Pourquoi les associations de lesbiennes ont claqué la porte de la réunion avec Emmanuel Macron

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Une réunion était organisée jeudi 22 novembre entre des associations LGBT+, la secrétaire d'État chargée de la lutte contre les discriminations et le chef de l'État. À l'ordre du jour : évoquer la question de la PMA et les violences LGBTphobes. Les deux organisations lesbiennes présentes ont quitté la réunion en signe de protestation.

Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

Avant même la tenue de cette réunion, les choses avaient mal commencé. En début de semaine, le 19 novembre, nous apprenions que le président de la République avait prévu à son agenda une réunion réunissant des associations de défense des personnes LGBT+ et la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa. Une annonce qui a provoqué la colère des associations représentant spécifiquement les lesbiennes et les bies, pas invitées autour de la table. Une pilule difficile à avaler pour les concernées, dans un contexte de débats tendus autour de la PMA et de son report annoncé.

« On s’est renseignées, il n’y avait pas d’organisation de lesbiennes invitées », assure à Komitid Alice Coffin, militante lesbienne, porte-parole de la Conférence lesbienne européenne, qui n’a pas manqué de se faire entendre pour être invitée à la table des discussions. Selon la militante, Marlène Schiappa a affirmé avoir bien demandé la présence des associations de lesbiennes, « cela n’a pas été fait mais elle a rattrapé le coup  ». Alice Coffin a donc finalement été conviée, aux côtés de Veronica Noseda en tant que représentante des Dégommeuses.

La réunion a démarré peu après 11 heures dans les salons de l’Élysée. Au programme : la PMA pour toutes et la vague de violences LGBTphobes. Étaient présent.e.s aux côtés d’Emmanuel Macron et Marlène Schiappa : le secrétaire général de l’Élysée, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et trois conseillères du président de la République. Parmi les associations représentées : l’Inter-LGBT, SOS homophobie, l’Association des parents gays et lesbiens (APGL), l’ADFH (l’Association des familles homoparentales), l’Association nationale transgenre, la Fédération LGBTI+, Flag !, Gaylib, le Mag Jeunes LGBT, Le Refuge, Urgence Homophobie et l’Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean Jaurès.

« Cette réunion marque un tournant »

Une déclaration commune à la plupart des associations présentes a été soutenue par Aurore Foursy, la présidente de l’Inter-LGBT, pour ainsi mener à la formulation de deux questions : savoir si Emmanuel Macron entendait respecter le calendrier annoncé par ses ministres pour l’extension de la PMA et connaître les annonces pour répondre aux violences LGBTphobes. S’est ensuite ouvert un tour de table donnant la parole à chacun.e des représentant.e.s présent.e.s.

Une fois la parole donnée aux organisations lesbiennes, la tension est montée d’un cran. « J’ai abordé une attitude très offensive, cette réunion marque un tournant dans la façon dont les associations se comportent avec l’État sur la PMA », explique Alice Coffin. « On a tout de suite dit que s’il ne confirmait pas le calendrier annoncé par ses ministres, nous partirions parce que cela invalidait de facto le reste des annonces », poursuit la militante. Ce à quoi le président de la République aurait rétorqué qu’il n’y avait pas de report : « parce que ce n’est pas lui mais ses ministres qui avaient annoncé un calendrier. Pour lui, il est tout à fait dans sa parole et respecte ses engagements ».

Il ressort de cette réunion qu’Emmanuel Macron n’entend pas donner de coup d’accélérateur à l’extension de la PMA. Il a indiqué qu’une commission parlementaire devrait être lancée dans les jours qui viennent pour avoir terminé son travail d’ici à la fin du mois de février. Le projet de loi pourrait ainsi être présenté en conseil des ministres au mois de mars. « Si on résume ses engagements, c’est que la PMA sera bien votée avant la fin du quinquennat », analyse Alice Coffin.

« C’est la République qui ne me respecte pas en tant que lesbienne  »

L’activiste a confié à Komitid combien les échanges avaient pu être tendus entre elle et le président. Ce dernier lui aurait demandé de « rester dans le cadre de la République ». « C’est la République qui ne me respecte pas en tant que lesbienne. Vous êtes citoyen hétérosexuel et vous avez plus de droits que moi », raconte avoir rétorqué la militante lesbienne qui regrette que Macron ne concède pas à établir un lien entre la violence des débats autour de la PMA et celle des actes et agressions LGBTphobes. Face à l’insistance et les menaces de quitter la table formulées par les deux associations de lesbiennes, Emmanuel Macron a campé sur ses positions. Les Dégommeuses et la Conférence européenne lesbienne ont ainsi claqué la porte.


Perte de confiance

Sur Twitter, le président de SOS homophobie, Joël Deumier, a indiqué que le président de la République s’est engagé à ce que « la loi incluant PMA et filiation sera “promulguée l’année prochaine” ». Seulement, lorsque l’on sonde les associations de lesbiennes, la confiance apparaît totalement rompue.


« Il a donné une sorte de calendrier, mais on ne lui fait aucunement confiance », regrette Veronica Noseda, porte-parole des Dégommeuses, sollicitée par Komitid. « Cela ne donne aucune garantie sur le calendrier parlementaire, ils peuvent parler de l’encombrement parlementaire, des élections européennes, et ensuite il y aura les élections municipales. Il peut toujours y avoir quelque chose. Ce qui est étonnant, c’est que Macron, ce n’est pas quelqu’un qui cherche forcément le consensus, il n’hésite pas à mener sa politique par ordonnance quand il le veut. Là il considère que ça n’est pas une priorité », complète-t-elle.

« Marchandise politicienne »

Veronica Noseda ne cache pas son impression de se sentir instrumentalisée : « On est une marchandise politicienne pour calmer l’aile plus raide de son parti et le MoDem. Il a dit que c’était très bien d’avoir écouté les opposants à la PMA, que c’était cela le sens du débat éthique. Les homophobes sont considérés comme des opposants, on ne dirait pas la même chose si c’était des débats racistes ou antisémites ».

Et maintenant ? « J’espère, mais c’est un maigre espoir, que des membres de la majorité et de son entourage, exaspéré.e.s par cette situation, pressent le gouvernement », avance Alice Coffin. La députée de l’Allier Laurence Vanceunebrock-Mialon, ouvertement lesbienne, a récemment tweeté en réaction au feu vert de la CNCDH quant à l’extension de la PMA : « On se demande ce que le gouvernement attend ». Premier signe d’une potentielle fronde au sein de la République en marche ?