Lesbiennes sous le Troisième Reich : des vies passées sous silence

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Troisième volet de notre série de portraits. Ce mois-ci, Clémence Allezard propose un portrait collectif, en mémoire des persécutions subies par les lesbiennes pendant la Seconde Guerre mondiale, si souvent évincées des récits officiels.

Lesbiennes sous le Troisième Reich : des vies passées sous silence - Illustration pour Komitid Julie Feydel

Chaque mois, la journaliste Clémence Allezard et l’illustratrice Julie Feydel s’associent pour vous brosser le portrait d’une personnalité lesbienne dans le cadre d’une série nommée en lesbiennage à la banderole « a day without lesbians is like a day without sunshine » rendue célèbre en 1979 lors d’une des toutes premières pride de notre histoire, à San Francisco.

Troisième volet de notre série de portraits : « une journée sans lesbienne c’est comme une journée sans soleil ». Ce mois-ci, au lendemain, à la fois, de la journée internationale de la visibilité lesbienne et du 75e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, nous vous proposons un portrait collectif, en mémoire des persécutions subies par les lesbiennes pendant la Seconde Guerre mondiale, si souvent évincées des récits officiels.

« L’oppression ne fonctionne pas uniquement par des interdictions explicites, mais aussi “ par la constitution de sujets légitimes et, partant de là, par la constitution de (non) sujets illégitimes ”. Ceux-ci ne sont ni nommés ni interdits dans l’économie de la loi. L’oppression fonctionne ici par la production d’un domaine de l’impensable et de l’informulable ». C’est ainsi qu’Insa Eschebach, la directrice du Mémorial de l’ancien camp de concentration de Ravensbrück, qui fait ici référence aux travaux de Judith Butler, introduisait le colloque « Homophobie et déviance » tenu en octobre 2010 au Mémorial.

Ces propos d’Insa Eschebach sont rapportés dans le communiqué de presse du projet du collectif Queer Code « Constellations brisées – quatre cartographies numériques dédiées aux trajectoires de déportations de lesbiennes ». Je les avais déjà lus, mais leur justesse et le caractère hautement tragique qu’ils revêtent, accolés à la condition des lesbiennes sous le nazisme m’ont une nouvelle fois frappée. Les lesbiennes font sans aucun doute partie de ces sujets illégitimes, de ces « non sujets », leur éviction des récits historiques en général en est emblématique. « Ni nommé[e]s », ni explicitement « interdit[e]s dans l’économie de la loi » mais, et, opprimées. « L’oppression fonctionne ici par la production d’un domaine de l’impensable et de l’informulable ». On comprend ainsi toute la difficulté pour raconter l’histoire des lesbiennes sous le IIIe Reich.

« Constellations brisées »

C’est avec une émotion particulière que l’on écrit au lendemain de la journée internationale de la visibilité lesbienne et de la 75eme journée du souvenir des victimes de la Shoah, tant c’est précisément l’invisibilisation méthodique des lesbiennes qui rend encore aujourd’hui si complexe le souvenir des victimes lesbiennes du nazisme.

Comment raconter les vécus de ces « innommées » ?

Comment raconter les vécus de ces « innommées », de celles, qui contrairement aux homosexuels masculins, n’ont pas été explicitement persécutées en raison de leur orientation sexuelle mais qui furent déportées pour d’autres raisons, violemment réprimées, empêchées d’être, contraintes à l’exil ou de vivre cachées ? Comment rendre compte de cette histoire, de ces histoires, rendues invisibles par les destructions fascistes ?  Innommées mais résolument, évidemment, incompatibles avec l’idéologie destructrice du national-socialisme. Idéologie totalitaire qui poussait à son paroxysme les rôles sociaux genrés qui ont cours sous un régime hétéro-patriarcal, et excluait de la communauté du peuple, les non-aryens, les jui·f·ve.s, mais aussi les tziganes, les handicapé·e·s, les communistes et autres opposant·e·s politiques… de nombreux groupes sociaux et politiques qui comptaient parmi eux des lesbiennes.

Raconter ces/des vécus, des trajectoires de « femmes ayant aimé des femmes », c’est tout l’objectif de « Constellations brisées », mené conjointement par Queer Code et Suzette Robichon, incontournable activiste lesbienne, cofondatrice de la LIG (Lesbiennes d’Intérêt Général, fonds de dotation féministe et lesbien). Ainsi, elles nomment : Elsa Conrad, Henny Schermann, Marguerite Chabiron, Suzanne Leclezio et Yvonne Ziegler.

