Pénalisation des clients de la prostitution : Médecins du Monde tire la sonnette d'alarme

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L'association vient de publier une enquête inter-associative en guise de bilan sur les deux ans de la loi de pénalisation des clients de la prostitution : « tous les voyants sont au rouge ».

travailleuses du sexe
Couverture du rapport inter-associatif présenté par Médecins du Monde sur la pénalisation des clients de la prostitution / Médecins du Monde

Alors que les associations abolitionnistes célèbrent les deux ans de la loi de pénalisation des clients de la prostitution, Médecins du Monde a dévoilé le 12 avril 2018 une étude inter-associative inquiétante révélant d’importants problèmes de violence, et de santé, creusés par cette législation. Cette étude scientifique, co-rédigée par la politologue Hélène le Bail (chargée de recherche Sciences-Po-CERI, CNRS) et Calogero Giambetta (chercheur à la Kingston University ainsi qu’à Aix-Marseille), confirme les inquiétudes exprimées en amont de la loi par les associations de santé communautaire, ainsi que des travailleurs et travailleuses du sexe (TDS). Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde, parle d’un « échec annoncé ».

Conditions de travail, et de vie, dégradées pour les travailleurs et travailleuses du sexe

En présence du Strass, du Planning Familial, des Amis du Bus des Femmes, de Paloma, d’Arcat Santé, d’Aides, du Collectif des Femmes de Strasbourg Saint-Denis, et des Roses d’Acier, des chiffres alarmant ont été révélés. En effet, 38 % des TDS rencontrent plus de difficultés à imposer le port du préservatif, 70 % d’entre elles et eux constatent que leurs relations avec la police se sont détériorées au lieu de s’améliorer (avec la suppression du délit de racolage, en 2016 également) et 42 % des TDS confient faire face à plus de violences depuis la loi. Quant à l’existence du parcours de sortie, seul.e.s 39 % connaissent son existence. Une grande majorité des interrogé.e.s accuse une perte de revenus (78 %), et signale des conditions de vie dégradées (63 %).

Ces chiffres ont été obtenus en deux ans, dans sept départements, aussi bien dans les agglomérations que sur les routes de campagne, auprès de 583 travailleurs et travailleuses du sexe, en étroite collaboration avec 12 associations de terrain. Ils révèlent que 88 % des TDS sont opposé.e.s à la pénalisation de leur clientèle.

Contaminations, violences, contrôles au faciès : colère des TDS

Cécile Lhuillier, des Amis du Bus des Femmes, a tenu à pointer du doigt le fait que la loi de pénalisation des clients de la prostitution servirait en fait une politique de gentrification. Elle a rappelé qu’au mois de mars, en plein lancement du Sidaction, un raid policier a été organisé dans le Bois de Vincennes, visant les TDS nigérian.e.s, avec déploiement de chiens, et d’un commissariat mobile. « Certaines ont fini en centre de rétention, d’autres, ont pris des PV à cause d’un pare-choc abimé qui nécessiteront des heures supplémentaires de travail pour être réglés. Il n’y a rien de féministe dans cette loi teintée de racisme ! ».

Lors de la conférence de presse, Thierry Schaffauser, membre du Strass, ne s’est pas montré optimiste malgré les conclusions très parlantes de ce rapport « Lorsque l’on a remonté nos difficultés au cabinet de Marlène Schiappa, la réponse a été « Le but de cette loi n’est pas d’aider les prostitué.e.s mais de les faire arrêter ». Donc pour beaucoup d’abolitionnistes, ces conséquences négatives pour les TDS sont en fait positives ».

Les résultats de cette enquête de grande envergure sont d’ores et déjà contestés par les partisans et partisanes de la loi de pénalisation des clients.

Une manifestation est prévue samedi 14 avril à 14h, place Pigalle, à Paris, pour continuer de protester contre la loi de pénalisation des clients. Le soir même, le Strass organise une soirée de soutien à La Mutinerie, qui a récemment rouvert ses portes.