Au Ghana, une proposition de loi anti-LGBTI+ met le président en porte-à-faux

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Au Ghana, pays très religieux qui se veut exemplaire en Afrique en matière de respect des droits humains, une poignée de députés de l'opposition mettent le président dans une position délicate en promouvant une loi restreignant les droits des minorités sexuelles.

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Le rainbow flag et le drapeau du Ghana - Snowgirll / Shutterstock

Les relations entre personnes de même sexe sont interdites au Ghana, mais personne n’a jamais été poursuivi sous cette loi datant de l’ère coloniale. Cependant, les personnes LGBTI+ sont largement discriminées dans le pays.

Début août, une proposition de loi visant à restreindre davantage les droits des personnes LGBTI+ a été introduite au parlement. Celle-ci prévoit notamment de criminaliser la défense des droits des personnes LGBTI+, une obligation de dénoncer «  des suspects » ou encore la promotion des thérapies de conversion et l’imposition de peines de prison plus lourdes pour condamner l’homosexualité. Si le texte était adopté par le parlement, le président Nana Akufo-Addo pourrait soit le promulguer soit mettre son veto.

La communauté internationale et les défenseur·euses des droits ont largement condamné cette proposition de loi, soumise au parlement par sept député·es de l’opposition et un député du parti présidentiel.

« Adopter cette loi dans sa forme actuelle ou même partielle reviendrait à violer un nombre important de droits humains, notamment l’interdiction absolue de la torture », s’est indigné un groupe d’experts de l’ONU dans un communiqué. «  Cela ne criminalisera pas seulement les personnes LGBTI, mais aussi tous ceux qui soutiennent les droits humains ou leur montrent de la sympathie  », ont-ils ajouté.

Mais selon les analystes et les diplomates, il sera difficile pour le président de s’opposer au texte, tant cette proposition de loi est populaire au Ghana. Environ 90 % des Ghanéen·nes affirment être en faveur d’une loi criminalisant les relations entre personnes de même sexe, selon un sondage du groupe de recherche Afrobarometer en 2014.

«  Le parti de l’opposition utilise cette proposition de loi comme une tactique politique pour obliger le gouvernement actuel à prendre position  », affirme la chercheuse à Human Rights Watch (HRW) Wendy Isaack.

Montée de l’homophobie au Ghana

Le président Akufo-Addo, qui a été réélu pour un second mandat en décembre, a affirmé qu’il ne légaliserait pas les mariages pour tou·tes. Mais avec cette loi, cet ancien avocat des droits humains, qui a étudié en Grande-Bretagne, se trouve en porte-à-faux.

« Il est évident que le président n’est pas emballé par cette réforme, mais c’est une question délicate, du fait de l’opinion générale  », affirme à l’AFP un diplomate occidental qui souhaite garder l’anonymat. « L’opposition a un tapis rouge pour aller surfer sur cette vague-là et faire un projet de loi particulièrement démagogique  », renchérit un autre.

Les parlementaires en faveur de ce texte affirment que l’homosexualité est étrangère à la culture ghanéenne.

« Nous avons besoin de protéger nos enfants qui sont la cible de ces personnes LGBTQ+ leur faisant croire qu’il s’agit d’un nouveau mode de vie  », affirme l’un de ses promoteurs Samuel Nartey George.

Ce débat intervient au moment où le président tente d’attirer les Afro-Américain·es et les Ghanéen·nes de la diaspora pour qu’ils et elles s’installent dans le pays.

Réputé pour sa stabilité démocratique et le respect des droits, le Ghana a réussi à faire venir des entreprises comme Twitter dans le pays, qui a récemment affirmé y ouvrir prochainement son premier bureau en Afrique. « Si nous sommes tant applaudis, ce n’est pas pour rien, mais bien parce que nous sommes une société libre  », souligne Henri Kwasi Prempeh, directeur du Ghana Center for Democratic Development.

« Peu de gens pensent que le président signera cette loi », affirme Danny Bediako, directeur de l’ONG Rightify Ghana. « Mais c’est compliqué car les institutions religieuses sont très puissantes  ».

En adoptant ce texte, le Ghana suivrait le même chemin que le Nigeria et l’Ouganda.

Or, ces lois favorisent indirectement les discriminations et agressions, s’inquiètent les défenseurs de droits humains. « Certains sont attaqués dans la rues, ne sont pas soignés dans les hôpitaux, sont chassés de leur école, ou même de chez eux  » dénonce Wandy Isaack.

Et selon Danny Bediako, le débat, à lui seul, «  a déjà conduit à une augmentation de l’homophobie ».

Avec l’AFP