.e.s les parlementaires de la majorité des commissions aux Affaires sociales, Emmanuel Macron aurait déclaré : « Sur ces sujets plus intimes, ne comptez pas sur moi pour passer à la hussarde, il n’est pas question de brutaliser les consciences. » « On ne gagne jamais à passer en force », aurait insisté le président de la République.

Le journal, manifestement bien informé, avance que si ce groupe de travail voyait le jour, « il serait chargé d’auditionner toutes les parties prenantes du débat bioéthique, instances religieuses comprises. » Tout un programme.

Il semble loin le temps où le candidat Macron déclarait dans TÊTU (numéro 213, mars/avril 2017) qu’il souhaitait simplement que l’on « attende l’avis du CCNE afin qu’il y ait un vrai débat dans la société ». « Si un tel débat aboutit favorablement, je légaliserai la PMA, mais je ne le porterai pas comme un combat identitaire », avait complété le prétendant à l’Élysée.

CCNE, Conseil d’État, Ordre des médecins… : les feux sont au vert

Depuis, la question de l’extension de la PMA à toutes a été largement débattue dans le cadre des États généraux de la bioéthique, servant notamment de base de travail pour le rapport du CCNE. L’instance, dans son rapport dévoilé fin septembre, a – pour la deuxième fois en moins de 24 mois – donner son feu vert.

Pour rappel, au mois de mai dernier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait précisé qu’en plus du rapport du CCNE, la décision de faire figurer la PMA dans le projet de loi de révision des lois de bioéthiques dépendait de deux autres rapports : celui du Conseil d’État sur les aspects juridiques et celui de l’office parlementaire des choix scientifiques et techniques. «  C’est au vu de ces trois rapports que nous prendrons des décisions », avait assuré la ministre.

Le CCNE a dit oui et le Conseil d’État a indiqué qu’aucun obstacle juridique ne s’opposait à cette extension. Reste le rapport de l’office parlementaire qui devrait être rendu le 18 octobre, mais à aucun moment la création d’un nouveau groupe de travail parlementaire n’avait été avancée.

#CeQuiEstBrutal : les militant.e.s et les concernées répondent à Macron

Le seul fait d’évoquer la possible création d’une telle instance apparaît aux yeux de beaucoup comme une énième tentative de ménager les opposant.e.s à la PMA pour toutes. « Ce sont des gages qu’il donne aux catholiques. On voit vraiment la logique du “en même temps” et on ne voit pas bien comment il peut en sortir : ouvrir ce droit mais “en même temps” ménager les convictions des uns et des autres », décryptait la politologue et Maître de conférences à Sciences Po Paris Flore Santistéban auprès de Komitid en juillet dernier.

Si rien de tout cela n’est pour l’heure confirmé, les informations avancées et les déclarations rapportées ont été suffisantes pour provoquer colère et incompréhension chez les activistes qui défendent l’ouverture de la PMA à toutes les femmes.

L’avocate ouvertement lesbienne Caroline Mécary s’est dite « très en colère ». « Après les avis favorables du Défenseur des droits, du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, du Conseil d’État, de l’Ordre des médecins + deux avis du Comité d’éthique, après la Mission bioéthique à l’Assemblée nationale, il faudrait encore un groupe de travail ? ! » (…) « De qui se moque-t-on ? », a déploré l’avocate.

« Emmanuel Macron ne veut pas “brutaliser les consciences”. Et la brutalité contre les corps des femmes obligées à des démarches douloureuses pour avoir des enfants ? Et la brutalité des agressions contre les LGBT qui augmenteront encore avec ces débats ? », a lancé la militante lesbienne et féministe Alice Coffin, interpellant directement le président de la République sur Twitter.

« Pas question de “brutaliser les consciences” en revanche cesser de brutaliser LGBTQI n’est toujours pas à l’ordre du jour ! On doit pas être compris dans les consciences dont il est question », a souligné la militante lesbienne et féministe Gwen Fauchois.


Dans le cadre des Rencontres LGBT+ qu’elle organise, l’association SOS homophobie s’est également fendue d’un tweet.

« L’éventuelle création d’une instance réunissant députés et sénateurs de tous bords pour avancer sur la PMA est inacceptable et choquante. C’était l’objet des états généraux de bioéthiques. L’égalité ne peut pas attendre », a insisté l’association.

Sur Twitter, les messages reprenant le hashtag #CeQuiEstBrutal, réponse à la volonté de ne « pas brutaliser les consciences » du président, se multiplient :


« Ce qui est brutal c’est devoir passer les frontières pour avoir un enfant. C’est devoir essuyer des insultes au quotidien. C’est adopter ses propres enfants. C’est devoir passer devant un tribunal pour être reconnue comme famille », a tweeté le compte de la famille homoparentale Demande à tes mères.

  • expat

    Depuis le début, je pense que Macron n’aura pas le courage d’aller jusqu’au bout. Il va entuber les couples de femmes et les femmes célibataires pour ne pas froisser les réac. Il ne fait que baisser dans les sondages, Macron est un narcissique, et ça doit le rendre dingue. J’espère sincèrement me tromper sur lui, mais je suis convaincu que c’est un lâche et il n’ira pas jusqu’au bout. Quand je pense au courage de Mitterrand et de Badinter lors de l’abolition de la peine de mort, lors de la dépénalisation de l’homosexualité. Macron ne sera jamais à la hauteur de Mitterrand et de Badinter.