3 questions à Aude, bénévole à l'Ardhis auprès des personnes exilées LGBT+

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« Fêter l'obtention d'un statut de réfugié.e est toujours un moment de joie car les bénéficiaires ont souvent eu des parcours douloureux. »

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3 questions à Aude, bénévole chez l'Ardhis auprès des personnes exilées LGBT+ - Ardhis / Facebook

Aude est co-secrétaire de l’Ardhis, Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transexuelles à l’Immigration et au séjour, créée en 1998, et bénévole au pôle asile de cette organisation. Pour Komitid, elle raconte son engagement auprès des personnes LGBT+ en situation d’exil.

Comment en êtes-vous venue à vous engager à l’Ardhis ?

Étudiante, j’ai cherché un engagement militant. Je souhaitais m’impliquer dans quelque chose sur les questions LGBT, mais pas que, je voulais m’investir sur des territoires très politiques. J’ai entendu parler de l’Ardhis à la radio, durant une émission estivale de France Inter sur les problématiques LGBT, et je me suis dit que c’est ça que je voulais faire. Lorsque je suis montée de Toulouse à Paris, je les ai rapidement contactés pour devenir bénévole. Voilà maintenant six ans que j’accompagne des personnes qui demandent l’asile au motif de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Au fur et à mesure, j’ai eu envie de prendre part à l’organisation de l’association. C’est comme ça que je me suis trouvée chargée du secrétariat de l’Ardhis.

Quelles y sont vos missions, vos joies, vos difficultés ?

« On essaie d’ailleurs au maximum de faire appel à des interprètes de la communauté, pour nous assurer qu’ils ne soient pas hostiles à l’homosexualité… ce n’est pas si facile »

L’accompagnement est la mission principale de l’Ardhis. Quand on demande l’asile, il faut expliquer que l’on a des craintes de persécution dans son pays, il faut convaincre qu’on a bien vécu ce que l’on dit avoir vécu. Les bénévoles de l’Ardhis aident les exilé.e.s à verbaliser ces récits de vie en les aidant à comprendre l’attente de l’Ofpra. En général, on les rencontre dans des entretiens individuels pour verbaliser leurs histoires, parfois, on a besoin d’une troisième personne pour interpréter. On essaie d’ailleurs au maximum de faire appel à des interprètes de la communauté, pour nous assurer qu’ils ne soient pas hostiles à l’homosexualité… ce n’est pas si facile.

Ce que j’aime dans mon engagement à l’Ardhis, ce sont les belles rencontres que j’y fais. Fêter l’obtention d’un statut de réfugié.e est toujours un moment de joie car les bénéficiaires ont souvent eu des parcours douloureux, et c’est satisfaisant de pouvoir se dire qu’on est en capacité de les aider dans leur procédure d’asile. Mais nous accompagnons souvent des gens en grande précarité, dans la rue ou hébergé.e.s dans des conditions difficiles et c’est pesant de se sentir impuissante devant ces situations.

Comment la situation a-t-elle évolué sur les questions de migration et d’accueil des exilé.e.s LGBT+ ces dernières années selon vous, notamment avec la loi asile-immigration votée en avril dernier ?

Je me suis engagée avant que le discours médiatique sur les réfugié.e.s prenne l’ampleur qu’il a actuellement, j’ai vu le sujet monter en puissance. D’ailleurs, le fait de parler de réfugié.e.s est souvent inexact : on parle là de personnes ayant déjà obtenu une protection internationale, au bout d’un processus… Ce n’est pas du tout représentatif de ce que l’on appelle maintenant « les migrants », qui font face à de nombreuses difficultés en matière d’accueil. Ce terme se voulait très neutre alors que, depuis longtemps, les associations portent plutôt le terme d’exilé.e.s, qui a une portée politique plus importante.

Là, on traverse une période avec de plus en plus de personnes sollicitant l’Ardhis et aujourd’hui on n’est plus forcément en capacité d’assurer un suivi individuel à toutes les personnes que l’on reçoit, et c’est une grande frustration car il nous arrivait même d’être à plusieurs sur les mêmes dossiers… mais on invente d’autres choses. On a des séances d’accompagnement collectif par exemple.

« On ne peut pas vraiment dire qu’il y ait d’inflexion politique majeure sur les questions de migration, il y a une continuité entre la loi de 2015 et la loi de 2018 »

Malgré l’évolution du discours médiatique, on ne peut pas vraiment dire qu’il y ait d’inflexion politique majeure sur les questions de migration, il y a en fait une continuité entre la loi de 2015 et la loi de 2018. Et cela confirme les craintes qu’on avait eues il y a trois ans. Là, on fait face à des reculs majeurs, en particulier sur la question des « pays d’origine sûrs », notion introduite par une directive européenne qui désigne les états considérés comme suffisamment respectueux des droits humains. En 2015 les demandeuses et demandeurs d’asile issu.e.s de ces pays, listés par chacun les États membres de l’UE, pouvaient faire un recours devant la Cour nationale du droit d’asile sans risquer d’être expulsé.e.s mais ce n’est désormais plus le cas.

L’Ardhis célèbre ses 20 ans à la Gaité Lyrique, samedi 3 novembre, à partir de 13h30. Tables-rondes, vidéos, stands associatifs et spectacle de Veronika Von Lear dans l’après midi, grand concert de soutien le soir avec Mélissa Laveaux et Rebecca Chaillon, SÔNGE, Eddy de Pretto, Kiddy Smile et 10LEC6.