Papillomavirus: la vaccination en France a pâti de plusieurs freins

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Gratuit pour les homosexuels de moins de 26 ans, le vaccin du Papillomavirus rencontre toujours de nombreux obstacles empêchant sa diffusion.

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Vaccination / Shutterstock

Craintes liées au vaccin, méconnaissance de son impact pour prévenir des cancers, difficultés socio-économiques… de multiples freins ont pesé jusqu’alors en France sur la vaccination contre le papillomavirus humain.

Contrairement à d’autres pays, cette injection nécessite un rendez-vous chez un professionnel de santé habilité (pédiatre, généraliste…).

Vacciner en milieu scolaire “pourrait permettre d’augmenter les couvertures vaccinales“, comme dans d’autres pays (Australie, Canada, Finlande, Norvège, Ecosse…), selon les autorités sanitaires.

Cela enlève un éventuel frein lié à la disponibilité des parents pour amener leurs enfants se faire vacciner” et “cela marque une volonté nationale“, a déclaré à l’AFP Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer et médecin de santé publique.

Une expérimentation pendant deux ans dans le Grand Est chez des collégiens de 5ème a ainsi fait passer le taux de vaccination anti-HPV de 9 % à 27 % la première année, de 14 % à 31 % la seconde.

Le consentement des deux parents est requis.

La vaccination en milieu scolaire sera un élément indispensable mais insuffisant isolément“, ont prévenu en juin les signataires d’un appel rassemblant, entre autres, l’Académie de médecine, les principales sociétés savantes concernées (cancérologie, pédiatrie…) et des associations de patients.

Défiance vaccinale

Une “campagne d’information massive” doit l’accompagner, ont-ils insisté.

Surtout dans un contexte post-Covid, où une défiance vaccinale persiste chez certains Français.

Il faut “déminer les interrogations ou inquiétudes qui peuvent persister” autour du vaccin anti-papillomavirus, selon Emmanuel Ricard.

Pour la non-vaccination, la crainte d’effets secondaires et la peur du vaccin étaient les raisons principales invoquées par les parents d’adolescentes, selon une étude de Santé publique France parue fin novembre 2022. Et dans certains cas, le médecin n’aurait pas proposé, voire aurait déconseillé, cette injection.

Or, “contrairement aux craintes de certains à l’époque sur le Gardasil (l’un des vaccins disponibles, ndlr), on n’a pas vu de recrudescence ni d’explosion des scléroses en plaque ou maladies auto-immunes post-vaccination HPV, ni en France, ni à l’étranger“, a affirmé l’expert de la Ligue contre le cancer.

Les possibles effets secondaires sont classiques après une vaccination et témoignent d’une réaction immunitaire (douleur au niveau du point d’injection, fièvre, fatigue), selon les spécialistes.

La méconnaissance de l’apport du vaccin pour prévenir des cancers liés au papillomavirus a aussi pu jouer.

Or sur le cancer du col de l’utérus, la vaccination a montré son bénéfice dans les pays les plus en pointe, martèlent les spécialistes de santé publique et d’oncologie.

En Australie, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni, il a été démontré que le vaccin avait fortement diminué la circulation du virus, qu’il y avait beaucoup moins de lésions pré-cancéreuses et de survenue de cancers chez les femmes vaccinées“, a résumé Emmanuel Ricard.

“Totalement gratuite”

Autre frein : le vaccin anti-HPV aurait été perçu en France, par certaines familles, comme “un passeport pour entrer dans une sexualité“, a-t-il poursuivi.

Mais le vaccin cible un virus extrêmement transmissible, et pas uniquement sexuellement -les mains, voire des objets, dont du linge de corps ou des serviettes peuvent le transporter.

Et la vaccination est d’autant plus efficace qu’elle est faite avant la rencontre avec le virus à l’origine de l’infection, d’où une recommandation centrée principalement sur les 11-14 ans, selon les experts.

Outre une défiance et/ou méconnaissance du vaccin, des inégalités socio-économiques ont été identifiées.

L’étude de Santé publique France a ainsi montré des proportions de vaccination “particulièrement faibles” pour les filles avec un/des parents au chômage.

Le coût du vaccin -entre 95 et 116 euros- peut entrer en ligne de compte. S’il est remboursé à 65 % par l’Assurance maladie et la part restante prise en charge par une complémentaire, l’avance des frais ou l’absence de mutuelle peuvent freiner.

Pour certaines familles, qui plus est dans un contexte d’inflation, ce reste à charge n’est pas négligeable“, a noté le porte-parole de la Ligue.

Pour les collégiens en 5ème cette année scolaire, la vaccination sera “totalement gratuite“, intégralement remboursée, a souligné le gouvernement.

Les signataires de l’appel de juin ont plaidé, eux, pour la possibilité d’une vaccination gratuite jusqu’à 26 ans pour tous -limitée actuellement aux hommes ayant des rapports homosexuels.