L'emploi du terme « tolérance » par Emmanuel Macron pour dénoncer l'homophobie ne passe pas

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Au lendemain d'une terrible agression d'un homme homosexuel à Rouen, le président de la République a rédigé un message sur Twitter pour dénoncer les violences homophobes dans le pays. L'emploi du terme « tolérance » a très rapidement fait réagir.

Emmanuel Macron en 2017 - Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock
Emmanuel Macron en 2017 - Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

Le président de la République a dénoncé, lundi 29 octobre via Twitter, les violences homophobes qui sévissent dans le pays, au lendemain de l’agression d’une extrême violence dont a été victime un homme gay à Rouen. « Les violences homophobes doivent être une préoccupation pour notre société tout entière. Elles sont indignes de la France. Des mesures concrètes seront annoncées mais ne sauraient remplacer l’humanité et la tolérance qui sont au cœur de notre culture », a tweeté Emmanuel Macron.

Outre l’annonce de « mesures concrètes » pour lutter contre l’homophobie, le choix d’évoquer la « tolérance » a divisé les internautes sur Twitter.

« On ne vous demande pas de nous “tolérer” »

Beaucoup de concerné.e.s se sont élevé.e.s contre l’emploi de ce terme, renvoyant selon elles et eux à une notion selon laquelle les personnes homophobes, lesbophobes, transphobes et biphobes devraient faire l’effort d’accepter les personnes LGBT+. À l’image de la réaction de l’influent médecin et écrivain ouvertement gay Baptiste Beaulieu qui a très vite réagi aux propos du président de la République : « Arrêtez de prôner la “tolérance” dès qu’on parle des LGBT+ tabassés. On vous demande pas de nous “tolérer” (non mais paye ta condescendance !). LA TOLÉRANCE C’EST POUR LE LACTOSE ».


La militante lesbienne, ancienne d’Act Up-Paris, Gwen Fauchois, a également dénoncé l’utilisation de ce terme, voyant entre autres dans sa traduction l’affirmation d’une « hiérarchie » entre les personnes LGBT+ et les autres : « Donc en fait ce qui préoccupe Macron, ô surprise, du haut de son hétérosexualité condescendante, c’est pas tellement l’homophobie, mais l’image de la France. Parler de tolérance c’est encore réaffirmer une hiérarchie. »


Sentiment partagé par Nicolas Noguier, le président de l’association Le Refuge, structure d’accueil des adolescent.e.s homosexuel.le.s rejeté.e.s par leur famille : « On veut de l’action ! L’utilisation du mot “tolérance” témoigne une fois de plus de l’homophobie institutionnelle inconsciente. »

D’autres estiment que le recours à ce terme n’est pas problématique, à l’image de cet internaute qui voit dans ces critiques une « polémique bidon »

Sortez vos dicos

Chez Komitid, on a ouvert le dictionnaire. Dans le Larousse, la « tolérance » est définie ainsi : « Attitude de quelqu’un qui admet chez les autres des manières de penser et de vivre différentes des siennes propres » ; « Attitude de quelqu’un qui fait preuve d’indulgence à l’égard de ceux à qui il a affaire. ». Sur Wikipédia, dont la page n’avait pas été modifiée depuis le 7 octobre lorsque nous l’avons consultée, le terme est défini de la sorte : « En général, la tolérance, du latin tolerare (supporter) et tolerantia (endurance, patience, résignation), désigne la capacité à permettre ce que l’on désapprouve, c’est-à-dire ce que l’on devrait normalement refuser. » Pour rappel, l’homophobie n’est pas une opinion, c’est un délit puni par la loi.

Si les discussions autour de la signification de « tolérance » tel que ce mot a été employé par Emmanuel Macron, des réactions plus nuancées tiennent à souligner l’importance d’une prise de parole présidentielle face aux violences homophobes et insistent sur l’importance de surveiller les annonces qui suivront ce qui n’est pour l’heure qu’un simple tweet. Une vision défendue par exemple par Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty international France : « Enfin une parole contre l’homophobie au plus haut de l’État ! Mais parlons plutôt de respect et d’égalité des droits que de tolérance. Et veillons à ce que ces paroles soient suivies d’effets concrets pour les LGBT. »


Castaner, Belloubet et Schiappa chez SOS homophobie

Quelles seront les « mesures concrètes » annoncées par Emmanuel Macron ? Difficile pour l’heure de le savoir, mais le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, invité sur RTL mardi 30 octobre, a indiqué que le gouvernement va « essayer de mettre en place des dispositifs plus ciblés pour garantir la sécurité. » « La multiplication des actes homophobes est totalement anormale  », a réagi le ministre, indiquant qu’une rencontre avec SOS homophobie va avoir lieu ce mardi 30 octobre au soir en sa présence ainsi que celle de la ministre de la Justice Nicole Belloubet et la secrétaire d’État égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations Marlène Schiappa. Le ministre de l’Éducation nationale, qui avait pourtant annoncé la diffusion imminente d’une campagne contre l’homophobie à l’école était en réflexion, ne sera manifestement pas présent.

  • phil86

    Macron appartient à l’ancien monde il parle donc à l’ancienne !

  • phil86

    Stricto sensu le terme tolérance ne désigne pas une grande ouverture d’esprit envers l’autre ! Communément il est compris comme signifiant acceptation mais ce dernier terme est plus adéquat.

  • gkoskovich

    « Je n’accepte pas qu’on me tolère. Cela blesse mon amour de l’amour et de la liberté. » —Jean Cocteau

  • akihito

    Aujourd’hui on ne peut rien dire sans que nos propos soit décortiqués au scalpel.