Cinq vies et parcours dont un intimement lié, qu’elles retracent par le biais notamment de cartographies numériques et d’informations recueillies par le biais d’un réseau trans-européen regroupant des chercheur·e·s et activistes de France, d’Allemagne et d’Autriche. Ce projet aurait dû avoir un volet physique, au Mémorial de Ravensbrück, mais a été annulé du fait de l’épidémie de Covid-19. Une déconvenue de plus dans l’histoire laborieuse de la reconnaissance des persécutions subies par les lesbiennes.

Une lutte menée depuis plus de 20 ans par des militantes allemandes et autrichiennes dont Suzette Robichon a eu vent en 2010 alors que celles-ci avaient lancé une pétition demandant le soutien des associations lesbiennes et féministes pour que soit autorisée l’installation d’un monument propre aux lesbiennes dans l’enceinte du mémorial de Ravensbrück : le Geddenkuggel. Il était d’ailleurs prévu que « Constellations brisées », nous dit Isabelle Sentis, fondatrice de Queer code, « partage un espace commun avec les militantes lesbiennes allemandes et autrichiennes afin de présenter nos recherches et nos luttes communes ».

Une histoire européenne de répression rendue visible, en ligne au moins et ce n’est pas rien, grâce à une constellation européenne de solidarités lesbiennes, d’historien.n.e.s et descendants, neveux, nièces de déportées.

« Les inséparables »

Pourquoi raconter une histoire collective par le biais de trajectoires individuelles ? Car ces récits parviennent à celleux qui les cherchent de manière éminemment fragmentaire et il faut cahin-caha recoller les pièces du puzzle historique. Mais aussi car, explique Isabelle Sentis « nous avons choisi de donner “ chair ” à cette histoire. Nous voulions sensibiliser les participant.e.s à ces cérémonies en leur présentant des portraits, en humanisant des fragments d’archives. Nous voulions que ces portraits leur “ parlent ” et qu’ils suscitent des questions et des discussions. Nous voulions également présenter une diversité d’identités, de nationalités et de motifs de déportation ».

Il y a quelque chose de magique à pouvoir naviguer sur cette carte interactive et se projeter ainsi dans les bribes de vie de ces femmes, voir ces trajectoires liées par une cartographie commune, voir se matérialiser la géographie des calvaires qu’elles ont endurés.

Ainsi, on découvre le destin commun des Françaises Suzanne Leclezio et Yvonne Ziegler, surnommées « les inséparables », résistantes à Paris, arrêtées ensemble, et torturées par la Gestapo, déportées, ensemble encore, en 1944 à Ravensbrück. Et survivantes ensemble, en 1945. L’infirmière et écrivaine Yvonne Pagniez enfermée dans le même wagon qu’elles, qui les mènera au camp, peut-on lire sur la carte, les évoque à plusieurs reprises :  « elles font un contraste amusant, l’une longue et mince, l’autre massive de proportion, ces deux inséparables, qui depuis de longues années ont noué leur vie de dévouement. La brave Puce (Suzanne) toujours de bonne humeur, et doucement bienveillante »… Yvonne, elle, est surnommée » Zig ».

C’est le cœur serré aussi, qu’alors que l’on clique sur « Blangy-le-Château 1987 », on lit leur fin de vie relatée. Suzanne meurt dans une maison de retraite en 1987, Yvonne décède quelques mois plus tard. Sous le court texte, une photo d’elles deux, visiblement âgées, le bras de l’une tendue vers l’autre. Zig et Puce, « inséparables ».

