« Les Faussaires de Manhattan » : quand une lesbienne et un gay forment un duo d’arnaqueurs irrésistible

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Marielle Heller, la réalisatrice de ce film sur les écrans le 31 juillet, brosse le portrait de deux êtres uniques et hauts en couleurs.

Richard Grant et Melissa McCarthy dans Les Faussaires de Manhattan

Can you ever forgive me ? (Pourrez-vous me pardonner un jour ?) était le titre original de ce film inspiré d’un épisode rocambolesque de la vie de la biographe américaine Lee Israel qui, alcoolique et fauchée, s’est improvisée faussaire de correspondance d’écrivain.e.s célèbres. Les Faussaires de Manhattan était l’outsider surprise des derniers Oscars avec 3 nominations (actrice, second rôle masculin et adaptation du livre éponyme écrit par Lee Israel elle-même). Il faut dire que Melissa McCarthy est surprenante dans ce rôle de lesbienne en galère et que son duo en mode « partners in crime » avec un gay vieillissant interprété par Richard E. Grant est irrésistible !

Character Driven

Dans le langage de l’industrie du cinéma US, on parle de ce genre de film comme étant « character driven » pour insister sur l’importance des personnages et le fait qu’ils soient plus importants que l’histoire elle-même. Si le scénario de cette arnaque épistolaire, adapté du livre autobiographique de Lee Israel sur cette « mésaventure », est simple, le film vaut surtout par le portrait qu’il dresse de ses deux personnages principaux.

Lee Israel a 51 ans et préfère les chats aux humains, les dernières biographies qu’elle a publiées sont soldées, son agent littéraire la snobe et elle n’a plus de quoi payer la chambre de l’hôtel miteux dans lequel elle vit. Elle aime l’alcool, les femmes et la littérature. Jack Hock est un sale gosse quinqua, gay britannique un peu dandy dont « tous les amis sont morts ». Quand ces deux-là se rencontrent devant un verre bien tassé dans le bistro du coin, ils vont se rendre compte de leur amour commun de la débrouille et des plans foireux.

Lee va entraîner Jack dans une arnaque rocambolesque qui consiste à taper, à l’aide de vieilles machines à écrire chinées, de fausses lettres d’écrivain.e.s ou de dramaturges tel.le.s que Noël Coward ou encore Dorothy Parker, et à les revendre à des spécialistes de livres anciens en lien avec des collectionneurs.

L’occasion pour la réalisatrice Marielle Heller (qui avait réalisé The Diary of a teenage girl, sorti directement en VOD en France en 2016 et un épisode de la série Transparent) de faire le portrait de deux êtres uniques et hauts-en-couleur, servi par une mise en scène classique et efficace et un scénario cousu main.

Marielle Heller fait le portrait de deux êtres uniques et hauts en couleur

Melissa McCarthy, comédienne comique américaine qui a débuté dans des séries télés (Gillmore Girls, Mike et Molly, …) avant de connaître une renommée internationale grâce à son rôle dans la comédie Mes Meilleurs amies et d’enchaîner avec plus ou moins de réussite avec Les Flingueuses, Spy ou encore le reboot féminin de SOS Fantômes. Elle excelle dans ce rôle plus sombre et donne à voir une retenue qu’on ne lui connaissait pas encore. Le comédien Richard E. Grant impose depuis 1985 son élégance british dans des univers aussi différents que ceux de Scorsese (Le Temps de l’innocence), d’Altman (Prêt-à-porter, Gosford Park) ou encore des Spice Girls (l’oubliable Spice World) et des séries à grand succès (Game of thrones, Downton Abbey, Doctor Who, …). Il est ici le parfait partenaire de Melissa McCarthy, incarnant un gay malade, cocaïnomane et vieillissant aux saillies cyniques et à l’enthousiasme enfantin communicatif.

Ce duo lesbienne-gay est le réel atout du film, c’est sur eux que repose l’histoire, les dialogues et tout l’intérêt de ce petit film américain qui ne révolutionne rien. Malgré leur légèreté affichée, Lee et Jack laissent entrevoir leurs zones d’ombre, leurs fragilités et leurs efforts pour lutter contre deux fléaux implacables de l’époque moderne : l’oubli et la solitude qui s’attaquent en priorité à celles et ceux qui refusent la conformité.

Les Faussaires de Manhattan
(titre original : Can you ever forgive me ?)
Réalisation : Marielle Heller
Distribution : Melissa McCarthy, Richard E.Grant, Dolly Wells, Ben Falcone, Jane Curtin, …
Comédie – Etats-Unis – 1h46 – En salles le 31 juillet 2019