Les droits LGBT+ sous la Ve République : 60 ans de combats pour l'égalité

Publié le

La Cinquième République a 60 ans. Une période durant laquelle la marche des personnes LGBT+ vers l'égalité a connu des hauts et des bas. Retour sur les grandes étapes de ces combats et les avancées de la loi.

droits des gays et lesbiennes
La première grande marche des homosexuels et lesbiennes. Par Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons

Lorsque la Cinquième République entre en vigueur le 5 octobre 1958, les droits des personnes LGBT+ ne sont pas un sujet très important dans le débat public. La France a aboli près de deux siècles plus tôt le crime de sodomie mais en 1942, Pétain avait introduit une discrimination qui de fait, a perduré après la guerre.

Dans une étude sur les condamnations pour homosexualité, qui touchent essentiellement les hommes, les sociologues Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen estiment qu’entre 1942 et 1982, plus de 10 000 condamnations ont été prononcées au titre des textes discriminatoires hérités de Vichy. Mais la France fait figure d’exception gay friendly dans une Europe où dominent des législations ouvertement homophobes.

1960 : l’homosexualité devient un « fléau social »

En 1960, deux ans après la naissance de la Cinquième République, l’amendement Mirguet (du nom du député Paul Mirguet) ajoute l’homosexualité dans la catégorie des « fléaux sociaux », ce qui a eu pour conséquence d’aggraver les peines pour outrage à la pudeur en cas de rapport homosexuel.

1971 : création du Front homosexuel d’action révolutionnaire

Dans la foulée de mai 68 et alors que Georges Pompidou a remplacé le général De Gaulle à la tête du pays, la première association homo est lancée. Après une action mémorable durant une émission de radio sur RTL sur le thème de « L’homosexualité, ce douloureux problème », le Fhar est créé en avril 1971. Le Fhar réunit dans un amphi des Beaux Arts des militant.e.s lesbiennes et gays, dont Guy Hocquenghem, Françoise d’Eaubonne, Daniel Guérin ou encore Hélène Hazera. Les débats sont parfois enflammés, comme on peut le voir dans cet extrait vidéo ci-dessous. Mais, très vite, les femmes critiquent la misogynie des hommes du Fhar et créent Les Gouines Rouges.

1974 : une élection pour rien

L’élection de Giscard, un jeune président de 48 ans, fait espérer une certaine libéralisation, dans la foulée de la loi Veil sur l’IVG. Ce ne sera pas le cas.

1982 : l’homosexualité n’est plus un délit

Il faut attendre 1981 pour que le candidat de la gauche François Mitterrand annonce vouloir mettre fin aux discriminations homophobes héritées de Vichy. Ce sera chose faite en 1982, suite à un débat houleux à l’Assemblée nationale et un discours majeur du ministre de la Justice, Robert Badinter, qui lance : « La République doit reconnaître ce qu’elle doit aux homosexuels. »

Juste avant l’élection présidentielle de 1981, Patrick Cardon – un militant gay toujours actif aujourd’hui puisqu’il dirige les éditions Gay Kitsch Camp – se présente aux législatives et obtient 1 % des voix avec son slogan : « Il serait fou de ne pas être folle ».

1987 : le retour d’un certain ordre moral

Quand la droite revient au pouvoir, un certain ordre moral réapparaît, personnifié par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua. En 1987, ce dernier veut en effet interdire Gai Pied Hebdo. Mais une manifestation le 19 mars 1987, le soutien de plusieurs personnalités dont le ministre de la Culture, François Léotard, empêchent la disparition de la publication. La fin des années 80 et les années 90 sont marquées par l’épidémie de sida, qui touche principalement (en France) les hommes homosexuels et contre laquelle la réponse des pouvoirs publics a rarement été à la hauteur.

1999 : un début de reconnaissance

Après des mois de débats, une mobilisation des homophobes sans précédent, le Pacs, premier outil de reconnaissance des couples gays et lesbiens, est adopté le 15 novembre 1999 par l’Assemblée nationale dominée par la gauche. Mais de nombreux militant.e.s souligneront que ce déferlement d’homophobie aura un impact durable.

2010 : la transidentité n’est plus une maladie mentale

La transidentité est supprimée de la liste des affections psychiatriques en France. Le parcours de transition est cependant toujours aussi complexe, humiliant et discriminant pour les personnes trans.

2013 : marions-nous !

C’était une promesse du candidat du Parti socialiste, François Hollande. Mais l’adoption, le 23 avril 2013, de la loi instaurant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et l’adoption, a été précédée de très longs mois de mobilisation des anti-égalité, regroupant la droite, l’extrême droite, une partie de la hiérarchie catholique, les intellectuel.le.s réactionnaires, notamment via La Manif pour tous. Une des conséquences de cette opposition a été la forte remontée des actes homophobes, lesbophobes, biphobes et transphobes durant cette période, analysée notamment par l’association SOS homophobie dans son rapport annuel. Après 55 ans de Cinquième République, les droits avancent mais les LGBTphobies restent très prégnantes.

2016 : une loi en demi-teinte pour les personnes trans

Une des dernières lois du quinquennat de François Hollande vise à faciliter le changement d’état civil pour les personnes trans. De nombreuses associations trans regrettent que les tribunaux soient toujours décisionnaires, même s’il n’est plus nécessaire de subir une intervention chirurgicale et une stérilisation pour obtenir un état civil conforme à son expression de genre.

2018 : la PMA, c’est pour quand ?

Le débat sur la PMA est relancé. Le président Macron, élu en 2017, s’y est déclaré favorable, la majorité à l’Assemblée aussi mais les anti-égalité fourbissent à nouveau leurs armes et la crainte d’un remake de 2013 est réelle, comme nous l’écrivions en septembre dernier.

 

Soixante ans après sa création, la Cinquième République est toujours bien vivante et elle a vu une véritable accélération des revendications et avancées des droits LGBT. Ceux-ci ont été obtenus de haute lutte. Sans les militant.e.s, et leurs allié.e.s, il n’est pas sûr que l’égalité des droits aurait avancé aussi vite. Mais le chemin est encore très long vers l’égalité réelle. Et les discriminations subsistent, en particulier à l’égard des personnes intersexes et trans.

  • arnosa

    Est-on sur que le FHAR aurait soutenu le mariage pour tous? Y a-t-il une normalisation gay, en fait rejoignant l’heteronormalite qui est imposee?

    PS: l’emergence de la rue Sainte Anne c’est bien sous VGE non?

  • expat

    Ce qu’il faut se dire rien n’est jamais acquis dans la vie. Il suffit qu’un fou furieux prenne le pouvoir et toute cette égalité peut être remise en cause. Cela peut se passer en France, comme ailleurs. Je vis en Suède, l’extrême droite ici, a fait un excellent score aux dernières élections, et nous restons, nous, associations LGBT suédoises vigilantes. Pour l’instant, aucun gouvernement n’est encore formé suite à ces élections…. Et, la situation au Brésil peut être une catastrophe pour les LGBT brésiliens si le fou d’extrême droit est élue. Tout ça, prouve bien, que les droits pour les LGBT restent fragiles…