En Russie, femmes trans et lesbiennes tchétchènes témoignent de leurs persécutions à travers une pièce de théâtre

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Invisibles dans les médias et les discours, plusieurs femmes racontent les violences hétéronormatives en Tchétchénie dans une pièce documentaire...

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En Russie, femmes trans et lesbiennes tchétchènes témoignent de leur persécutions à travers une pièce de théâtre - Rawpixel.com / Shutterstock

Ce dimanche 2 décembre, Saint-Pétersbourg a accueilli la première de la pièce documentaire Golosa (« voix » au pluriel en russe), écrite à partir des témoignages de femmes trans et lesbiennes qui ont fui les violences de leur Tchétchénie natale. Des paroles rares et précieuses, puisque les femmes bisexuelles, lesbiennes et trans demeurent les grandes oubliées de l’indignation collective au sujet des purges LGBTphobes qui ont lieu actuellement en Tchétchénie.

C’est dans un quartier reculé de Saint-Pétersbourg, ville où le militantisme LGBT+ est très actif malgré la loi sur « propagande homosexuelle » , qu’a eu lieu la première et à ce jour seule représentation de la pièce. Seulement une cinquantaine de personnes étaient présentes dans la salle, selon le site d’informations LGBT+ russe Parni+ qui a vu la pièce et raconte l’expérience, décrite comme ressemblant à un squat où répèterait un groupe de punk. Avant de laisser la place à ces voix ailleurs inaudibles, la metteuse en scène Zhenya Muha prévient : les photos sont interdites ! C’est une question de sécurité. C’est d’ailleurs pour cela que les femmes qui témoignent sont appelées « Héroïne W », « Héroïne X », « Héroïne Y » et « Héroïne Z ».

« Si tu veux te sauver, il faut t’enfuir de manière à ce que l’on ne te retrouve jamais »

En costume et sur fond de projections d’images, les comédiens et comédiennes (les femmes trans sont interprétées par des hommes cisgenres) lisent des extraits de témoignages, recueillis après de longs entretiens de plusieurs heures avec les héroïnes, sur une feuille blanche.

« J’ai su que j’étais lesbienne avant même de connaître ce mot, à l’âge de cinq ans, lorsque je suis tombée amoureuse d’une camarade de classe », raconte l’Héroïne W. Soumise à un exorcisme, elle raconte avoir dû «  jouer le jeu » pour survivre. Lorsqu’elle a essayé de fuir le domicile familial, seul son père s’est interposé pour la sauver pour finalement lui dire : « Si tu veux te sauver, il faut t’enfuir de manière à ce que l’on ne te retrouve jamais ». L’Héroïne X, qui se définit dans la pièce comme aussi pieuse que lesbienne se remémore la manière dont son frère l’a suppliée de se tirer une balle elle-même, pour qu’il n’ait pas à le faire. Un sort réservé à la petite amie du personnage, mais dont l’histoire officielle deviendra comme par magie celle d’une overdose.

L’Héroïne Y est une femme trans. Elle raconte sur scène qu’elle aurait beaucoup aimé pouvoir épouser un homme, mais que c’est impossible. Pour elle, fuir la Tchétchénie dans le but de survivre est une grande souffrance. L’Héroïne Z, femme trans elle aussi, est la plus âgée des quatre protagonistes. Elle a quitté la Tchétchénie avant même que Novaïa Gazeta ne révèlent les purges homophobes et elle a depuis entamé sa transition. Elle a pu y retourner une fois depuis, pour l’enterrement d’un membre de sa famille. « J’en suis revenue vivante, mais humiliée », poursuit-elle, racontant que son oncle lui avait coupé les cheveux de force. Entre chaque témoignage, on peut entendre des extraits du Coran. Le but ? Expliquer que la politique meurtrière de Ramzan Kadyrov, le leader tchétchène, n’a en fait de religieux que le prétexte.

Sur Facebook, Zhenya Muha s’est félicitée de la tenue de cette pièce qui dénonce les « crimes d’honneur » misogynes, lesbophobes, biphobes et transphobes perpétrés en Tchétchénie, dans l’ombre de l’inquiétude internationale. Après avoir remercié le public, en particulier les personnes qui sont venues poser des questions suite à cette puissante lecture, la metteuse en scène a exprimé son envie d’organiser d’autres représentations de ce documentaire vivant sur les femmes LBT du Caucase du Nord.

  • expat

    Terrible ce que vivent les LGBT en Tchétchénie…. Et ce n’est pas mieux en Russie… Je vis en Suède, nous avons beaucoup de LGBT Tchétchénes et Russes qui ont demandé l’asile ici, et l’on obtenu. Beaucoup aussi demandent l’asile en Finland…. une nouvelle vie commence pour eux, et ils ont une force incroyable de vivre malgré les horreurs qu’ils ont vécu.