Un bébé en France ? Femmes lesbiennes et célibataires écœurées par la lenteur de la loi PMA

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Les sénateur.rice.s, majoritairement à droite, ont rejeté l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. L'AFP a recueilli des témoignages de femmes et d'associations.

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Le Sénat français - Jo Bouroch / Shutterstock

« Quand pourrons-nous faire un enfant en France ? » : femmes célibataires et femmes lesbiennes suivent avec méfiance l’examen du projet de loi bioéthique devant le Sénat, qui devrait pourtant marquer une étape de plus vers l’ouverture de la PMA qu’elles attendent depuis des années.

« Ça ne m’étonne pas. Encore du temps perdu ». Anne-Fleur Multon ne décolère pas mercredi, au lendemain de l’examen en deuxième lecture devant le Sénat du projet de loi. Les sénateurs, majoritairement à droite, ont rejeté l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes.

La mesure-phare du texte bioéthique pourra toutefois être rétablie par les députés. Et le vote final pourrait intervenir dans quelques mois à l’Assemblée nationale.

« Les sénateurs, c’est une bande de vieux réacs. Et nous, on attend depuis des années. »

« Les sénateurs, c’est une bande de vieux réacs. Et nous, on attend depuis des années. (…) C’est humiliant. On se sent en marge de la société », lâche la jeune femme de 27 ans, qui veut un enfant avec sa compagne âgée de 31 ans.

L’ouverture de la PMA à toutes les femmes était une promesse du président François Hollande (2012-2017) puis d’Emmanuel Macron. Depuis un an, le texte a pris du retard en raison de la crise sanitaire. Puis la séance de mardi au Sénat a marqué une nouvelle déception pour les femmes célibataires et les lesbiennes qui attendent la PMA.

Parmi elles, Anne-Fleur Multon avait déjà décidé de se tourner vers l’étranger.

Sa compagne doit recevoir une première insémination en Belgique en mars. Elles ont quitté Paris en mai pour s’installer à Concarneau (Finistère), dans une maison où le bébé pourra avoir sa chambre. « La PMA en France, ce sera peut-être pour le deuxième bébé », espère-t-elle quand même.

« Plus le luxe d’attendre »

Maria*, qui vit en couple à Paris, a aussi choisi la Belgique.

« Ça m’a mis un coup au moral de ne pas pouvoir faire les démarches en France, dit-elle. Prendre le Thalys en cachette, comme ces femmes qui se faisaient avorter clandestinement. Et on panique à l’idée d’une fermeture des frontières » en raison de la crise sanitaire.

La première insémination en novembre n’a pas fonctionné. Elle attend les suivantes.

Elle espère, elle aussi, pouvoir faire le deuxième enfant en France : « Quand ce sera légal, ça nous aidera à mieux assumer face à la famille, aux amis. Cela aidera à changer les mentalités ».

Mais Maria, qui travaille dans le social, se refuse à être trop optimiste. « Tant que ce n’est pas réel et concret, je n’y crois pas trop. Nous avons trop attendu ».

De son côté, Anne-Sophie*, une psychologue, a débuté son parcours PMA en novembre à Barcelone. Cette femme célibataire « n’espère plus » pouvoir faire un enfant en France. « Ça me met en colère de me dire que ce que je fais est illégal dans mon propre pays. Mais j’ai 36 ans, je n’avais plus le luxe d’attendre », confie-t-elle.

Anne-Sophie a payé 2.200 euros pour une « promotion “ deux inséminations achetées, la troisième offerte ” », auxquels il faut ajouter le prix des trajets et des nuitées d’hôtel en Espagne.

C’est « injuste car toutes les femmes n’ont pas les moyens. C’est ça qui rend la loi essentielle aujourd’hui », ajoute-t-elle.

Bénédicte Blanchet, de l’association Mam’en solo, fondée en 2018, est aussi en colère contre les sénateurs, auxquels elle s’adresse pour qu’ils viennent « rencontrer des femmes célibataires » : « Vous verrez que nous ne sommes pas ces petits être fragiles (…) pour lesquels vous estimez devoir décider », dit-elle.

Les sénateurs ont exclu les femmes célibataires de l’ouverture de la PMA. Et comme en première lecture, ils ont refusé un remboursement par la Sécurité sociale aux nouvelles bénéficiaires. Les débats doivent reprendre aujourd’hui.

Pour Nicolas Faget, de l’Association des parents gays et lesbiens (APGL), ce refus de remboursement marquerait « une rupture d’égalité » : « Les femmes qui veulent avoir recours à la PMA cotisent comme tout le monde ».

Mais il veut rester optimiste. « Si tout se déroule comme prévu, les femmes pourront prendre leurs premiers rendez-vous en 2022. Et alors, enfin, la France rattrapera son retard ».

*les prénoms ont été changés

Avec l’AFP