Japon : les droits des personnes LGBT+ sur la table avant le G7

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Le débat sur la mariage pour tou·tes s'accélère au Japon, entre une population qui demande davantage de droits et des politiques méfiants.

La Pride de Tokyo en 2017
La Pride de Tokyo en 2017 - Shutterstock

Seul membre du G7 non doté d’une loi reconnaissant le mariage des couples de même sexe ou d’autres droits des personnes LGBT+, le Japon est sous pression alors qu’il accueillera en mai le sommet de ce groupe des principaux pays industrialisés.

Le sujet est revenu au cœur de l’actualité après que le Premier ministre nippon Fumio Kishida a renvoyé début février l’un de ses secrétaires qui avait tenu des propos homophobes.

Même s’il dit aspirer à une société inclusive, le gouvernement nippon aborde la question du mariage gay à reculons. Par ailleurs, aucune loi du pays ne sanctionne les discriminations anti-LGBT+.

« C’est une honte que le Japon, en tant qu’hôte du G7, soit dans cette situation », fustige auprès de l’AFP Akira Nishiyama, dirigeant du groupe de défense des droits LGBT+ J-ALL.

Il trouve « indigne » que son pays n’ait pas adopté de mesures pour protéger les droits de cette communauté alors que M. Kishida a signé l’an dernier un texte du G7 en ce sens.

Les législateurs nippons, eux, discutent une proposition de loi centrée sur la « compréhension » des problématiques LGBT+.

Envisagé depuis 2015, ce texte de loi avait refait surface à l’approche des JO de Tokyo en 2021, avant d’être bloqué par la coalition conservatrice au pouvoir.

Ses opposants avancent qu’une clause anti-discrimination intégrée dans le texte pourrait diviser davantage la société et exposer entreprises comme particuliers à des procédures judiciaires malveillantes.

Au contraire, ses défenseurs affirment que les personnes LGBT+ ont du mal à déposer plainte pour discrimination en ne se reposant que sur des lois générales, les rendant juridiquement vulnérables.

Certificats symboliques

« Je ne veux pas de compromis pour les droits humains (…). Nous avons besoin d’une loi pour les protéger », dit à l’AFP Gon Matsunaka, responsable de la Pride House de Tokyo, un lieu de convivialité et d’informations pour la communauté LGBT+ ayant ouvert en 2020.

La semaine dernière, Jessica Stern, l’envoyée spéciale américaine chargée des droits des LGBT+ et le Komeito, parti japonais de centre-droit membre de la coalition au pouvoir, sont convenus que la proposition de loi devrait être adoptée avant le sommet du G7 en mai à Hiroshima (ouest), mettant la pression sur le gouvernement.

« Il est important que nous mettions fin à la souffrance et que nous créions une société où les personnes différentes puissent coexister et vivre dans la dignité », a plaidé Natsuo Yamaguchi, le chef du Komeito.

La population japonaise semble évoluer plus vite que ses dirigeants sur le sujet : 64 % des Japonais sont favorables à la reconnaissance du mariage des couples de même sexe, selon un sondage de l’agence Kyodo publié cette semaine.

De précédents sondages ont montré une tendance similaire, et des dizaines de villes importantes dont Tokyo proposent des certificats permettant aux couples de même sexe d’être traités comme des époux pour des questions de logement, de santé et d’aides sociales. Leur portée demeure toutefois limitée.

Nombre de grandes entreprises japonaises accordent aussi à leurs salariés LGBT+ les mêmes avantages familiaux qu’à leurs employés hétérosexuels.

Plusieurs couples homosexuels tentent par ailleurs de faire reconnaître par la justice que l’interdiction du mariage gay viole la Constitution japonaise, avec un succès mitigé pour l’instant.

“Dynamique”

M. Kishida a estimé que le mariage pour tous « changerait la société », appelant les législateurs à être « extrêmement précautionneux » en abordant ce sujet.

Les maigres efforts pro-diversité de son Parti libéral-démocrate (PLD) sont largement motivés par des aspects économiques et « limités par les perceptions traditionnelles de ce à quoi devrait ressembler la société japonaise », selon James Brady, vice-président du cabinet de conseil Teneo.

Dans un tel contexte, il est improbable que le mariage homosexuel se retrouve à l’agenda prochainement, estime Hiroyuki Taniguchi, professeur spécialisé dans les droits humains à l’université Aoyama Gakuin de Tokyo.

Mais « une dynamique est en train de se construire » et certaines évolutions sont possibles, comme la reconnaissance des couples homosexuels dans les systèmes de retraite par exemple, déclare-t-il à l’AFP.

Cet élan pourrait cependant s’essouffler et laisser revenir le « désintérêt social » si aucun progrès n’est fait avant le sommet du G7. « Le Japon doit tenir ses promesses », conclut M. Taniguchi.