Coronavirus : Est-ce qu'on peut arrêter de parler de « médicament miracle » ?

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Il existe de nombreuses différences entre l'épidémie de VIH/sida et celle, actuelle, du coronavirus, mais le sensationnalisme actuel – dévastateur pour les malades et les soignant.e.s – a un air de déjà vu.

Il n'y a pas de « traitement miracle » Lightspring / Shutterstock

Depuis le début de cette épidémie de coronavirus et son extension rapide dans le monde, et en France hexagonale mais aussi ultra-marine, je vois certaines similitudes avec une autre épidémie, celle du VIH/sida, apparue dans les pays développés en 1981 et qui s’est développé jusqu’à toucher aujourd’hui des dizaines de millions de personnes à travers le monde, en particulier dans les pays du Sud.

Mêmes têtes

Parmi les nombreux et nombreuses scientifiques, médecins et experts qui s’expriment sur le coronavirus, je retrouve les mêmes têtes : le Pr Delfraissy, ex-directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et aujourd’hui à la tête du conseil scientifique, la formidable Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel en 1998 pour avoir identifié le VIH 15 ans plus tôt, et qui préside aujourd’hui le CARE, des médecins de la Pitié Salpétrière (où mon suivi VIH a commencé il y a plus de 30 ans).

Il y aussi d’autres similitudes comme d’essayer d’expliquer l’épidémie en raison de nos modes de vie : dans le sida, c’était le comportement jugé « irresponsable » des homosexuels masculins et la trop grande promiscuité ; pour le coronavirus, c’est la faute à la mondialisation ou pire, aux Chinois, comme a pu le laisser entendre un Donald Trump parlant d’un « virus étranger ».

Phase de déni

Une autre similitude, c’est une phase de déni. Elle a été longue dans le cas du VIH/sida. Elle existe aussi dans la crise du coronavirus. Le « docteur préféré des Français » Michel Cymès, a d’abord parlé d’une « gripette » à propos du coronavirus (avant de faire son méga culpa). Sans parler de toutes celles et ceux qui ont minimiser la gravité de l’épidémie et son effet fulgurant sur les plus fragiles.

Grandes différences

En revanche, il existe de grandes différences entre les deux épidémies. Celle du coronavirus actuelle se répand à vitesse grand V, le virus infecte tout le monde sans discriminer. La transmission du VIH est elle beaucoup plus lente, même si désormais, l’infection à VIH atteint des millions de personnes, au bout de près de 40 ans.

Les malades du coronavirus sont plutôt âgé.e.s, et ceux qui en meurent ont souvent des comorbidités. Cela n’enlève rien à la tragédie, ce n’est juste pas du tout équivalent au sida, qui touchait des gens jeunes, en pleine force de l’âge. Et sans traitement, et au bout d’une dizaine d’années, toutes les personnes atteintes par le VIH meurent du sida. Avec le coronavirus, le taux de mortalité est (heureusement) très bas.

Ce qui malheureusement ne change pas beaucoup entre les deux épidémies et entre les deux périodes, c’est l’information. Les pouvoirs publics, si longtemps muets au sujet du sida, ont retenu la leçon. Mais aujourd’hui, « l’exigence de transparence » qu’ils revendiquent masque mal l’impréparation et leurs justificatifs toujours plus alambiqués en matière de réponse à l’épidémie de coronavirus (pour tenter de masquer le manque de masques, le manque de tests, le manque de moyens).

Titres sensationnalistes

Cela me rend fou aussi d’entendre, y compris sur le service public, France 2 en l’occurence, des journalistes lancer des questions comme : « Est-ce le traitement miracle ? » à propos de la chloroquine. Amplifiées par les réseaux sociaux, les théories du complot abondent. Comme au temps du sida, certains médias n’ont toujours pas compris que les titres sensationnalistes pouvaient et d’abord faire grand tort aux malades et au personnel soignant.

Sur Facebook, Alain Sobel, ancien président du Conseil national du sida au début des années 90, rappelle tous les traitements annoncés comme prometteurs : « il y a eu les extraits de concombre chinois à San Francisco (neuf morts), l’Imuthiol un composé soufré sensé stimuler l’immunité ( genre rhinathiol pour les enfants enrhumés) qui a même fait l’objet d’une étude de l’ANRS naissante. » Un autre médecin explique qu’aujourd’hui, des médecins s’agressent mutuellement au sujet de la chloroquine. Au sujet de ce médicament, je vous invite à lire l’interview passionnante de l’épidémiologiste Dominique Costagliola, très impliquée dans la lutte contre le sida, et qui s’interroge sur ces effets d’annonce. Comme pour le traitement du VIH, qui a été vraiment amélioré par la mise à disposition des antiprotéases en 1996, il n’y a cependant pas de « médicament miracle ». Il faut tester dans des essais scientifiques rigoureux les molécules qui peuvent avoir un intérêt et il en sortira, espérons-le le plus rapidement possible, un ou des traitements curatifs et préventifs pour le coronavirus. 

Pour garder la tête froide tout en s’informant durant cette période difficile,
je vous recommande la lecture des analyses de Mérôme Jardin et Pauline Londeix, ancien.ne.s militant.e.s d’Act Up-Paris, pour l’Observatoire pour la transparence dans les politiques du médicament, publiées sur Mediapart.

Et à la veille de ce second week-end de confinement, je vous renouvelle, au nom de l’équipe de Komitid, beaucoup de courage et de persévérance !

 

Komitid continue de vous informer, et du vendredi 27 mars à 16 heures jusqu’à lundi 30 mars, tout les articles sont en accès libre (comme le week-end dernier).