États-Unis : la Cour Suprême rend une décision catastrophique sur « l'affaire du gâteau »

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En 2012, un pâtissier homophobe du Colorado avait brandi la sacro-sainte Liberté d'expression pour s'autoriser le droit de refuser de servir un couple d'hommes qui voulait un joli gâteau de mariage. Six ans après, la Cour Suprême vient de pencher en sa faveur. Et c'est la catastrophe.

La Cour Suprême à Washington - Orhan Cam / Shutterstock

Breaking news : la plus haute juridiction américaine dans sa grande majorité vient de pencher en faveur du pâtissier homophobe. Seules deux membres sur neuf, ont voté contre : la grande figure féministe Ruth Bader Ginsburg, et Sonia Sotomayor, la seule femme racisée du bureau.

Bien que la décision de la Cour spécifie qu’elle ne se circonscrit qu’au seul cas du pâtissier du Colorado (et non sur d’hypothétiques cas de fleuristes californiens ou de sculpteuses de glace floridiennes), cette décision sème la panique, de l’autre côté de l’Atlantique

Les réactions sur les réseaux sociaux sont pléthoriques et catastrophistes, comme on pouvait s’y attendre.

Tout avait  commencé par un gâteau de mariage, en juillet 2012 à Denver, dans l’État du Colorado. Pour ravir leurs convives, Dave Mullins et Charlie Craig demandent au pâtissier Jack Phillips d’exercer ses talents pour leur mariage. Celui-ci refuse, il ne souhaite pas travailler au mariage de deux hommes car cela va à l’encontre de ses convictions homophobes. Les deux époux portent donc plainte pour discrimination en se référant à une loi interdisant aux commerces publics, de ne pas servir tel.le ou tel.le client.e. La cour d’appel du Colorado leur donne raison. Les avocats du pâtissier décident alors de répliquer en sortant la grosse artillerie. Ils utilisent l’une des lois les plus sacrées du code américain : la liberté d’expression.

Les tribunaux d’Etat pourraient autoriser la discrimination envers les personnes LGBT+, dans un cas similiaire jouant sur la liberté d’expression..

Leur argument ? Le gâteau représentant l’institution du mariage véhiculerait un message, ce qui ferait du pâtissier un maître à penser : «  Jack sert tous ceux qui passent sa porte, quels que soient leur histoire et leur milieu. Mais, comme n’importe quel artiste, il ne peut exprimer n’importe quel message », avait expliqué à l’AFP Jeremy Tedesco, principal défenseur de Jack Phillips.

Il est donc devenu du ressort de la Cour suprême de trancher entre plusieurs principes cardinaux chez Oncle Sam : la liberté religieuse, l’égalité entre les citoyen.ne.s et la liberté d’expression, protégée par le premier amendement de la Constitution. Voilà où est le drame dans cette histoire de crème pâtissière : la Cour suprême, comme la Cour de Cassation en France, créé un précédent, une jurisprudence. Les tribunaux d’État pourraient à partir d’aujourd’hui autoriser la discrimination envers les personnes LGBT+, dans un cas similiaire, jouant sur la liberté d’expression.

Une consolation : le couple avait prévenu la semaine dernière, que quelque soit la décision de la Cour Suprême, ils «  continuerait à faire ce qu’ils peuvent pour protéger les droits de [leur] communauté »


L’association ACLU, s’est émue de ce que cette décision n’est qu’une confirmation de ce qui est déjà à l’oeuvre aux États-Unis, « one nation under god ». Elle a rappelé dans un récapitulatif, que l’argument religieux du pâtissier n’est pas nouveau. Dans les années 60, le restaurant Piggie Park Barbecue avait refusé de servir des client.s noirs en utilisant ses opinions religieuses, et dans les années 70 et 80, des écoles avaient affirmé qu’elles pouvaient payer les femmes moins que les hommes, parce que les hommes étaient les chefs de famille. Mais elles n’avaient pas eu gain de cause, jusqu’à présent.

Si Trump devait remplir un autre siège vide à la Cour (…) cela créerait la Cour la plus conservatrice depuis les années 30 »

L’heure est particulièrement grave, car cette décision est celle de la Cour implémentée par la marque Trump. Souvenez-vous : cinq semaines après sa prise d’office, l’énergumène avait nommé le conservateur Neil Gorsuch à cette haute legislature. Si le juge Anthony Kennedy, l’un des votants pour la légalisation du mariage pour tous et toutes au niveau fédéral, devait prendre sa retraite très prochainement, il se trouverait remplacé par un nouvel allié de Donald Trump.

« Si Trump devait remplir un autre siège vide à la Cour cela aurait un terrible effet », a expliqué Erwin Chemerinsky, doyenne de l’Université de Droit de Berkeley, au Guardian.  « Cela créerait la Cour la plus conservatrice depuis les années 30. Cela donnerait la majorité suffisante pour revenir sur la loi Roe Vs Wade (qui autorise l’avortement aux USA, ndlr) »