3 questions à Sasha Dvanova, réfugiée russe et militante chez Urgence Homophobie

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« Il n’y a pas de dispositions spécifiques prévues pour les personnes migrantes LGBT+ en France. Les administrations concernées semblent voir les flux migratoires comme un éternel arrivage de familles hétérosexuelles… »

Sasha Dvanova, militante chez Urgence Homophobie
Sasha Dvanova, militante chez Urgence Homophobie

Militante LGBT+ en Russie, Sasha Dvanova, connaît bien la lesbophobie : elle a dû changer de profession à la suite de l’acharnement de ses collègues. Maintenant réfugiée en France, elle a été forcée de fuir sa terre natale à cause de son activisme au sujet des droits des personnes migrantes. Un combat qu’elle mène encore dans son pays d’accueil. Rencontrée dans une brasserie parisienne, elle raconte son histoire un verre de vin à la main entre deux cigarettes.

Dans quel contexte êtes-vous arrivée en France ?

Sasha Dvanova : En Russie, je n’étais pas que militante queer, j’étais aussi très active sur les droits des personnes immigrées, qui, dans un contexte post-colonial raciste y sont traitées comme des esclaves. Fin août 2016, 17 travailleuses originaires du Kirghizistan (en écrasante majorité, ndlr), sont mortes dans l’incendie de l’entrepôt d’une imprimerie moscovite qui ne respectait pas les normes de sécurité. En colère et bien démunie, j’ai voulu faire un geste citoyen symbolique en déposant des fleurs devant l’ambassade du Kirghizistan. Là, j’ai vu que les flics profitaient du moment de recueillement pour faire des contrôles au faciès.

Furieuse, j’ai pris des photos et je les ai postées sur Facebook pour dénoncer l’indécence de cette démarche. Mon post est devenu viral en quelques minutes. Dans les jours qui ont suivi, je me suis mise à recevoir des appels anonymes auxquels je n’ai pas répondu. Puis un numéro a fini par apparaître. À un chiffre près, il correspondait à celui d’une antenne locale du FSB (agence considérée comme principal successeur du KGB, ndlr). J’ai profité d’un visa touristique, obtenu afin de voyager en France et en Europe, pour quitter la Russie. Celui de mon amoureuse n’était plus valide. Elle n’a pu me rejoindre, à Marseille, qu’un mois plus tard.

Que pensez-vous de la politique d’accueil des réfugiés et réfugiées LGBT+ en France, et comment l’améliorer ?

S.D. : Alors… J’ai combien de jours pour répondre ? [rires]

À l’instant T, il s’agit plus de ne pas empirer la situation plutôt que de l’améliorer. Si le projet de loi asile-immigration passe, il impactera à la fois les personnes qui demandent l’asile, réfugiés et réfugiées, et les membres des administrations à qui ils et elles auront affaire. Il est hypocrite de dire qu’on va faciliter la situation des personnes migrantes en raccourcissant les délais de traitement de leurs dossiers. Les officiers de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et les juges de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’auront pas d’autre choix que de prendre des décisions arbitraires !

De plus, il n’y a pas de dispositions spécifiques prévues pour les personnes migrantes LGBT+ en France. Les administrations concernées semblent voir les flux migratoires comme un éternel arrivage de familles hétérosexuelles… Le système d’accueil est pensé de manière très hétéronormée, il faut absolument faire quelque chose ! Difficulté supplémentaire : il y a trop peu d’intersections entre les associations LGBT+ et les associations d’aide aux personnes migrantes.

À la fois réfugiée queer et activiste dans l’accueil de réfugiés et réfugiées LGBT+, quel message aimeriez-vous adresser aux autorités françaises ?

S.D. : Mon expérience ne ressemble pas à celle de la plupart des personnes réfugiées, on a eu de la chance d’avoir un dénouement heureux. Je me sens donc plus à l’aise pour parler du sujet en tant que bénévole qu’en tant que réfugiée.

J’ai très envie de démonter le cliché « les étrangers viennent percevoir des aides en France ». Toutes les personnes réfugiées que je croise ou que j’accompagne veulent se mettre à étudier ou à travailler au plus vite, faire partie de la société, devenir indépendantes et s’intégrer ! Je n’en connais pas une seule qui ait pour but de profiter des allocs. Ceci dit, vivre grâce aux aides de l’État n’est pas une mauvaise chose en soi. En ce qui me concerne, c’est ce qui me permet de consacrer toute mon énergie à des activités associatives, notamment auprès d’Urgence Homophobie (anciennement Urgence Tchétchénie, ndlr).

 

Propos recueillis et traduits du russe par Olga Volfson