Meurtre de Marielle Franco au Brésil : des aveux mais les commanditaires toujours inconnus

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Un des suspects est passé aux aveux mais les enquêteurs cherchent encore les commanditaires de ce crime qui a choqué le Brésil et le monde.

Marielle Franco
Marielle Franco en août 2016, un micro à la main - Mídia NINJA / Flickr

Plus de cinq ans après l’assassinat de l’élue et militante Marielle Franco à Rio, un des suspects est passé aux aveux mais les enquêteurs cherchent encore les commanditaires de ce crime qui a choqué le Brésil et le monde.

Le ministre de la Justice, Flavio Dino, a affirmé lundi que les aveux d’Elcio de Queiroz, soupçonné d’avoir conduit le véhicule qui amenait le tireur, étaient « extrêmement importants » et qu’ils permettaient à l’enquête d’atteindre « un nouveau palier ».

Comment s’est déroulé le meurtre ?

Elue noire issue d’une favela, ouvertement bie, Marielle Franco et son chauffeur Anderson Gomes ont été tués le 14 mars 2018 vers 21h30 dans une rue proche du centre de Rio de Janeiro.

Figure de la lutte pour les droits des communautés noire et LGBT, cette conseillère municipale de 38 ans sortait d’un débat avec des jeunes femmes noires. Tandis qu’elle rentrait chez elle, sa voiture a été criblée de balles.

D’après les enquêteurs, les tirs provenaient d’un autre véhicule. Une expertise de la police a montré que Marielle Franco avait été atteinte par au moins quatre balles à la tête et son chauffeur par trois balles dans le dos.

Qui a tué Marielle Franco ?

Deux suspects ont été arrêtés un an après le crime, tous deux d’ex-policiers militaires : Ronnie Lessa, le tireur présumé, et Elcio de Queiroz, soupçonné d’avoir conduit le véhicule.

Le ministre de la Justice a annoncé lundi qu’Elcio de Queiroz avait négocié ses aveux dans un accord avec les autorités dont les clauses restent confidentielles. Dans cette confession, il a confirmé, selon le ministre, « sa participation et celle de Ronnie Lessa » au crime.

Ses aveux ont également conduit à l’arrestation lundi matin par la police à Rio d’un autre suspect, l’ancien pompier Maxwell Simoes Correa.

Selon les enquêteurs de la Police fédérale, ce dernier « a joué un rôle important, avant et après le crime », notamment dans « la surveillance » des allées et venues de Marielle Franco en vue de planifier son assassinat, dès le mois d’août 2017.

L’ex-pompier avait déjà été placé en détention dans le cadre de cette affaire en 2020, après avoir été soupçonné d’avoir mis à la disposition de Ronnie Lessa une voiture où ont été cachées les armes du crime après l’assassinat. Il avait été remis en liberté conditionnelle.

Ronnie Lessa habitait dans le même complexe résidentiel que l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), qui à l’époque était député. Ce dernier a fermement démenti tout lien avec l’affaire et l’enquête ne l’a jamais mis en cause.

Les suspects sont soupçonnés d’être liés aux milices paramilitaires qui sèment la terreur dans certains quartiers populaires.

Ces milices, qui comptent dans leurs rangs de nombreux anciens policiers, ont fait leur apparition à Rio il y a une vingtaine d’années. Censées soustraire les favelas du joug des trafiquants de drogue, elles ont fini par agir comme des mafias réclamant de lourds tributs en échange d’une « protection ».

Leurs exactions avaient été dénoncées à de nombreuses reprises par Marielle Franco.

Qui sont les commanditaires ?

Aucun commanditaire de l’assassinat n’a jusque-là été identifié.

En mars 2019, au moment de l’arrestation de Ronnie Lessa et d’Elcio de Queiroz, le parquet de Rio affirmait que l’hypothèse principale était que « Marielle Franco avait été victime d’une exécution sommaire en raison de son action politique et des causes qu’elle défendait ».

Lundi, un procureur a confirmé cette piste, tout en précisant que cela « n’excluait pas d’autres motivations ».

La conseillère municipale militait contre les crimes perpétrés par les milices mais également contre la violence policières et pour les droits des habitants des quartiers pauvres, en particulier les jeunes Noirs, les femmes et les membres de la communauté LGBT.

Le ministre Flavio Dino a assuré lundi qu’il était « indiscutable que d’autres personnes étaient impliquées dans le crime », au-delà des trois suspects déjà arrêtés, et que « les nouvelles preuves recueillies indiquent qu’il y a un fort lien entre cet assassinat et le crime organisé et les milices ».

Il a espéré que ces aveux allaient « permettre d’arriver aux commanditaires ».

Les noms de plusieurs élus de Rio de Janeiro liés aux milices ont été cités dans la presse, après la fuite d’éléments de l’enquête mais aucune accusation n’a été officiellement portée.

L’enquête est longtemps restée du ressort du parquet de Rio mais elle a été prise en main par la Police fédérale en février, après l’arrivée au pouvoir du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.