Rétrospective Emilie Jouvet à In&Out : « Mes films ont suivi l'évolution de ma génération »

Publié le

Ses films font l'objet d'une rétrospective durant l'édition 2023 du festival de films queer niçois In&Out qui débute le 6 avril. La cinéaste féministe lesbienne Emilie Jouvet, à qui on doit des documentaires engagés, répond aux questions de Komitid.

Emilie Jouvet
Emilie Jouvet

Les rencontres cinématographiques queer In&Out fêtent leurs 15 ans cette année, avec une programmation riche de près de 50 films mais aussi des soirées, des expos et des débats.

Deux cinéastes queer sont particulièrement mis à l’honneur durant cette édition. Le réalisateur Yann Gonzalez (Les Rencontres d’après minuit, Un couteau dans le cœur), et la cinéaste, productrice et photographe furieusement indépendante Emilie Jouvet. Elle sera présente durant le festival et cette rétrospective va permettre de découvrir ou de redécouvrir une œuvre documentaire engagée, en particulier sur les questions féministes et « sex positive »  qui s’étend sur près de trois décennies. Une masterclass est également programmée le 13 avril. En complément, le lieu d’exposition Le Dojo présente le travail photographique d’Emilie Jouvet ainsi que trois de ses courts-métrages.

Emilie Jouvet répond aux questions de Komitid.

Komitid : Comment as-tu réagi quand le festival In & Out t’a proposé cette rétrospective à Nice ?

Emilie Jouvet : Je suis ravie de retourner à In&Out car ils m’ont suivi depuis les débuts, c’est un peu la famille. Faire une rétrospective avec des long-métrages et des courts, une Masterclass et une expo photo, c’est une grande joie et un regard complet qu’In&Out porte sur les œuvres et l’évolution d’une artiste.

Depuis « One Night Stand » jusqu’à « Mon enfant, ma bataille », qu’est-ce qui a changé/évolué dans ta pratique de cinéaste et de productrice ?

Ce qui a changé c’est.. ma naïveté ! J’ai toujours été une artiste assez spontanée et candide, qui suivait ses convictions et ses émotions plus qu’un plan de carrière ou une recherche de notoriété. J’ai beaucoup évité de faire des plateaux télé, des films avec des productions où il fallait se plier à de la censure ou de la réécriture, etc. Cette personnalité atypique m’a amené à créer des films certes libres mais dans des conditions assez difficiles en comparaison des réalisateurs qui passent par le parcours classique. Mes films ont suivi l’évolution de ma génération, de l’explosion de la liberté sexuelle des lesbiennes et des queers dans les années 2000, à la dénonciation des diktats sur le corps des femmes puis la lutte pour les droits reproductifs des LGBTQI+. Aujourd’hui je m’intéresse surtout à la lutte pour le climat et au parcours des personnes neuro-atypiques.

En 2017, j’avais été bouleversé par « Aria », sur ton parcours de PMA alors interdite en France. Comment as-tu réagi lorsque la PMA pour (presque) toutes a été votée ?

J’ai été bien sûr très contente que la loi passe enfin après toutes ces années de lutte. Mais la victoire avait aussi un goût amer sachant que pour ma part et pour les milliers de femmes de ma génération nous avons dû vivre ce parcours du combattant seules et cachées comme des pestiférées. Le vote d’une loi est toujours une immense joie mais aussi juste une étape, car après il faut surveiller les conditions d’application, qui dans les fait n’offre pas encore de réelle égalité : les couples hétéros sont toujours prioritaires en comparaison des couples de femmes et des femmes solo. Les délais sont tellement longs et les conditions tellement strictes que beaucoup doivent se résoudre à partir à l’étranger. Et ne parlons même pas des personnes trans qui ne peuvent toujours pas bénéficier de cette loi.

« Je suis vraiment intéressée en ce moment par l’évolution de la représentation des personnages LGBTQI+ dans les séries »

Aujourd’hui, qui sont celles qui t’inspirent dans les domaines artistiques (ou dans d’autres domaines) ?

J’écoute beaucoup de musique et je trouve qu’il y a une génération de jeunes chanteuses/compositrices/Dj hyper talentueuses et inspirantes comme Pomme, Meryl, Aloïse Sauvage, Angèle, Mila Dietrich. J’aime également suivre les actions des jeunes militantes pour la planète, comme par exemple Greta Thunberg ou Mathilde Caillard aka” Mcdansepourleclimat” . Force à elles !

Quelles sont les évolutions qui t’intéressent le plus dans le cinéma queer ?

Je suis vraiment intéressée en ce moment par l’évolution de la représentation des personnages LGBTQI+ dans les séries. C’est juste formidable de voir cette visibilité grandissante avec de plus en plus personnages et de romances queer dans des séries grand public, comme dernièrement dans The Last of Us, avec Bella Ramsey dans le role d’Ellie, et la superbe relation amoureuse entre Bill et Frank. Que ce soit au niveau de la progression des droits des femmes et des LGBT, ou au niveau de la planète, je vois l’avenir comme quelque chose de très contrasté, a la fois effrayant et réjouissant.

Rétrospective Emilie Jouvet (13-14-15 avril), durant le festival In&Out, du 6 au 15 avril, à Nice. Toute la programmation est ici.