Chinelo Okparanta : « C'est difficile de se trouver soi-même dans une société qui vous dit que vous êtes une abomination »

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Avec « Sous les branches de l'udala », Chinelo Okparanta signe une fresque familiale autour d'Ijeoma, une jeune lesbienne au Nigeria. Komitid l'a rencontrée.

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Chinelo Okparanta - Maëlle Le Corre - Komitid
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Elle compte parmi les auteures nigérianes les plus prometteuses. Après Le bonheur, comme l'eau, un recueil de nouvelles acclamé par la critique, Chinelo Okparanta présente en France son premier roman, Sous les branches de l'udala, l'histoire d'Ijeoma, une jeune lesbienne au Nigeria, de son enfance à l'âge adulte. Morcelée, tissée d'allers-retours dans le temps, l'histoire d'Ijeoma donne une voix et un visage aux femmes qui sont tiraillées entre ce qu'une société pétrie de croyances religieuses attend d'elles et leur identité. Un roman riche et complexe qui brise le tabou de l'homosexualité au Nigeria et surtout un coup de cœur de cette rentrée littéraire.

Komitid a rencontré Chinelo Okparanta lors de son passage à Paris. Dans un français impeccable à l'accent chantant, l'américano-nigériane revient sur les subtilités de ce roman et sur la perception de l'homosexualité au Nigeria.

Komitid : Vous avez placé l'intrigue de Sous les branches de l'udala dans un contexte bien particulier, dans les années 60, pendant la guerre civile au Nigeria. Pourquoi ce choix ?

Chinelo Okparanta : Il y a deux réponses. D'abord, ma mère a vécu au Nigeria pendant la guerre et quand j'étais jeune, elle m'a raconté l'histoire de cette guerre, qui est un moment important au Nigeria. Ma mère a perdu son père, comme le personnage d'Ijeoma, alors j'étais inspirée par cette histoire. Ensuite, je voulais montrer deux sortes de guerres : il y a une guerre qui se passe dans le pays, mais qui se termine. Et il y a une autre guerre qui se passe à l'intérieur d'Ijeoma. C'est une guerre qui dure, on peut dire qu'elle est plus dangereuse, car c'est difficile de se trouver soi-même dans une société qui vous dit que vous êtes une abomination. Je voulais avoir ce parallèle entre deux guerres. En ce qui concerne Ijeoma, il y a une chose que ma mère m'a souvent dit : il y a des choses pires que de vivre pendant une guerre et pour Ijeoma c'est vrai.

« Il y a des choses pires que de vivre pendant une guerre et pour Ijeoma c'est vrai »

Elle vit dans une guerre, mais c'est une guerre extérieure. Son grand problème, ce n'est pas la guerre civile dans le pays, c'est sa guerre intérieure qui est dévastatrice pour elle. Voilà pourquoi je tenais à montrer les deux.

Ce cheminement d'Ijeoma, où elle réfléchit, où elle étudie la Bible et essaie de trouver des réponses pour comprendre ce qu'elle vit, c'est quelque chose que vous avez cherché vous-même dans des textes religieux ?

Mes parents étaient témoins de Jehovah, alors toute ma vie, j'ai étudié la Bible.

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