Edouard Louis publie « Combats et métamorphoses d'une femme » : « J'ai changé, ma mère a changé »

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« Combats et métamorphoses d'une femme » (Seuil) sort le 1er avril, sept ans après un premier roman qui avait inspiré de la colère à la mère d'Édouard Louis, dépeinte de manière peu flatteuse.

Edouard Louis
Édouard Louis au Salon du livre de Francfort 2017 - Heike Huslage-Koch / Commons

La mère d’Édouard Louis avait fait malgré elle une entrée fracassante dans la célébrité littéraire avec En finir avec Eddy Bellegueule en 2014. Avec le nouveau livre de son fils, est-ce le temps de la réconciliation ?

Combats et métamorphoses d’une femme (Seuil) sort jeudi, sept ans après un premier roman qui avait inspiré de la colère à cette Picarde mère de cinq enfants, dépeinte de manière peu flatteuse.

« Son sourire mettait en évidence sa peau vieillie, jaunie, sa voix devenue grave, rauque, à cause de la cigarette, sa voix trop forte aussi », écrivait le jeune romancier, juste après avoir raconté la fausse couche de sa mère dans les toilettes d’une maison familiale qu’elle-même appelait « une ruine ».

L’Obs l’avait retrouvée et fait part de son indignation. La brouille entre les deux était publique.

« Ma mère a réagi, elle n’était pas contente de ce que j’avais écrit. La première chose qu’elle m’a dite quand elle a pu parler avec moi, c’était : “ pourquoi est-ce que tu dis qu’on est pauvre ? ! ” Elle ne veut pas que le monde le sache parce qu’elle a l’impression qu’elle en est responsable », dit l’écrivain de 28 ans à l’AFP.

« Relation impossible »

« J’ai changé, ma mère a changé. C’est l’histoire que je raconte », poursuit-il. « L’histoire de la relation avec ma mère, comme celle avec mon père et toute ma famille, dans mon enfance, c’était l’histoire d’une relation impossible. Pas parce qu’on ne l’aurait pas voulu, pas parce qu’il y aurait eu un incident particulier, mais simplement parce que je vivais dans un monde qui rejetait violemment l’homosexualité ».

Édouard Louis n’est pas le premier à se fâcher avec sa famille après avoir rendu publique son histoire intime.

« Écrire, c’est le dernier recours quand on a trahi », disait Jean Genet qui avait été abandonné par ses parents et avait eu une enfance très difficile.

Marcel Jouhandeau, dans Le Livre de mon père et de ma mère (1948), avait décrit les manières brutales de son père boucher… et ses maîtresses. Face à ce tyran, « ma sainte femme de mère n’avait de goût que pour la pauvreté et la pureté, d’amour que pour ses enfants », y raconte-t-il. Et ce n’était que le début d’un cycle romanesque sur sa ville natale, Guéret, dans la Creuse, avec laquelle il se fâchera.

« Plusieurs individus »

Pour Édouard Louis, l’apaisement avec cette mère qui comme lui a changé de nom de famille et quitté la Picardie pour Paris, compte moins que la littérature.

« Que je sois en bons termes avec ma mère ou pas, ce n’est pas intéressant. Quand je parle de cette femme qu’est ma mère, c’est pour parler des femmes et des mères, pas de ma mère en particulier. Je n’écris pas pour faire plaisir aux gens, j’écris pour me battre et j’écris ce qui me semble juste », avance-t-il.

De même, après Qui a tué mon père, portrait du père ouvrier victime de la dureté de l’usine, Combats et métamorphoses d’une femme dresse le portrait d’un mari malveillant.

« Si je considère que j’essaie de construire une histoire sociale à travers d’une expérience biographique, ce qui serait l’enjeu balzacien, chaque personnage a un visage différent selon l’histoire que je vais raconter. Mon père par rapport à ma mère, évidemment j’en parle comme d’un tyran domestique, quelqu’un qui voulait qu’elle reste à la maison et l’attende toute la journée alors qu’elle ne savait jamais quand il rentrerait. Il y a toujours plusieurs individus à l’intérieur d’un individu », explique le romancier.

Avec l’AFP

« Combats et métamorphoses d’une femme », d’Édouard Louis, Seuil, 128 p., 14 €.