Dans un contexte où toutes les prisonnières sont déshumanisées, réduites à néant, les lesbiennes sont celles qui agissent comme des hommes, celles à la sexualité débridée, incontrôlée, celles qui parlent la langue de l’oppresseur…

Bien sûr, jamais le mot « lesbienne » n’est employé pour les décrire. Peut-être elles-mêmes ne l’ont jamais employé pour parler de leur identité et de leur relation… Pouvoir raconter cette histoire, c’est savoir repérer les traces, les références à la vie lesbienne d’avant-guerre, les sous-entendus dans la métonymie (« les deux amies », « les inséparables », « noué leur vie de dévouement ») ou bien encore, il nous faut considérer les récits souvent lesbophobes de déportées qui se seraient définies comme hétérosexuelles. À ce titre, l’opérette  écrite à Ravensbrück de la survivante illustre Germaine Tillion est très éclairante : les lesbiennes, dites « julots » (« butch » dirions-nous aujourd’hui), y sont moquées, décrites comme brutales, forcément allemandes, ou encore animalisées, comme une espèce à part. Ces récits, s’ils sont sujets à caution, font tout de même état de la présence de lesbiennes, ou tout du moins de fantasmes liés aux lesbiennes, dont on fait « l’autre » par excellence. Dans un contexte où toutes les prisonnières sont déshumanisées, réduites à néant, les lesbiennes sont celles qui agissent comme des hommes, celles à la sexualité débridée, incontrôlée, celles qui parlent la langue de l’oppresseur… Celles qui ne sont pas droites, « straight », littéralement. Amorales, déviantes.

« Il est très complexe d’aborder les sexualités voulues/subies et les relations amoureuses/amicales… dans un contexte de déportation alors que les personnes qui accueillaient les déportées au retour des camps ne voulaient pas les entendre. De plus, les tabous et les interdictions de l’époque ont fait comme des couches de sédimentation dans les mémoires des survivant.e.s… En France, encore aujourd’hui la notion de vie privée et de ne pas évoquer le lesbianisme des personnes sont très ancrés. Lorsque ces femmes ont pu être  interrogées, questionnées par des chercheur.se.s, elles ne l’ont été que sur certains sujets et pas sur d’autres… », analyse Isabelle Sentis.

Non seulement elles n’ont pas forcément été déportées « parce que lesbiennes » et donc pas forcément « étiquetées lesbiennes » par l’administration nazie mais aussi, bien sûr, le stigmate de l’homosexualité, le silence imposé sur le sujet, a survécu à la libération des camps, pour les premières concernées comme pour le reste de la société.

Commémorer les lesbiennes

Longtemps, les commémorations se sont tenues sans inclure les minorités sexuelles, sans nommer la politique d’extermination qui les a expressément ciblées. Au cours des années 90, les homosexuels masculins, sont, après moult difficultés et violences, parvenus à faire reconnaître l’extermination et les persécutions systématiques dont ils ont été victimes. Pour rappel, nous parlons de 100 000 arrestations, 50 000 condamnations, jusqu’à 15 000 déportations, sans parler des thérapies hormonales forcées, des mises à l’écart dans les camps, et des castrations. Ces chiffres pouvant être sous-estimés). Le durcissement nazi du fameux Paragraphe 175 qui criminalisait l’homosexualité masculine en Allemagne, par exemple, n’a été retiré qu’en 1969 et le dit paragraphe complètement retiré qu’en 1994.

Enfin, il a fallu attendre 2009 pour qu’un monument en mémoire des homosexuel.le.s déporté.e.s soit inauguré à Berlin. Non sans polémique et non sans être victime plusieurs fois de vandalisme, il y a quelques mois encore.

Les homosexuels masculins ont été officiellement persécutés par le régime national-socialiste et affublés de triangles roses. Les lesbiennes, quant à elles, ont pu porter des triangles jaunes (juives), rouges (politiques), verts (criminelles) ou encore noirs (asociales). Pour les lesbiennes et les personnes trans, en absence de répression explicite, le travail mémoriel est plus ardue. Cela étant, le règlement intérieur du camp de Ravensbrück spécifiait tout de même, tel que j’ai pu le lire sur place pour les besoins d’un documentaire sur le sujet, que « s’approcher d’une autre prisonnière avec des intentions lesbiennes, se livrer à la débauche lesbienne, ou bien manquer de rapports de tels actes était puni. » L’impensé n’était pas total.

Des dessins tels que ceux de la déportée tchèque Nina Jirsikova font aussi l’état de relations entre femmes, puisque l’un d’entre eux dépeint une femme aux cheveux courts en enlaçant une autre. Aussi, les registres d’entrées au camp témoignent du fait que certaines prisonnières ont été labellisées « lesbiennes ». C’est le cas d’Elli Smula et de Margarete Rosenberg, dénoncées par leurs collègues et arrêtées sur le lieu de travail pour « relations homosexuelles », sans que ces accusations aient été avérées et que l’on puisse déterminer avec certitude qu elles étaient lesbiennes, toutefois la mention « lesbienne » y figure.

