Russie : le ministère de la Santé interpellé pour déterminer si l'homosexualité est une maladie

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Le dix-sept mai mille neuf cent quatre-vingt dix quoi ?

Photo prise lors d'une pride interdite à Moscou, en 2011, la pancarte du milieu dit « l'homophobie est une maladie qui se soigne »
Photo prise lors d'une pride interdite à Moscou, en 2011, la pancarte du milieu dit « l'homophobie est une maladie qui se soigne » - kojoku / Shutterstock

Le parti politique Chestno (qui veut dire « honnête »), vient d’adresser une requête à la Ministre de la santé russe, Veronika Skvortsova, pour que son cabinet lance une enquête d’envergure nationale afin de déterminer si l’homosexualité est, ou non, une maladie mentale. Et si on retournait trente ans en arrière ? Enfin, dans le cas de la Russie, une vingtaine d’années, puisque l’homosexualité n’y est officiellement plus cataloguée comme un trouble psy depuis 1999.

L’ombre d’un retour en arrière qui s’esquisse

Dans les grandes lignes de ce courrier officiel, daté du 25 mai dernier, on peut lire : « Nous demandons au Ministère de la santé de mener une étude psychiatrique nationale afin de répondre à cette question : l’homosexualité est-t-elle une maladie mentale ? Il y a 20 ans encore, en Russie, ce phénomène était considéré comme un trouble psychiatrique. Mais au milieu des années 90, d’abord l’OMS puis nous-mêmes, avons exclu l’homosexualisme de la liste des afflictions psychiques. À l’époque, il n’y avait pas d’études, nous nous étions simplement mis d’accord avec les humeurs des organisations occidentales. Néanmoins, dans la Russie d’aujourd’hui comme dans les autres pays, il se trouve assez de professionnels de la psychiatrie qui estiment que l’homosexualisme est un trouble mental  ».

Cette volonté assumée de rétropédaler sur les maigres acquis des personnes LGBT+ en Russie ne s’arrête pas là. Plus loin, le texte sonne comme une mise en garde : « Si c’est effectivement une maladie, il est clair que de telles personnes ne pourront pas enseigner dans des écoles et des universités. Et il faudra leur limiter la gestion des transports. De même, elles ne sauraient être élues aux pouvoirs législatif et exécutif, ni occuper des postes de juges ».

Sur les pages russes dédiées aux actualités LGBT+, en réaction à ce courrier, les internautes oscillent entre colère et humour, et dressent la comparaison avec le régime nazi : « Je crains que dans ce cas, nous ne soyons obligé.e.s de remercier les trois-quarts du gouvernement et de la Douma (chambre basse du parlement russe, ndlr)  », « marasme ! », «  je pense que s’ils découvrent à quel point nous sommes de joyeux.ses et merveilleux.ses “malades mentaux”, alors le parti Chestno perdra toute envie de vivre ».

Dans le sillage de l’homophobie d’État de Poutine

Si le courrier n’émane pas d’un membre de Russie Unie, parti politique du président Vladimir Poutine, c’est tout comme : il a été écrit par Roman Khudyakov. Ce député et président de Chestno, petit parti « sans étiquette » s’était présenté à l’élection présidentielle russe de 2018 en décembre 2017 pour finalement se retirer, à deux mois du scrutin, en invitant les russes à « s’unir autour du seul candidat, Vladimir Vladimirovitch Poutine ». Une manœuvre électorale courante dans la politique dans la Russie de Poutine qui cherche à « donner l’illusion d’un vrai pluralisme ». Cette stratégie est dénoncée depuis de nombreuses années par les journalistes indépendant.e.s, comme feu Anna Politkovskaïa, et par les militant.e.s pour les droits humains.

Chestno, parti « indépendant », se définit comme « panrusse », soit « pour tous les russes ». Entre cette posture et cette requête adressée au Ministère de la santé, pas de place pour le doute quant à la considération accordée aux citoyen.ne.s LGBT+ du pays.