Retour sur la carrière brisée de Paul Reubens, alias le très queer Pee-Wee Herman

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Retour sur la carrière mouvementée de Paul Reubens et de son personnage crypto-queer Pee-Wee, entre puritanisme étasunien et scandales sexuels.

Paul Reubens dans « Pee-Wee's Big Adventure » - Capture d'écran Youtube
Paul Reubens dans « Pee-Wee's Big Adventure » - Capture d'écran Youtube

Acteur iconique, humoriste légendaire, avant-gardiste excentrique. Paul Reubens est décédé le samedi 30 juillet dernier des suites d’un cancer dont il souffrait depuis plus de six ans. « Paul a lutté courageusement et en privé contre le cancer pendant des années, avec la ténacité et l’esprit qui le caractérisaient », peut-on lire dans le communiqué de presse. Un départ soudain qui offre l’occasion de revenir sur une carrière mouvementée

Briller sous les projecteurs

Connu principalement pour son rôle de Pee-Wee Herman, un homme-enfant extraverti à la dégaine longiligne, Paul Reubens a fait les beaux jours de la télévision américaine dans les années 80. Un alter-ego qu’il exploite d’abord lors de one-man shows plus ou moins confidentiels en 1981, avant de se produire au Roxy Theatre de Los Angeles, où il joue durant cinq mois à guichets fermés. La diffusion de son spectacle sur HBO fait exploser sa notoriété et le propulse très haut dans l’industrie du divertissement.

En 1985, Warner Bros lui propose d’écrire un long-métrage dans lequel Pee-Wee sera le héros. S’il aurait pu être une simple comédie de commande, la réalisation du film est confiée à un certain Tim Burton. À l’époque, celui qui réalisera plus tard Mars Attack et Beetlejuice n’a encore jamais tourné de longs-métrages, mais s’est illustré grâce à quelques courts qui ont su séduire Paul Reubens. Voila que les univers de deux esprits fous se rencontrent. Sorti dans les salles en 85, Pee-Wee’s Big Adventure est un succès au box-office, et contient d’ores-et-déjà tout le cinéma de Tim Burton, de ses traits d’humour si particulier à son attachement au fantastique.

L’année suivante, le personnage de Pee-Wee arrive à la télévision avec sa propre émission hebdomadaire pour enfants, Pee-Wee’s Playhouse. Paul Reubens y apparaît sous les traits de Pee-Wee dans une maison magique dans laquelle le mobilier et les animaux lui parlent. Tout au long de ses quatre années de diffusion, l’émission récoltera pas moins de 22 Emmy Awards.

Un personnage queer

Bien que Paul Reubens n’ait jamais publiquement parlé d’une possible homosexualité, Pee-Wee Herman a quant à lui, à biens des égards, tout d’un personnage « crypto-queer ». Il se caractérise par sa gentillesse et sa sensibilité, par sa gestuelle frêle et androgyne, son attitude extravertie et ses farces à répétition. Pee-Wee était de ces marginaux, de ces queers qui ne se disaient pas vraiment, dont on pouvait percevoir une solitude criante derrière l’apparente extravagance. Si Paul Reubens attribue une sexualité à Pee-Wee dès sa création, son passage au petit écran l’oblige et se lisser. Dès lors, Pee-Wee apparaît comme un individu asexué et inoffensif, faisant rentrer dans le foyer des familles cette figure si queer sans que cela n’alerte quiconque.

Ainsi, de cet homme-enfant qui enchaîne les gags, naît une icône du camp aux milles facettes. Visage réconfortant et amusant pour les plus jeunes, et repère étrange et subversif qui s’est immiscé avec adresse dans le monde ultra-normé de la télé pour la communauté LGBTI+.

Une carrière volée par les scandales

Malheureusement pour lui, la carrière de Paul Reubens prend un tournant obscur dans les années 90, lorsqu’il est arrêté par un policier qui l’accuse de s’être masturbé dans un cinéma porno. Il est aussitôt arrêté pour exhibitionnisme et ne nie pas les faits, bien que des vidéos de surveillance montrent qu’il n’était pas présent dans la salle au moment où le policier dit l’avoir vu. Reubens plaide coupable pour écoper d’une peine plus légère que les 90 jours d’enfermement qu’il risquait.

La photo de sa garde à vue, sur laquelle il apparaît épuisé et échevelé, remplace dans l’esprit du public le visage amusé et l’allure tirée à quatre épingles qu’il arbore habituellement à la télévision. Les médias people se jettent sur l’affaire, à coup de termes pompiers, qualifiant notamment l’évènement de « disgrâce ».

Le reste de l’industrie ne tarde pas à réagir à son tour : CBS annule les rediffusions de Pee-Wee’s Playhouse, tandis que les magasins de jouets retirent de leurs rayons les produit à son effigie. Ce lynchage médiatique disproportionné participe largement à ternir son image mais une partie du public américain lui reste fidèle. Des rassemblements de fans s’organisent alors ici et là, où le comédien est décrit comme la victime d’un traitement homophobe et puritain plutôt que comme un prédateur.

Dix ans plus tard, Paul Reubens est de nouveau arrêté, cette fois-ci pour suspicion de possession d’images pédopornographiques. Les images en question ? Une collection d’images artistiques et érotiques : « Si vous voyiez cette collection, vous comprendriez tout de suite qu’il n’y a rien de pédopornographique » confiait-il en 2004 à NBC.

Les charges concernant le caractère pédopornographique sont abandonnées la même année, au profit d’une nouvelle accusation quant à des images jugées cette fois-ci « obscènes ». Reubens plaide coupable et continue de nier la dimension pédocriminelle de ces documents, alors que sa réputation est définitivement salie par toutes ces affaires : « Je ne veux surtout pas que les gens puissent penser que je sois excité par des images d’enfants. Vous pouvez penser ce que vous voulez, que je suis bizarre, fou, mais pas ça. Ce n’est pas vrai », déclare t-il dans cette interview.

Absent longtemps de nos écrans, Paul Reubens tente un come-back peu concluant en 2016 sur Netflix avec un nouveau film mal reçu par la critique et le public. Pee-Wee’s Big Holiday signe ainsi l’ultime fulgurance du comédien.