La PMA avec don de gamètes : plus de demandes, des délais rallongés

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Depuis une réforme promulguée il y a deux ans, les délais d'accès à la PMA avec dons de gamètes se sont allongés, une évolution due à l'ouverture de la procédure à toutes les femmes, plutôt qu'à la levée partielle de l'anonymat des donneurs.

PMA pour toutes
Pancarte du collectif Oui Oui Oui réclamant l'ouverture de la PMA - DR

Mathias, 24 ans, s’est aventuré cette année dans une petite salle de l’hôpital Cochin à Paris, « avec des magazines porno des années 2000 », pour donner son sperme.

Le jeune homme, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, avance des motivations « militantes » : gay, il devra faire appel à une donneuse d’ovocyte s’il veut devenir père. Si beaucoup de donneurs potentiels « ne vont pas au bout » de la démarche, c’est parce qu’elle est « complexe et chronophage », avec plusieurs rendez-vous, et non parce qu’ils pourraient être contactés plus tard par les enfants issus de leur don, avance-t-il.

La loi de bioéthique, qui ouvre la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules (mais pas aux personnes trans), est entrée en vigueur le 2 août 2021 : depuis, « les demandes d’aide à la procréation avec don de spermatozoïdes ont été multipliées par sept, passant d’environ 2 000 demandes annuelles à plus de 15 000 » en 2022, a indiqué à l’AFP l’Agence de la biomédecine.

Le délai entre la prise de rendez-vous et la première tentative pour une PMA avec don de spermatozoïdes a grimpé, même s’il varie selon les centres d’aide à la procréation : 14,4 mois au niveau national fin décembre 2022 (contre 12 mois un an plus tôt), note encore l’agence, et 23 mois pour un don d’ovocytes.

« Beaucoup des femmes qu’on accompagne préfèrent se tourner vers des cliniques privées, avec des délais plus courts, en Espagne, Belgique, Portugal, aux Pays-Bas ou au Danemark », rapporte Céline Cester, présidente de l’association Les Enfants d’Arc en ciel, qui suit des personnes LGBT+ dans leur projet parental.

Malgré le coût des cliniques privées – estimé entre 1 000 et 5 000 euros par insémination selon le pays–, la responsable associative milite pour autoriser en France les établissements privés à réaliser des dons de gamètes, afin de raccourcir les délais.

Actuellement, en France, le don de gamètes ne s’effectue qu’à travers des centres publics –une trentaine– et il n’est pas rémunéré.

Côté ovocytes, pas de stock

Caroline Seyfried, de l’association Don de gamètes solidaires, explique l’engorgement actuel par l’entrée d’« un nouveau public dans le parcours de procréation avec don », à savoir les femmes seules et des couples de femmes. Et non parce que les personnes nées des dons de gamètes peuvent requérir, une fois devenues adultes, des informations sur leur donneur.

Ce nouveau système « n’informe pas assez » les donneurs potentiels « sur ce qui risque d’advenir de leurs données personnelles » communiquées aux personnes issues de leurs gamètes, estime toutefois Caroline Seyfried.

On ne note « pas de baisse des donneurs comme certains le présageaient », a indiqué cette semaine la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo.

Le nombre de candidats au don de sperme a même augmenté, passant de 600 à 764 entre 2021 et 2022, tout comme celui des candidates au don d’ovocytes, passé de 900 à 990 sur la même période, selon l’Agence de la biomédecine.

Les responsables des centres spécialisés doivent désormais exploiter au mieux les dons réalisés sous l’ancienne législation qui rendait possible l’anonymat du donneur. Ces 89 000 dons de sperme, au 31 mars dernier, ne pourront plus être utilisés après le 31 mars 2025 (date limite annoncée par Agnès Firmin-Le Bodo cette semaine).

Le « nouveau stock » (gamètes recueillies entre le 1er septembre 2022, date de la levée partielle de l’anonymat du don, et le 31 mars 2023) s’élève à 27 000 paillettes de spermatozoïdes, recueillies grâce à « plus de 550 nouveaux donneurs », selon l’Agence de biomédecine.

Côté ovocytes, pas de stock : les « centres de don fonctionnent en flux tendu », précise l’organisme.

Selon la ministre déléguée, les personnes en attente de PMA pourraient aussi bénéficier de la récente autorisation donnée aux femmes de congeler leurs propres ovocytes en vue d’une grossesse ultérieure. Certains pourraient faire don d’une partie de ces gamètes.