Entre douleur et détermination, quelques centaines de personnes ont rendu hommage à Vanesa Campos

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Ce vendredi 24 août, quelques centaines de personnes étaient rassemblées sur les lieux de la mort de Vanesa Campos pour lui rendre hommage. Reportage.

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Hommage à Vanesa Campos le 24 août au bois de Boulogne - Maëlle Le Corre

Il est 17h, métro porte Dauphine. Une petite vingtaine de personnes sont déjà là, la plupart vêtue de blanc et une rose blanche à la main, à la demande des organisatrices du rassemblement. La banderole est déjà déroulée et tenue par quelques femmes. Le visage souriant d’une femme et les mots « Justice pour Vanesa Campos assassinée au bois de Boulogne ». Le 17 août, cette femme trans migrante et travailleuse du sexe a été agressée et tuée.  Ce 24 août, ses amies, ses collègues sont là pour dire « plus jamais », pour dénoncer les violences, et aussi dénoncer l’indifférence dans laquelle se déroule les agressions transphobes dont elles sont victimes.

Déjà assaillies par quelques journalistes, Diane Leriche et Giovanna Rincon de l’association Acceptess-T en profitent pour rappeler les fondamentaux. Elles ont en mémoire les articles qui mégenrent Vanesa ou mentionnent son deadname (prénom de naissance). Cette fois, elles ont la parole. Et pas question de porter atteinte une nouvelle fois à la mémoire de leur amie. « Ce n’était pas un “travesti”, c’était une femme transgenre” » martèle Giovanna Rincon.

 

 

Des associations sont présentes, comme le Strass, Aides, Sidaction. Et puis des personnes, seules ou en petits groupes, venues se joindre à la douleur des proches de Vanesa.

Kouka Garcia, présidente de Pari-T, l’association qui a aidé Vanesa est aussi là. « Vanesa était venue en France seule, mais ici elle s’était créée comme une nouvelle famille, explique-t-elle émue. Elle avait passé Noël avec nous. » Sa voix se brise : « Vanesa, je lui dirais “merci d’avoir été avec nous ” », murmure-t-elle, les larmes aux yeux. Plusieurs associations organisent le 2 septembre une activité solidaire pour lever des fonds afin de faire rapatrier le corps de Vanesa dans sa famille au Pérou et pour lui offrir une sépulture.

 

 

Il est finalement presque 18h quand quelques centaines de personnes s’élancent en direction du bois de Boulogne. Les slogans fusent en tête de cortège : « Justicia Por Vanesa ! », « Trans assassinées, État complice ! ». De nombreuses pancartes ciblent directement la loi de pénalisation du client entrée en vigueur en 2016 et qui précarise et met en danger les travailleurs et travailleuses du sexe comme Vanesa.

 

 

Sur l’allée de Longchamp, des voitures longent le cortège qui a pris une belle ampleur. À travers les vitres, on distingue des regards curieux, ou parfois un dédain ostensible. À un croisement, se détachent au-dessus des arbres les voiles de verre de la fondation Louis Vuitton, un peu plus loin les grilles d’entrée de restaurants cossus. Le cortège poursuit son chemin, avec à sa tête des femmes trans migrantes qui ont perdu leur amie mais qui ne baisseront pas la tête. Du milieu de la foule s’élève régulièrement un cri, une plainte déchirante « VANESA ! ». Et la foule lui répond aussi fort en espagnol, avec la même douleur partagée « PRESENTE ! ».

 

 

Après une longue marche, les quelques centaines de personnes du cortège parviennent sur le lieu de rassemblement. C’est littéralement à quelques mètres de là que le corps de Vanesa a été retrouvé une semaine plus tôt.

« N’oubliez pas que c’est une femme, une personne comme nous toutes ! »

Ces amies et compañeras prennent la parole, chacune leur tour, émues, souvent en espagnol et tant pis pour ceux et celles qui ne comprennent pas. Ce rassemblement, il est pour elles, pour se soutenir entre elles. « Nada más ! » crie l’une d’elles. « Tout le monde parle de Vanesa comme d’une prostituée. N’oubliez pas que c’est une femme, une personne comme nous toutes ! »

 

 

Les associations sont invitées à prendre la parole. Chacune leur tour, Acceptess-T, le Strass, l’Association nationale transgenre, Pari-T, le Bus des femmes réclament la fin de l’indifférence face aux violences faites aux femmes trans et aux travailleuses du sexe, et surtout que justice soit faite. Au micro, une militante du Strass raconte qu’elle a été agressée il y a trois jours par un client. « Mon agresseur correspond à un signalement, pourtant il n’a pas été arrêté. Les assassins de Vanesa n’ont toujours pas été arrêtés. »

Krishna, une jeune chanteuse d’opéra vient clore la cérémonie. Bouleversée, sa voix s’élève dans la clairière, tremble, chavire. Le silence se fait dans le bois. C’est ensuite Nancy Murillo qui chante en espagnol en mémoire de Vanesa. Après deux minutes de recueillement, chacun.e vient déposer sa rose devant le l’autel de fortune parsemé des bougies et des photos de Vanesa à proximité de là où était sa cabane.

 

 

Après ce meurtre intolérable, Giovanna Rincon veut croire à un changement : « On sent que les gens sont impactés par ce qui vient d’arriver. J’ai l’impression que malgré cette catastrophe qui nous arrive, cette violence qu’on aurait pu éviter, on a une fenêtre pour sensibiliser la société. En tout cas, je l’espère. » Le défi est considérable : « Nous devons continuer à mobiliser, à communiquer, mais pas seulement dans l’émotion et dans le drame. On a beaucoup à faire. »