« Caravage », de Michele Placido : la vie sulfureuse d'un peintre légendaire

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"Caravage", le nouveau film de Michele Placido avec Louis Garrel et Isabelle Huppert, aborde la sexualité polémique du peintre à son époque et ses démêlés avec l'Église quant à son art jugé provocateur.

Riccardo Scamarcio dans "Caravage" - Luisa Carcavale

Au cinéma, Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit le Caravage, est partout. Documentaires à foison et biopics venant de tous les horizons, le peintre italien continue de passionner le septième art.

Récemment, c’est le cinéma queer qui s’empare le mieux de l’héritage que nous a laissé l’artiste. Notamment grâce à Caravage et moi de Steve McLean et Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues, qui rendent tous deux hommage à la physicalité des peintures de Caravage dans des scènes homo-érotiques où les corps masculins, tantôt jeunes prostitués londoniens, tantôt pompiers et princes portugais, s’entrechoquent avec lascivité et délicatesse.

Connu pour ses magnifiques tableaux illustrant des épisodes bibliques, Caravage s’est attiré les foudres de l’Église en mettant un point d’honneur à personnifier les saints qu’il peignait via des modèles non-conventionnels, allant de la prostitué au bandit, en passant par des homosexuels. Des scandales qui s’ajoutèrent donc aux rumeurs entourant sa très libre sexualité, oscillant entre les hommes et les femmes.

Alors qu’en est-il de cette nouvelle adaptation filmique de la vie du Caravage, réalisé par l’acteur-réalisateur italien Michele Placido, avec en tête d’affiche Riccardo Scamarcio et les très français Isabelle Huppert et Louis Garrel ?

Avant tout, ce Caravage est un film de comédiens, et Michele Placido, lauréat de l’Ours d’Argent pour son rôle dans Ernesto en 1979 et acteur chez Nanni Moretti, Marco Bellochio, Giuseppe Tornatore ou encore Lina Wertmüller, sait quelle direction donner à son casting.

Dans le rôle du peintre, Riccardo Scamarcio se montre investi et corporel face à un Louis Garrel grave et sérieux dans le rôle de l’enquêteur censé piéger l’artiste, et une Isabelle Huppert hallucinée en tant que riche protectrice du Caravage.

Intriguant et intense

Ainsi, dans ce biopic long de deux heures, le réalisateur explore avec dramaturgie et un certain sens de la lumière les dynamiques et enjeux de la vie d’un homme aussi intriguant qu’intense. À la fois religieux fidèle et esprit terriblement libre, artiste habité et homme fragile, amoureux de Dieu et ennemi de ses représentants, Caravage est plus que jamais montré dans sa grande complexité, celle d’un artiste rempli de contradictions mais convaincu de sa foi et de sa vision.

Pour ce qui est des détails plus formels, le film se tient. La reconstitution historique, des décors aux costumes, est plutôt soignée, tandis que la façon dont Placido filme les corps de ses personnages rend un bel hommage à la façon dont Caravage peignait les siens. Le film tombe parfois un peu à plat, s’empêchant des envolés narratives au profit d’un classicisme de mise en scène salvateur mais, à terme, ennuyeux.

Si la vie de l’artiste a d’ores et déjà été portée sur le grand écran via un biopic en 1987, et sur le petit écran avec une série en 2009, Caravage semble donc faire partie de ces artistes dont on ne parle jamais mieux que lorsque l’on parle de ce qu’ils nous ont laissé. À quoi bon vouloir raconter sa vie et les évènements qui la parsèment au détail près ? Quand l’homme est à ce point en avance sur son époque, précurseur de l’art autant que des mœurs, c’est en abordant son héritage culturel et pictural, aujourd’hui parfaitement digéré (comme l’on fait les deux films cités plus haut), que l’hommage est correctement exécuté.

Caravage est un film sage, bien attentionné, qui manque d’inspiration et de substance, mais qui a le mérite de nous en apprendre plus sur l’un des plus grands peintres de l’Histoire.

 « Caravage », de Michele Placido, en salles le 28 décembre