« "Gros" n'est pas un Gros Mot » : un manifeste féministe et queer contre la grossophobie

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Le livre de Daria Marx et Eva Perez-Bello, fondatrices féministes, grosses et queer de Gras Politique, « "Gros" n'est pas un gros mot », est sorti le 23 mai. Interview.

« « Gros » n’est pas un Gros Mot » : manifeste féministe et queer contre la grossophobie
« « Gros » n’est pas un Gros Mot » : manifeste féministe et queer contre la grossophobie - Librio / Flammarion

Gras Politique est une association queer et féministe de lutte contre la grossophobie, discrimination à l’encontre des personnes grosses, en surpoids, obèses. Ses deux fondatrices, Daria Marx et Eva Perez-Bello, viennent de publier le livre « Gros » n’est pas un gros mot, dans la collection Librio de Flammarion.

En 121 pages, entre témoignages et chiffres scientifiques, les deux militantes font l’état des lieux d’une discrimination encore trop acceptable malgré sa violence quotidienne, et ses conséquences mortifères.

En pleine tournée d’interviews radio et télé, Eva, autrefois membre du Lesbotruck, a trouvé le temps de répondre à quelques questions.

« Dans le milieu LGBT nous sommes invisibilisé.e.s comme ailleurs »

Komitid : « Ce texte a été écrit pour toutes, tous, et les autres » / « La grossophobie est l’affaire de tou.te.s, nous en sommes persuadées », peut-on lire dans le préambule de “Gros” n’est pas un gros mot. Comment s’exprime la grossophobie dans les cercles LGBT+, qui revendiquent pourtant régulièrement une certaine forme d’aversion pour les normes et canons de beauté hétéro ?

Eva Perez-Bello : Dans le milieu LGBT, nous sommes invisibilisé.e.s comme ailleurs : sur les outils de com des soirées par exemple ou les productions culturelles, en dehors peut-être du modèle bear. Mais il est vrai que la réflexion sur les normes nous offre un espace de parole plus facilement accessible que dans d’autres communautés, même si les personnes LGBT+ souffrent des mêmes discours d’oppressions sur le corps.

Avec Daria, on vous a récemment beaucoup vu prendre la parole, au niveau individuel comme pour Gras Politique, dans des vidéos virales, sur la grossophobie. Avez-vous l’impression que quelque chose est véritablement en train de changer en ce qui concerne cette discrimination ?

On commence à nous laisser la parole et à accorder un intérêt à cette oppression. On a obtenu cette tribune à la force de notre militantisme et on compte bien s’en servir pour porter la lutte à un niveau systémique !

« Il faut se saisir des luttes spécifiques à l’intersection des luttes LGBT et de la grossophobie, comme par exemple l’ouverture de la PMA à toutes. Parce que oui, les personnes obèses sont encore exclues des parcours »

Que pourraient faire les assos, collectifs et militant.e.s LGBT+ pour mieux prendre en compte la grossophobie dans leurs revendications et leurs actions ?

Déjà, ne pas nous occulter, et devenir des allié.e.s. Il faut se saisir des luttes spécifiques à l’intersection des luttes LGBT et de la grossophobie, comme par exemple l’ouverture de la PMA à toutes. Parce que oui, les personnes obèses sont encore exclues des parcours. Ou encore le refus de prise en charge des patient.e.s trans et gros.ses au niveau de l’hormonothérapie, et des chirurgies, au prétexte de leur poids. Et le calvaire de trouver un binder grande taille. La grossophobie est un enjeu féministe, la convergence des luttes doit se faire.

Dans la présentation du livre, on prend appui sur le fait que le mot grossophobie n’est pas encore inscrit au dictionnaire. C’est désormais chose faite, aux côtés de « queer » et de « racisé.e ». Mais Le Robert a en même temps choisi d’inscrire l’expression grossophobe « infobésité » en même temps. Que pensez-vous de ces nouvelles entrées au dico ?

Au moins maintenant ces oppressions existent linguistiquement. On ne pourra plus dire que c’est juste un fantasme de notre part. Qu’il y ait des entrées grossophobes prouve probablement qu’on a raison de faire ce qu’on fait… et qu’il y a encore du boulot.

Alors que la presse magazine redouble d’articles sur le régime ou encore le fameux « corps de plage » à  l’approche de l’été, un conseil pour les lecteurs et lectrices gros.ses de Komitid ?

Fais ce qui te met le plus à l’aise. Ne te fais pas de mal, mais essaye peut-être de ne pas t’interdire ces choses qui te font plaisir…