A Mexico, des messes pour tous ouvertes à la communauté LGBT+

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Le père Gonzalo Rosas, prêtre jésuite, célèbre des messes inclusives avec la communauté LGBT+ à Mexico depuis dix ans. Reportage.

Eglise de la Sagrada Familia Mexico
Facade de l'église de la Sagrada Familia de Mexico - Luisfco59 / wikimedia

« Prions tous, toutes et “toutes” ensemble », demande Gonzalo Rosas, un prêtre jésuite qui célèbre des messes inclusives avec la communauté LGBT+ à Mexico depuis dix ans, bien avant que le pape François n’autorise la bénédiction des couples du même sexe.

A 68 ans, le père Gonzalo garde le souvenir précis de son premier contact avec les nouveaux visages de la « diversité sexuelle ». Ce fut à son arrivée en 2013 à la tête de sa paroisse dans la Roma, le quartier à la mode du centre-ville.

« Je suis allé à la rencontre des organisations et des jeunes pour dialoguer. Ils me disaient : “père, l’église nous exclut” », raconte le curé de la Sagrada Familia (la Sainte Famille). « Je les ai invités à réfléchir au chemin que nous pourrions suivre ensemble, et l’idée d’une messe a surgi ».

Dans cette zone cosmopolite gagnée par la gentrification, le père jésuite propose à la communauté LGBT une eucharistie le dimanche une fois par mois, imité par d’autres prêtres dans trois autres églises.

Devant l’autel, invité à prendre la parole, un fidèle, Víctor Rodriguez, 39 ans, se fait l’écho de ses compagnons qui se sentent comme lui « exclus » par leur propre église.

Victor Rodriguez raconte qu’il a été lui-même obligé d’abandonner le séminaire quand il était adolescent à cause de son homosexualité.

Il invite les fidèles à prier pour celles et ceux qui les rejettent : « Pour ce petit curé qui m’a jeté hors de l’église pour être comme je suis », dit-il, en présence de son époux.

Le prêtre jésuite Gonzalo Rosas, dans son homélie, emploie le langage inclusif (“toustes” en français, “todes” en espagnol).

Il insiste sur le fait que ses supérieurs ont donné leur feu vert à ces célébrations, à condition qu’elles ne soient pas politisées.

En décembre, le pape François a autorisé la bénédiction des couples du même sexe à condition qu’elle soit donnée en dehors des rituels liturgiques. Dès janvier, les deux premières bénédictions ont eu lieu au sein de la Sagrada Familia.

« Ce fut un miracle de Dieu. Nous sommes tous deux très catholiques. Jamais je n’avais imaginé qu’une église puisse m’accepter avec mon partenaire, ma sexualité », affirme Arturo Manjarrez, assis à côté de son époux Carlos Sanchez.

« L’Eglise nous exclut »

La Sainte Famille était déjà le point de rendez-vous d’un choeur de jeunes LGBT qui avaient quitté le séminaire, se souvient Eduardo Andrade, son actuel directeur musical.

L’arrivée du père Gonzalo a permis « de rendre visible » l’orientation sexuelle des paroissiens LGBT+, se félicite Andrade, activiste au sein du Colectivo Teresa, une organisation théologique qui s’adresse à des personnes LGBT.

Parmi les chanteurs, on entend la voix de Regina, qui se définit comme une personne non-binaire : « Je me suis réconciliée avec l’église ».

Mexico a été pionnière en Amérique latine dans la légalisation du mariage pour tous en 2010. Douze ans plus tard, la Cour suprême en fait un droit national.

Un tiers des 32 Etats mexicains acceptent l’adoption homoparentale. Le père Gonzalo a d’ailleurs baptisé deux bébés en présence de leurs deux mamans.

Pour certains, les bénédictions autorisées par le pape François représentent des « miettes », affirme Andrade, l’activiste. « Mieux vaut un petit pas en avant, mais ferme ».

Un petit en avant « en 2.000 ans d’homophobie », ajoute dans un quartier voisin, Vincent Schwahn, un pasteur anglican à la retraite, marié avec un Mexicain aux Etats-Unis.

M. Schwahn est également mal à l’aise avec les restrictions liturgiques imposées aux bénédictions des couples du même sexe par les catholiques. « C’est comme bénir une voiture ». Il a célébré une cérémonie dans un lieu public le 14 février, pour le mercredi des cendres.

« Toutes les paroisses doivent être inclusives », ajoute M. Schwahn, directeur de la Casa Koinonia, une organisation religieuse tournée vers la communauté LGBT.

A la Sagrada Familia, quelques fidèles ont préféré s’éloigner de ces messes inclusives qui sont « uniques » en Amérique latine, selon l’activiste Andrade.

A contrario, quelques participants non-LGBT se mêlent aux célébrations du père Gonzalo Rosas. « Nous devons apprendre, que nous sommes tous des êtres humains, et que nous devons tous nous respecter », insiste Irma Juárez, 77 ans.