Pourquoi le mea culpa de Gérald Darmanin sur le mariage pour tous·tes sonne creux

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A quelques jours du dixième anniversaire de la loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, le ministre de l'Intérieur fait son mea culpa et affirme qu'il s'est trompé en s'y opposant à l'époque. Mais pourquoi cet aveu nous laisse-t-il plus que circonspect ?

Gérald Darmanin en 2022 à Marseille
Gérald Darmanin en 2022 à Marseille - Alexandros Michailidis / Shutterstock

« Incapable de redresser le pays économiquement, le PS propose de néfastes réformes de société : vote des étrangers, mariage homo, euthanasie. »

Ces propos, Gérald Darmanin, l’actuel ministre de l’Intérieur, les a répétés à l’envi entre 2012 et 2013. Dix ans plus tard, il vient de faire son mea culpa dans une interview pour le quotidien La Voix du Nord.

« Je me suis trompé. Si c’était à refaire, je voterais le texte du mariage pour tous », affirme le ministre, qui en 2013, alors maire de Tourcoing, avait déclaré qu’il ne marierait pas de couples de même sexe en sa mairie.

Proche de Christian Vanneste

En 2012, quand la gauche au pouvoir fait la promesse que le mariage et l’adoption seront ouverts aux couples de même sexe, Gérald Darmanin a à peine 30 ans. Il vient d’être élu député (UMP) de la 10e circonscription du Nord. Avant cela, il a été des années durant proche de Christian Vanneste, figure homophobe notoire, dont il sera le directeur de campagne pour les élections législatives de 2007 et les élections municipales de 2008.

En tant que député, il s’exprimera bien sûr régulièrement sur tous les sujets pour faire entendre une petite musique très conservatrice. En 2014, il dit ainsi son opposition à la supposée « théorie du genre » : « La théorie du genre est une absurdité absolue. Il faut s’y opposer totalement », avait-il déclaré à l’époque. Pour celles et ceux qui ne savent pas forcément de quoi on parle, je renvoie à cet édito.

Dix ans après l’ouverture du mariage et de l’adoption, on peut changer d’avis et tant mieux, mais cela ne change pas grand chose. Car tout dans la politique actuelle du locataire de la place Beauvau crie que ce dernier fait de ce sujet une affaire politicienne. Pour le dire autrement, “Les remords tardifs, c’est bien, mais on s’en fout”. C’est ce qu’a déclaré ce matin sur France Inter Denis Quinqueton, co-directeur de l’Observatoire LGBTI+ de la Fondation Jean-Jaurès.

Depuis qu’il est entré au gouvernement (en juillet 2020), le ministre de l’Intérieur a multiplié les prises de parole pour flatter la frange la plus à droite de l’électorat. Trouver un bouc-émissaire, c’est vieux comme la politique. Il le faisait en 2012 en manifestant contre les droits des personnes LGBT. Il continue de le faire aujourd’hui. Quand il traite les militants pour le climat d’« éco-terroristes », qu’il veut précariser encore plus les personnes exilé·es, ou qu’il parle d’« ensauvagement » de la jeunesse en reprenant des termes utilisés par l’extrême droite.

La présidence Macron, depuis 2017, nous a habitué à une relecture étrange des faits. Comme l’analyse la journaliste Rozenn Le Carboulec dans son essai Les Humilié·es (à paraître le 3 mai), c’est Emmanuel Macron qui expliquait à propos du mariage pour tous, que celles et ceux qui avaient été humiliés, c’étaient les opposants à la réforme, la frange la plus homophobe de la société. Quand la réalité, c’est que cette séquence a relayé une parole homophobe qui se donne de plus en plus à voir dans des actions hostiles perpétrées par des groupuscules d’extrême droite. A-t-on entendu les membres de l’exécutif s’exprimer de façon constante et forte contre les attaques LGBTphobes, la dernière en date provoquant l’annulation d’un concert de Bilal Hassani ?

A l’occasion de son deuxième quinquennat, Emmanuel Macron nommait au gouvernement d’autres figures de cette mobilisation contre nos droits, dont Caroline Cayeux qui parlaient des personnes LGBT comme de « ces gens-là » ou encore Christophe Béchu qui s’était violemment opposé à la loi Taubira. Mais faire preuve d’opportunisme, c’est aussi un grand classique. En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, comment voir autrement que comme une habile diversion les coming out de deux membres du gouvernement (Olivier Dussopt et Sarah El Haïry) ?

D’ailleurs, en parlant d’opportunisme, et alors même que j’écris cet édito, la nouvelle est tombée. Christophe Béchu annonce que si c’était à refaire, « il voterait oui au mariage pour tous ». A qui le tour ? Désolé pour les membres LGBTphobes du gouvernement, mais l’histoire ne repasse pas les plats. Et vos mea culpa nous laissent sur notre faim.

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