Magloire : « C'est plus insidieux, la grossophobie dans les cercles LGBT »

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Noir, homo et gros, Magloire nous raconte son combat contre la grossophobie, qui lui bouffe encore plus la vie que le racisme et l'homophobie... dont il nous parle aussi.

Grossophobie, racisme, homophobie : Magloire Grand Entretien
Grossophobie, racisme, homophobie : Magloire Grand Entretien - Maëlle Le Corre
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C'est en milieu d'après-midi que Magloire nous a donné rendez-vous dans les locaux de l'agence de com' avec laquelle il travaille, dans le 18e arrondissement de Paris. Il fait chaud, mais celui grâce à qui le Morning Live était si fabuleusement pédé ne renonce pas à sa légendaire élégance, drapé dans un châle noir moucheté d'argent - qui rappelle son collier de barbe - sur total look noir. Son port de tête est si gracieux qu'il ferait aisément ressentir à la troupe du Bolchoï la pressante nécessité de reprendre des cours de danse.

Après une grosse bise, nous choisissons de nous installer sur la terrasse pour pouvoir profiter de l'air frais (et de la nicotine), malgré des chaises design trop étroites pour nos majestueux postérieurs... ce qui nous donne l'occasion de rentrer immédiatement dans le vif du sujet : sa récente implication dans la lutte contre la grossophobie. Et le fait qu'il nous a beaucoup manqué ces dernières années, car sans lui, la télé n'est pas follement gaie.

On va commencer en douceur. C'est vrai que depuis la fin du Morning Live...

Oh mon dieu... Oh mon dieu... Oh mon dieu... (Rires)

... vous vous êtes fait un peu plus rare sur nos écrans...

Heureusement !

Enfin, j'ai fait quand même fait La Folle Route en 2008 avec Vincent McDoom ! C'était complètement dingo. À la recherche de tout ce qui était queer, éventuellement LGBT, mais aussi à la rencontre de tout le monde, de toutes les catégories de gens, ce qui fait qu'on discutait aussi bien avec des groupes un peu branchouillasses de province qu'avec des vieux et sympathiques paysans du Cantal, à Maurs par exemple. Le couple Vincent McDoom et Magloire dans un village de 500 âmes avec pour tout lieu de rassemblement la mairie et l'église, tout d'un coup, y'a un petit événement. Et ça se passe bien, ou mal, ou pas, mais ça se passe... On a adoré créer l'étonnement, la surprise, et on n'a jamais voulu susciter le rejet, même si ça nous est arrivé une ou deux fois. On avait envie de parler à un Camarguais sur son cheval, à une femme seule qui élève ses mômes à Limoges et à Jean Roch à St Tropez. On y est parvenus. C'était une victoire.

À part ça, depuis le Morning, j'ai aussi fait un peu de cinéma avec Iznogood. Et il y a eu ce film que j'aime énormément en 2012, qui s'appelle Toussaint Louverture. C'est la véritable histoire de cet homme qui a libéré Haïti en se dressant face à Napoléon, ce qui lui a évidemment valu de finir sa vie au cachot, mais qui a fait de ce peuple noir des Caraïbes le premier peuple libre. J'y ai joué le rôle de Mars Plaisir, l'un des premiers lettrés - fin lettré - noirs, qui est devenu professeur d'aristocrates. J'ai adoré jouer ce rôle !

À part ça, qu'est-ce que j'ai fait d'autre ? Pas grand chose. Pour des raisons personnelles, je me suis occupé de celle qui m'a adopté il y a 48 ans : on s'est battus pendant 14 ans contre Alzheimer. On s'est bien battus et la bataille s'est terminée à Noël il y a un an et demi. Après ça, j'ai donc recommencé à avoir envie de vivre. En l'état, j'avais pris quelques kilos, je me suis aperçu que parmi toutes les discriminations, en reprenant confiance en moi, que la grossophobie n'était pas un vain mot à inscrire au dictionnaire. C'est désormais chose faite, j'en suis ravi !

Je me suis rendu compte que je pouvais être noir, homosexuel, animateur, ancien animateur sans travail, mal conduire ma voiture, la garer très mal... je n'aurai jamais autant d'insultes que par le fait que je suis gros. C'est extraordinaire. C'est EXTRAORDINAIRE ! Donc c'est quelque chose qui m'a gêné, alerté. Et là j'ai fait la rencontre, lors d'une soirée, d'Hélène Bidard, adjointe à la Maire de Paris chargée de toutes les questions relatives à l'égalité femmes/hommes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains. Je lui ai raconté que mon plus grand souci aujourd'hui n'était pas d'être noir, homo, adopté, mais bien d'être gros. Y compris vis-à-vis du corps médical. D'ailleurs, je tiens à alerter nos ami.e.s, nos gros et nos grosses, que le médecin n'a pas forcément raison.

« Je me suis rendu compte que je pouvais être noir, homosexuel, ancien animateur sans travail… je n'aurai jamais autant d'insultes que par le fait que je suis gros. »

Quand mon cardiologue me dit « J'comprends pas, vous n'avez pas de diabète... On va refaire les analyses », c'est un scandale. Une honte. Comme si, parce que je fais plus de 135 kilos, je devais forcément avoir du diabète, ou quelque chose du même acabit. C'est honteux. Je plains surtout les femmes, les jeunes filles, celles qui veulent avoir des enfants, quelle que soit la façon dont elles le souhaitent, les trop rondes sont très largement et très violemment discriminées par des gynécologues imprudents, parfois criminels. Donc ça, c'est ma bataille : on a le corps que l'on a, on est ce que l'on est. Quel que soit l'endroit d'où on est, on a le droit à ! Et le médecin a le devoir, parce qu'il a fait son serment d'Hippocrate, de nous aider à avoir nos droits. J'étais donc vraiment ravi de cette rencontre avec Hélène Bidard, puisque ça a donné le 15 décembre la journée Grossophobie Stop à l'Hôtel de Ville de Paris. Je pense qu'il faut aider certains et certaines à pouvoir vivre, tout simplement.

C'est un propos très politique, très fort que vous tenez. On ne s'attendait pas forcément à vous l'entendre dire, parce qu'on ne vous avait pas beaucoup vu ou entendu ces dernières années. Donc on se demande ce qui a bien pu vous conduire à avoir un propos aussi militant sur ces questions. Qu'est-ce qui a été le déclic ?

Le droit à la vie, rien de plus. Le droit de ne pas être invisible.

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