Voir 4eme ligne, « 28. Margarete Rosenberg […] lesbisch »

Il en est de même, dans une certaine mesure, pour Henny Schermann, dont on peut découvrir la trajectoire ici, et que Suzette Robichon résumé pour nous :  « Son parcours est terrible. Elle est juive, cataloguée comme lesbienne et déportée (en témoigne une annotation au dos d’une photo d’elle, sélectionnée par le médecin SS Friedrich Mennecke dans le cadre de ses expérimentations médicales qui ont résulté en une euthanasie de masse, ndlr). Elle est alors victime des sélections effectuées pour éliminer ces éléments “ nuisibles ” asociales, handicapés etc… et disparaîtra comme d’autres dans la chambre à gaz installée à Bernburg ».

À prendre connaissance de ces récits, nombreux, on mesure l’absurdité dramatique des débats autour de la reconnaissance de la déportation et des persécutions des lesbiennes, une mémoire encore disputée aujourd’hui.

À prendre connaissance de ces récits, nombreux, on mesure l’absurdité dramatique des débats autour de la reconnaissance de la déportation et des persécutions des lesbiennes, une mémoire encore disputée aujourd’hui. Comme nous le disait Insa Eschebach il y a quelques mois, « lors des commémorations officielles, on commémore les françaises, les polonaises, les enfants.. » déportées à Ravensbrück, « mais elles n’ont pas été déportées parce qu’elles étaient françaises, ou polonaises. Cela ne nous empêche pas de commémorer ces groupes, en dehors des labels que leur avaient attribués les nazis ». Pourquoi, alors ne commémore-t-on pas les déportées lesbiennes ? Pourquoi la “ boule commémorative ”, le Geddenkuggel, en mémoire des lesbiennes persécutées par le régime nazi est-il encore un monument interdit au Mémorial de Ravensbrück ?  Il faut se rendre dans le bureau d’Insa Eschebach pour découvrir ce monument interdit et pour elle, l’explication est claire : « Il y a encore de l’homophobie de nos jours ». La lesbophobie, ajouterait-t-on, car il s’agit d’une négation des vécus des lesbiennes, dont font également preuve des militants gays, qui s’opposent à cette reconnaissance officielle, comme le relatait le magazine gay Siegessaule dans son édito en juillet dernier.

Une historiographie hétérocentrée

Pour la passeuse d’histoire lesbienne qu’est Suzette Robichon, très active sur bien des fronts, le rapport à la déportation à Ravensbrück est d’abord intime, lié à son histoire familiale, mais très tôt, elle s’est aussi interrogée sur ce qu’il était advenu des lesbiennes pendant cette période. « Les récits des survivantes mentionnaient parfois l’existence de lesbiennes, le plus souvent associées à des asociales allemandes, parfois les décrivant comme “brutales”, ou “désagréables”… Sans parler du cliché de de la lesbienne Kapo… Et puis, je me suis demandée : que sont devenues les lesbiennes des années folles ?. »

Cette question traverse souvent les recherches sur les persécutions des lesbiennes pendant la Seconde Guerre mondiale : que sont devenues les femmes qui fréquentaient les cabarets lesbiens des années 20 ? C’est ce qui a, entre autres, motivé les travaux pionniers menés par Claudia Schoppmann, historienne allemande, autrice de Days of Masquerade, Life Stories of Lesbians During the Third Reich, et amie de l’infatigable activiste française. Des travaux publiés en 1996, qui n’ont toujours pas été traduits en français, même si, comme nous le précise Isabelle Sentis, « ils ont nourri les réflexions des historiennes et sociologues français.e.s d’aujourd’hui. » Le Berlin, comme Paris à l’époque, des années folles, comptait de nombreux cabarets lesbiens : le café Olala, le Violeta, l’Eldorado, la cave topp,  le club des dames de Monbijou, le club des joueuses de pipeau du café Princess. Des lieux interlopes dont on peut lire les savoureuses recensions dans un court ouvrage de Ruth Margarete Roellig intitulé Femmes lesbiennes de Berlin 1933, édité il y a quelques années en France par Gay Kitsch Camp.  En 1935, un texte de loi nazi a ordonné leur fermeture. À ce moment là, comme le rappelle Suzette Robichon « l’institut de Magnus Hirschfeld (pionnier des droits homosexuels, ndlr) a déjà été saccagé, la vie associative féministe et lesbienne a été stoppée net, à l’instar de toutes les publications et des clubs gais et lesbiens ».

