Réforme des retraites : nous avons suivi Les Inverti·e·s, nouveau pink bloc en colère

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À l'occasion de la manifestation parisienne du 16 février, Komitid s'est entretenu avec Romain et Tarik, deux militants du collectif LGBTI+ Les Inverti·e·s sur ses motivations et son fonctionnement.

Romain au premier plan du cortège des Inverti·es, le 16 février 2023
Romain au premier plan du cortège des Inverti·es, le 16 février 2023 - Capture d'écran Instagram

Depuis près d’un mois, tous les mardis et samedis, les rues françaises ont vibré au rythme des manifestations contre la réforme des retraites. Les chiffres records, la mobilisation ferme, et l’alliance inattendue entre la CFDT et la CGT ont réussi à donner à cette opposition une ampleur sans précédent.

Au milieu de tous ces cortèges de syndicats majeurs et de partis politiques, le collectif des  Inverti·e·s est rapidement devenu un Pink Bloc (une action collective queer) prometteur qui est loin de passer inaperçu.

Lors de la manifestation du 16 février dernier, ce collectif, qui se définit comme un « collectif LGBTI, trans-pédé-gouine, mais également marxiste et anticapitaliste », a répondu aux questions de Komitid.

Il a beau faire de plus en plus parler de lui, le collectif est pourtant encore très jeune : « On a commencé à y réfléchir pendant l’été 2022 et c’est vraiment en septembre qu’on a décidé de se lancer. C’est parti du constat que le mouvement LGBTI n’était pas à la hauteur, on l’a vu par exemple avec les propos homophobes de la ministre Cayeux qu’on n’a pas réussi à faire démissionner, avec la polémique sur le Planning Familial et les organisations de gauche qui ne sont sont pas sentis légitimes de défendre parce que ça parlait de transphobie, ou encore avec la gestion de Mpox qui a été désastreuse par le gouvernement. On trouvait le mouvement pas assez combattif, pas assez offensif, et du coup on a créé le collectif », déclarent Romain et Tarik, deux militants de respectivement 27 et 29 ans. Depuis sa création il y a quelques mois, le collectif s’est déjà réuni à de nombreuses reprises pour apporter son soutien, là aux raffineurs ou encore aux manifestations féministes.

Des revendications spécifiques

Selon les deux militants, la réforme des retraites sera encore plus violente pour certaines populations de la communauté LGBTI+ : « Pour nous la revendication générale c’est la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités, ce qui sera positif pour tous les travailleurs et travailleuses. Mais il y a des spécificités pour les LGBTI à prendre en compte : les carrières hachées pour les personnes qui ont le VIH/sida, pour les personnes qui ont fait des parcours de transition qui peuvent avoir cotisé avec un numéro de sécurité sociale puis un autre… », affirme Romain.

De plus, leur initiative se base aussi sur un sujet dont on parle de plus en plus, à savoir l’isolement des personnes âgées LGBTI+ : « Au niveau de la vieillesse, quand on est vieux et LGBTI+ on est souvent isolés, on n’a pas eu l’occasion de fonder une famille. Il faut donc un renforcement de tout le système avec des Ehpad publics qui soient en mesure d’accueillir les LGBTI ou bien des établissements communautaires qui soient mis en place avec des modèles associatifs, publics, gratuits ».

Suivant la même pensée, l’association Les Audacieux et les Audacieuses ouvrira en 2024 à Lyon la première « Maison de la diversité », censée accueillir les seniors LGBTI+ et séropositifs en priorité.

Leur démarche trouve aussi sa source dans le besoin de voir les associations et réalités LGBTI+ davantage considérées dans les débats sociaux par les partis politiques et syndicats d’envergure. « Quand on ne parle pas, personne ne parle de nos questions. Il faut le faire nous-mêmes. C’est comme ça que les mouvements féministes et anti-racistes ont réussi à émerger et c’est comme ça qu’on réussira à révéler l’aspect systémique de nos oppressions », nous explique Tarik.

Pour lui, le combat contre la réforme est d’une importance capitale, bien plus grande qu’on ne le croit. « Si on perd ce combat il y a un boulevard qui s’ouvre pour l’extrême droite. On a donc tout intérêt à se mobiliser », ajoute t-il après un triste constat sur les nombreux pays tombés aux mains de gouvernements d’extrême-droite (Italie, Brésil, Hongrie), et dans lesquels la communauté LGBTI était la première cible.

Cette non-prise en compte des vies queers dans les revendications sociales des mobilisations, Romain la déplore mais ne désespère pas : « Ce qu’on remarque c’est que sur la question de la réforme des retraites, l’impact sur les femmes est de plus en plus discuté sans que ce soit directement initié par les mouvements féministes. Nous, ce qu’on aimerait c’est que pour chaque réforme, les syndicats et autres institutions regardent aussi comment ça va toucher les LGBTI. »

Questionné sur la mobilisation de la communauté LGBTQI+ dans les manifestations de ces dernières semaines, Tarik se montre relativement optimiste et combatif : « On a vu à la manif du 31 le plus gros Pink Bloc de l’histoire des manifestations sociales à Paris. On était des milliers. Ça faisait plaisir, parce qu’on pense que ce qui est bon pour les trans-pédés-gouines est bon pour tous. Si notre système nous protège, ça veut dire que ça protège tout le monde ».

Au début des mobilisations, le collectif avait publié une tribune contre la réforme relayée par Têtu et Médiapart et signée par une centaine d’organisations et de personnalités publiques (parmi lesquels Alexis Langlois, Océan, ou encore Soa de Muse).

Le sens de la viralité

Armé de ces discours radicaux et ultra-politisés, le Pink Bloc défile donc dans les rues à coup de slogans et de pancartes qui font le tour des médias. C’est en effet à eux que l’on doit les images les plus remarquées des manifestations : « Marre de simuler nos retraites, on veut en jouir », « Sans contrefaçon je suis contre Macron » ou encore « J’adore les grévistes, c’est tellement romanesque »… La créativité et l’ambiance collégiale du collectif n’est donc plus à prouver.

 

« On a un groupe sur Discord dans lequel on balance des idées à droite à gauche. Souvent on a une référence, genre Rihanna qui vient de passer au SuperBowl alors il nous faudrait un truc sur Rihanna. On cherche des références qui parlent à nos communautés, avec des divas, des drag queens, des figures lesbiennes, et c’est vraiment très collectif. On fait tout ensemble et ça marche bien », nous confie Romain. C’est aussi là que réside la force de leur engagement.

Un groupe uni et encore jeune, sans hiérarchie définie, où chacun apprend de l’autre au nom de l’égalité des droits et de l’affirmation de sa colère.

Plus d’informations sur les futures mobilisations du collectif sur leur compte Instagram ! On devrait revoir Les Inverti·es dans la rue à Paris le 7 mars, date prévue de la prochaine grande manifestation contre la réforme des retraites.

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