3 questions à Dominique Salmon, infectiologue, sur l'incidence des anti-vaccins sur les personnes immunodéprimées

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« Une personne qui ne se fait pas vacciner représente un risque pour les autres. »

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3 questions à Dominique Salmon, infectiologue, quant à l'incidence des anti-vaccins sur les personnes immunodéprimées - Numstocker / Shutterstock

Alors que les discours des anti-vaccins se répandent comme la vérole sur le bas clergé via les réseaux sociaux, quelques voix contestataires s’élèvent pour rappeler que ces choix de vie n’engagent pas que celles et ceux qui les décident pour leur personne. En effet, les immunodéprimé.e.s (vivant avec le VIH, se battant contre une leucémie, greffé.e.s, en traitement intensif de corticoïdes…) risquent de subir les conséquences des anti-vaccination, voire même, de payer le prix fort. La professeure Dominique Salmon, infectiologue à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu, nous explique cette dangereuse incidence.

Komitid : Pourquoi une telle popularité pour le discours anti-vaccins actuellement ?

Dominique Salmon : La vaccination est un acte de prévention : les gens ne sont pas malades, ils se font vacciner pour prévenir quelque chose. Autant quand on est malade on veut bien d’un médicament, autant lorsque l’on est en bonne santé, on n’a pas cette réflexion là, on ne voit pas l’intérêt du vaccin. Du coup, les gens ne se font pas vacciner, la maladie revient puis on a des rougeoles, des pneumonies… et là, face à ces maladies graves, les gens ont de nouveau la démarche de se faire vacciner et la maladie disparaît encore une fois. Et là, la question des effets secondaires devient centrale.

Quand la maladie est là et touche une personne sur 100, qu’il y ait un effet secondaire qui puisse toucher une personne sur 100 000 ou sur 1 000 000 ne pose pas de problème, on ne voit que le bénéfice du vaccin. Mais si la maladie a presque disparu, ne touchant par exemple qu’une personne sur 100 000, et que les effets secondaires se manifestent aussi chez une personne sur 100 000 ou sur 1 000 000, on voit plus les effets secondaires, voire même, on ne voit plus que ça, au détriment de la protection apportée par le vaccin.

« Il faut avoir une attitude responsable et se souvenir que la vaccination est un acte collectif »

Ce mouvement anti-vaccin n’est pas nouveau, ces discours ont toujours existé, depuis l’invention de la vaccination. À partir du moment où une vaccination est très efficace, la maladie disparaît. Donc les gens se disent qu’il ne sert à rien de se faire vacciner, de faire vacciner son enfant. Puisque la maladie est désormais rare et que les autres sont vacciné.e.s, les gens se pensent protégés. C’est quelque chose de cyclique. C’est lié au fait que la vaccination est un acte préventif, ce qui nécessite une attitude tournée vers la prévention et ce n’est pas le fort des français.es. Il faut avoir une attitude responsable et se souvenir que la vaccination est un acte collectif.

Quelle est l’incidence des personnes anti-vaccination sur les personnes immunodéprimées ?

Le choix des anti-vaccins a un impact très important car les personnes immunodéprimées ont plus de risques de contracter une infection. Les immunodéprimé.e.s, que ce soient les patient.e.s VIH ou les greffé.e.s, vont faire beaucoup plus d’infections, par exemple à pneumocoque. Le risque peut être multiplié par dix, vingt, voire trente ! Les personnes qui ne se vaccinent pas ont une responsabilité.

« Une personne qui ne se fait pas vacciner représente un risque »

Une personne qui ne se fait pas vacciner représente un risque. Les immunodéprimé.e.s, on leur demande de se faire vacciner, mais aussi de faire vacciner aussi l’entourage. Dans une famille, on va essayer de le ou la protéger, mais la vaccination ne prend pas toujours. Donc on va demander aussi à ce que les parents, les enfants, tout l’entourage soit vacciné, par exemple pour la rougeole, ou la varicelle.

Que faire au quotidien pour préserver la santé les personnes immunodéprimées ?

Ce n’est pas facile, il faut avoir le sens des responsabilités et le réflexe de penser collectif… et c’est pour ça qu’on n’y arrive pas en France. Voilà pourquoi la ministre de la Santé Agnès Buzyn a fait en sorte que la vaccination soit obligatoire pour les enfants, autrement c’est difficile d’avancer sur le sujet. En ce moment, par exemple, il y a une nouvelle épidémie de rougeole : cette épidémie part d’écoles, mais à partir du moment où un enfant vient à l’hôpital, cela va se transmettre aux soignant.e.s et aux personnes hospitalisées… et ça touche des personnes immunodéprimées.

« Les mesures d’hygiène sont importante, pas que les vaccinations »

Les mesures d’hygiène sont importantes, pas que les vaccinations. C’est toujours important de bien se laver les mains, de porter un masque si on tousse, ou au moins de le faire dans son bras ou un mouchoir. Faire attention à ce qu’on mange, aussi, notamment des choses pas ou mal cuites, qui représentent le risque de contaminer par des bactéries.

Et côté vaccination pour les personnes LGBT+, il faut rappeler qu’il y a des vaccins qui leur sont expressément recommandés, indépendamment du VIH . Il s’agit des vaccins contre l’hépatite B, efficace à 95 %, contre l’hépatite A, il y en a beaucoup en ce moment surtout à Paris et le vaccin dure 20 ans et, très important aussi, et contre le papillomavirus. Transmis par voie sexuelle, le HPV donne des condylomes mais aussi des cancers : cancer du pénis, cancer du col utérin, cancers ORL…