L'école et les élèves trans : beaucoup reste à faire contre les discriminations

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Si certaines actions sont menées ici ou là, beaucoup reste à faire pour contrer les discriminations, estiment plusieurs acteurs.

Drapeau trans/Shutterstock

Le suicide à Lille d’une lycéenne trans interroge le rôle de l’institution scolaire dans l’accompagnement de ces élèves : si certaines actions sont menées ici ou là, beaucoup reste à faire pour contrer les discriminations, estiment plusieurs acteurs.

Un mal-être à l’école

Plusieurs enquêtes et études récentes montrent une recrudescence des faits LGBTphobes en milieu scolaire. La transphobie se distingue par un rejet et des agressions physiques pour la quasi-totalité des élèves trans.

Vendredi 18 décembre, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a admis qu’il fallait « que nous réussissions beaucoup mieux à lutter contre » le harcèlement des élèves LGBT+.

Une enquête menée en 2018 par les chercheurs Joanna Dagorn et Arnaud Alessandrin auprès de 1.147 personnes montrait que près des 86 % des personnes trans et intersexes interrogées se sont senties mal au cours de leur scolarité. Premier motif invoqué : la non-reconnaissance du prénom qu’ils ou elles s’étaient choisi.

Inégalités de traitement

Selon Arnaud Alessandrin, qui travaille depuis 2014 sur la transidentité, il y a un vrai paradoxe : l’école est l’institution où les élèves passent le plus de temps mais c’est aussi là que leur reconnaissance est la plus faible. « Le temps que l’institution accorde à la question est soit nul, soit excessivement marginal », souligne-t-il. « L’école ne fait pas rien, mais ce petit quelque chose reste totalement insuffisant ».

Or « le taux de déscolarisation des jeunes trans explose si on ne reconnaît pas leur transidentité à l’école », prévient-il.

En l’absence d’une loi ou d’une circulaire nationale, chaque chef d’établissement se retrouve à gérer au cas par cas les demandes qui émanent des élèves ou des familles. « Ce qui conduit à une inégalité de traitement sur le territoire », regrette le sociologue.

« Pour accompagner les élèves trans, on se débrouille en interne »

« Pour accompagner les élèves trans, on se débrouille en interne », confirme Philippe, CPE dans un grand lycée du sud-ouest de la France, où le sujet est regardé « avec bienveillance » par l’ensemble de l’équipe.

Conformément à ce qui est permis en France, son établissement change ainsi les prénoms des jeunes qui en font la demande dans tous les documents scolaires (carte de cantine, listes d’émargement, etc.) et les plateformes numériques, « à partir du moment où il sont suivis par leurs parents dans leur démarche ».

Manque de formations

Parmi les professionnels de l’école, le constat est unanime : l’institution ne forme pas suffisamment ses personnels sur cette question. « Ces sujets ne se sont pas encore imposés dans le débat éducatif », souligne Sophie Vénétitay, du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire. Or, « pour écouter les élèves concernés et les accompagner au mieux, il faut qu’on soit formés ». Des ressources existent sur des sites du ministère, mais « elle n’irriguent pas forcément, il y a un manque d’information », regrette Mme Vénétitay.

« Certains établissements sont au fait sur le sujet mais c’est loin d’être le cas partout », déplore aussi Mathieu Devlaminck, président de l’Union nationale lycéenne (UNL). « On aimerait par exemple que des associations viennent nous sensibiliser dans les lycées aux discriminations dont sont victimes les personnes transgenres  ».

Des initiatives locales

En novembre 2019, le rectorat de l’académie de Paris a créé le premier Observatoire académique de prévention et de lutte contre les discriminations anti-LGBT+. Objectif : former les personnels, informer et susciter des actions éducatives, explique Audrey Gelman, chargée de mission. « Faire en sorte de rendre visibles ces questions à l’école », poursuit-elle.

D’autres académies ont ou devraient emboiter le pas à Paris, comme celle de Nancy-Metz.

Mi-octobre, la ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, à la diversité et à l’égalité des chances, Élisabeth Moreno, a aussi présenté un plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT. Ce plan prévoit notamment la poursuite de la formation et la sensibilisation à la haine et aux discriminations anti-LGBT des personnels de l’Éducation nationale.

Avec l’AFP