Interview : Lasseindra Ninja sélectionnée pour être pensionnaire chorégraphe de la prestigieuse Villa Médicis

Publié le

L'annonce de la sélection de la chorégraphe Lasseindra Ninja, une des pionnières de la scène ballroom en France, est un évènement majeur dans l'histoire de la Villa Médicis, une intitution vieille de plus de… trois siècles et demi. Interview.

Lasseindra Ninja en 2016, à Paris
Lasseindra Ninja en 2016 - Xavier Héraud

Danseuse et chorégraphe, Lasseindra Ninja, Mother de la House of Ninja, née en 1986, est, avec Nikky Mizrahi (aujourd’hui Nikky Gorgeous Gucci), une des pionnières de la scène ballroom française. Elle a longtemps vécu aux Etats-Unis et est revenue vivre en France en 2005. Depuis plus d’une décennie maintenant, elle a contribué à créer une vraie spécificité française à la ballroom où s’épanouissent les personnes LGBT afrodescendantes.

Sur Arte.tv, on peut voir en ce moment sa création Mood dans laquelle elle fait notamment « voguer » des danseurs.

L‘annonce de sa nomination comme pensionnaire chorégraphe de l’Académie de France à Rome, la prestigieuse Villa Médicis, est un évènement majeur dans l’histoire de cette institution créée… en 1666 sous Louis XIV et qui accueille chaque année des artistes de toutes les disciplines.

Lasseindra Ninja fait partie des 16 pensionnaires de la saison 2022-2023, choisi·es parmi 574 candidatures ! Cette nouvelle promotion, représentant 10 disciplines artistiques et six nationalités différentes, sera accueillie dès le mois de septembre à la Villa Médicis pour une résidence de création, d’expérimentation ou de recherche d’un an. Dans ce cadre, les pensionnaires bénéficieront d’une bourse de résidence, d’un logement et d’un espace de travail.

Interviewée par Komitid, Lasseindra Ninja est d’ailleurs la première étonnée par cette nomination.

Komitid : Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre admission en résidence à la Villa Médicis ?

Lasseindra Ninja : Sincèrement, je pensais qu’on ne regarderait même pas mon dossier. Quand je l’ai su, j’ai pensé que c’était une blague. Je n’y ai pas cru. Maintenant, j’y crois un peu plus ! Il y a beaucoup de choses à faire et je me rends compte de l’ampleur de la tâche. C’est très intéressant car on n’est pas juste dans une pièce à travailler, il va y avoir un véritable accompagnement. Je pense que je vais réaliser quand j’y serai.

Qu’attendez-vous de cette année en résidence à Rome ?

Je préfère ne rien attendre car je ne veux pas être déçue. Je découvre, en fait, un autre univers. J’ai déjà été en résidence, mais là, ce ne sont pas du tout les mêmes conditions. Il y a beaucoup de choses qui sont demandées.

Le projet que vous avez présenté dans votre dossier se situe au carrefour du numérique (photo vidéo et animation 3D) et du spectacle vivant (danse, théâtre et performance). Qui va faire partie de cette création ?

Je sais avec qui je vais travailler mais c’est encore brumeux. Il y a des gens avec qui j’ai très envie de travailler, sur ce projet à la fois physique et visuel. J’espère pouvoir le présenter à l’issue de cette année. Je préfère voir où le travail va m’emmener sans me fixer d’objectif.

« Personnellement oui c’est une reconnaissance de mon talent, mais je ne n’emmène pas la ballroom dans l’institution »

Cette sélection, est-ce aussi selon vous une reconnaissance de l’apport des artistes afro-descendants à la culture LGBT et queer ?

Non. Je cherche pas à ce que la ballroom soit reconnue par les autres, puisque ce qui nous intéresse, c’est que nous, on se reconnaît. La reconnaissance personnelle, ça, c’est autre chose. Personnellement oui c’est une reconnaissance de mon talent, mais je ne m’emmène pas la ballroom dans l’institution. Je m’emmène moi et je trouve que c’est déjà assez. Rires. Mais c’est certain qu’on va voir la ballroom à travers moi.

Comment ont réagi les membres de votre house, la House of Ninja ?

Ils ne sont pas tous au courant pour l’instant. Je leur dirai quand j’aurai terminé toute la partie administrative. Je serai plus tranquille.

Autre sujet. « RuPaul’s DragRace » est enfin adaptée en France et Kiddy Smile fait partie du jury de la première saison. Votre réaction ?

« DragRace », ce n’est pas quelque chose que je regarde. Ce qui me gêne un peu, c’est l’utilisation de la ballroom qui en est faite parfois, de façon extrèmement saoulante. Des filles vont ainsi utiliser du voguing alors qu’elles ne sont pas dans la communauté et qu’elles sont blanches. Elles vont parfois donner des noms incorrects à des mouvements. Kiddy Smile dans le jury, je pense qu’il va les mettre au pas. Rires. Parce que ce n’est pas quelqu’un qui n’a pas sa langue dans la poche !