C’est en ce sens, qu’Elsa Conrad, autre portrait du projet à parcourir ici, est « l’exemple typique de la persécution sociale subie par les lesbiennes à partir de 1933. Elle est arrêtée alors qu’elle est la gérante du Monbijou club, un des clubs lesbiens célèbres de Berlin. Après sa détention dans le camp de Moringen, en 1933 – Ravensbrück n’est pas encore construit – elle va devoir choisir entre rester en prison ou quitter l’Allemagne. Évidemment, on peut dire qu’elle a eu la chance de ne pas être déportée, bien que lesbienne, antinazie et demi juive mais elle est un des exemples de cette répression sociale qui s’abat et brise des vies. »

Contrainte à l’exil. C’est exactement ce que décrit Claudia Schoppmann dans son ouvrage, les exils forcés ou bien les « stratégies de camouflage » : se séparer de sa compagne, se marier avec des amis gays, performer une féminité normée… ce que l’une des témoins qu’elle a interrogée nomme, et qui a inspiré le titre de son ouvrage, « les jours de mascarade ». Pour survivre, en tant que lesbienne, il fallait mentir sur ce que l’on était.

Entreprise historiographique complexe

C’est pourquoi l’entreprise historiographique est si complexe et qu’il faut vraiment chercher notre histoire pour la trouver, savoir repérer les signes et lire entre les lignes, c’est l’invariable leçon… Mais Suzette nous exhorte, en quelque sorte, « si nous n’écrivons pas nous mêmes notre histoire, dont cette mémoire fait partie, personne d’autre le fera ». Car l’invisibilisation des lesbiennes, ajoute Isabelle Sentis a tout à voir avec une écriture de l’histoire hétérocentrée « l’histoire s’écrit dans des contextes et des systèmes politiques. Le nôtre est celui de l’hétéropatriarcat ». Et poursuit : « Pour moi, il nous faut inventer une façon d’écrire cette histoire. Écrire cette histoire, c’est forger des outils avec des lesbiennes et des personnes ayant conscience des rapports de domination en œuvre à l’époque et ceux à l’œuvre aujourd’hui. Je pense qu’il faut écrire cette histoire avec une éthique de recherches renouvelée. En tout cas, moi j’ai envie de l’écrire de façon communautaire. C’est-à-dire avec une communauté de personnes ayant des savoirs pluriels qui permettent d’accéder à des sources et de les décoder ensemble grâce à des points de vue riches de leur diversité. »

Écrire et pourquoi pas aussi, commémorer autrement, tel que nous y invitait la directrice du mémorial de Ravensbrück, en dehors des schèmes hétéronormés, « des cérémonies très conventionnelles aux origines militaires, aux accents martiaux »… Subvertir les codes. Commémorer, également, en écho politique au monde d’aujourd’hui, ce qu’appelle Suzette Robichon de ses vœux : « Je voudrais que cette histoire éveille les consciences. Notre monde compte encore de nombreux camps, et la situation déjà dramatique est exacerbée par la crise sanitaire que nous vivons. Comment les lesbiennes vivent-elles dans ces camps ?  Et qui documente et se soucie de ces vécus ? » Qui saurait répondre ?

Pour aller plus loin :

Queer Code, Constellations brisées :

Femmes lesbiennes de Berlin, de Ruth Margaret Roellig (éditions Gay kitsch camp)

Sortir les lesbiennes du placard 4/4 Les persécutions nazies https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/sortir-les-lesbiennes-du-placard-44-les-persecutions-nazies.

Le film Aimée & Jaguar inspiré d’une histoire vraie.

En anglais :

Days of Masquerade, Claudia Schoppmann, Columbia University Press, 1996

« These are the stories of gay women in a Nazi concentration camp », Gaystarnews

L’activiste Bettina Dziggel raconte dans cette vidéo, entre autres choses, les complications autour de la boule commémorative des lesbiennes au Mémorial de Ravensbrück.

Bibliographie et sitographie très complètes par la chercheuse Anna Hajkova

 

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