Les positions ambivalentes de John McCain sur les questions LGBT+

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À sa mort, les médias ont loué les positions « progressistes » de ce républicain. Qu'en est-il de son rôle sur les questions LGBT+ ?

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John McCain lors d'une visite en Ukraine en septembre 2015 - Drop of Light / Shutterstock.com

À la mort du sénateur et ancien candidat à la présidentielle américaine John McCain ce samedi 25 août, les médias français ont loué le combat d’un patriote, mais aussi d’un « républicain modéré ». Au regard de certaines figures du parti – Mitt Romney, candidat à la présidentielle de 2012, Mike Pence, l’actuel vice-président, ou même Sarah Palin, sa colistière en 2008 – John McCain n’était pas le plus conservateur des républicains. Parmi ces derniers faits d’armes, on compte notamment son opposition affirmée à Donald Trump. Il n’avait pas hésité à exprimer, avec un certain panache, son désaccord avec l’abrogation de l’Obamacare lors d’une séquence particulièrement marquante en juillet 2017 au Sénat, quelques jours après avoir annoncé être atteint d’un cancer du cerveau.

McCain et le Don’t Ask Don’t Tell

Sur les questions LGBT+, le sénateur de l’Arizona a tout au long de sa carrière politique soufflé le chaud et le froid. Fort de sa carrière militaire, John McCain était bien entendu mobilisé sur les questions liées à l’armée américaine. En 2010, en plein débat autour du Don’t Ask Don’t Tell, il se positionne contre l’abrogation de cette mesure qui autorisait les personnes LGBT+ à servir dans l’armée à la condition qu’elles ne l’évoquent pas. Cette législation mise en place sous Bill Clinton en 1993 lui paraissait être « un système qui fonctionne ». « L’armée est à son meilleure en terme d’enrôlement, de fidélisation, de professionnalisme, de compétence. Alors prétendre que d’une façon ou d’une autre cette politique a été préjudiciable à l’armée est tout simplement faux » déclarait-il sur CNN en novembre 2010, quelques semaines avant l’abrogation officielle du DADT.

Pourtant, quelques années plus tard, c’est le même John McCain qui a dénoncé la décision de Trump d’interdire l’armée aux personnes trans. L’annonce a été faite sur Twitter, de façon totalement désinvolte et sans aucune consultation du ministère de la Défense. Du pur Trump. De nombreux et nombreuses membres du Congrès avaient fait part de leur colère, républicains et démocrates confondus. John McCain n’avait pas fait exception : « Il n’y a aucune raison d’obliger les militaires en service qui sont capables de se battre, de s’entraîner, et de se déployer à quitter l’armée – quelque soit leur identité de genre. Nous devrions être guidé.e.s par ce principe que chaque Américain.e qui veut servir notre pays et est capable de remplir les critères doit avoir l’opportunité de le faire  – et devrait être traité.e comme les patriotes que nous sommes. »

McCain face à Ellen DeGeneres

Concernant le mariage pour tous, John McCain était de cette trempe qui respecte les homosexuels, souhaite leur accorder un contrat ouvrant les mêmes droits que les couples hétérosexuels… mais considère tout de même que le mariage doit rester une institution réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme. C’est en tout cas ce qu’il a déclaré à Ellen DeGeneres en mai 2008. L’humoriste, qui allait épouser Portia de Rossi quelques mois plus tard, lui avait alors répondu : « C’est comme si on me disait “vous pouvez vous asseoir ici, mais pas ici”. C’est l’effet que ça me fait, ce n’est pas inclusif, on dirait qu’on ne mérite pas la même chose. »

Déjà en 1996, il faisait partie des 84 sénateurs et sénatrices à voter en faveur de la Defense of Marriage Act, loi fédérale qui réservait le mariage aux couples composés d’un homme et d’une femme. C’est seulement en 2013 que la mesure sera déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême. En 2015, deux ans plus tard jour pour jour, les juges de la Cour suprême voteront et ouvriront le droit au mariage des couples de personnes de même sexe.

Pourtant 2013 est aussi l’année où John McCain – ainsi que dix autres sénateurs et sénatrices républicains – a voté en faveur du Employment Non-Discrimination Act, une législation visant à lutter contre les LGBTphobies dans le monde du travail. Dans la foulée, il a aussi exprimé en 2014 son opposition à la Religious Freedom Bill votée dans son État, l’Arizona, une loi donnant un permis de discriminer sous couvert de liberté religieuse. La gouverneure Jan Brewer avait finalement opposé son veto.

Le miroir de l’Amérique

Pour Masen Davis, de l’organisation LGBTQ Freedom for All Americans, l’évolution de John McCain sur ce sujet correspond celle de bon nombre d’Américain.e.s : « Elle reflète la conscience grandissante que chacun.e d’entre nous partage les mêmes valeurs et les mêmes aspirations, et que nous aspirons tou.t.e.s à construire une nation plus parfaite. » Mais si l’on constate une ouverture progressive de John McCain ou une remise en question de certains choix (il a par exemple exprimé ses regrets d’avoir voté contre l’instauration du Martin Luther King Day en 1983), il ne faudra tout de même pas oublier certaines constantes de sa carrière politiques comme ses nombreux votes contre l’avortement et contre l’accès à la contraception.