Pologne : le parti conservateur et LGBTphobe inquiet après la victoire de Joe Biden

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Alliés fidèles de Donald Trump, les conservateurs nationalistes polonais ont du mal à reconnaître sa défaite et craignent les prises de position du président élu Joe Biden, volontiers critique des violations de l'État de droit en Pologne.

Andrzej Duda Pologne
Andrzej Duda, le président de la Pologne - Dagmara_K / Shutterstock

Alors que le monde saluait la victoire du candidat démocrate Joe Biden, le président de la Pologne Andrzej Duda s’est borné, lui, à le féliciter samedi 7 novembre «  pour une campagne présidentielle réussie  ». Même figure de style que le Premier ministre hongrois Victor Orban.

« En attendant la nomination par le Collège électoral, la Pologne est déterminée à maintenir un partenariat stratégique PL-US de haut niveau et de haute qualité pour une alliance encore plus forte », a-t-il ajouté dans son tweet.

Andrzej Duda a semblé ainsi oublier qu’il y a quatre ans, il avait félicité Donald Trump pour sa victoire immédiatement après la publication des résultats.

La Pologne perd « un allié de poids sur la scène internationale  »

La télévision publique TVP, considérée comme un véritable outil de propagande des populistes au pouvoir, continuait encore lundi de présenter sur son site internet Joe Biden comme un homme politique « que certains médias aux États-Unis ont qualifié de vainqueur de l’élection présidentielle  ». Pendant le weekend, la TVP a cité abondement les accusations de fraude émises par Donald Trump, ainsi que les médias russes.

« La TVP s’est engagée davantage que Fox News  », constate le politologue Marcin Zaborowski. Selon lui, les conservateurs polonais du Droit et Justice (PiS) « sont très malheureux d’avoir perdu un allié de tel poids sur la scène internationale  ». « Isolé dans l’Union européenne, le PiS avait le confort d’être soutenu outre-Atlantique grâce à Trump », explique-t-il à l’AFP.

Les liens entre les deux partenaires étaient très étroits.

Depuis leur arrivée au pouvoir en 2015, les conservateurs de PiS ont misé sur de bonnes relations avec Washington, cherchant notamment avec succès à renforcer la présence militaire américaine sur le sol polonais, alors que leurs rapports avec l’UE ont été marqués par des tensions provoquées notamment par leurs réformes judiciaires controversées et par leur refus d’accueillir des migrants.

Fin juin, à quatre jours du premier tour du scrutin présidentiel en Pologne, Andrzej Duda, candidat à sa réélection, a rendu visite à M. Trump, lui aussi en campagne électorale. Le président américain n’a alors pas tari d’éloges sur son « ami  » polonais, premier dirigeant étranger invité à la Maison Blanche depuis les mesures anti-Covid-19 aux États-Unis.

Le chef d’État polonais a quant à lui loué la politique de son homologue américain et n’a pas programmé une rencontre avec le candidat démocrate.

Joe Biden, critique des « zones sans LGBT »

Joe Biden sera sans aucun doute un partenaire plus difficile pour les conservateurs.

En octobre, il avait provoqué l’ire de Varsovie en s’émouvant de que « ce qui s’est passé, de la Biélorussie à la Pologne en passant par la Hongrie, et la montée des régimes totalitaires dans le monde ».

Plus tôt, il a également fortement critiqué la campagne des conservateurs polonais contre la communauté LGBT+. « Soyons clairs : les droits des LGBTQ+ sont des droits de l’Homme — et les ‘zones sans LGBT’ n’ont pas lieu dans l’Union européenne ou partout dans le monde », a-t-il déclaré en septembre.

Pour autant, selon le politologue Marcin Zaborowski, Joe Biden n’a aucune intention de miner les relations stratégiques entre les deux pays. « Ces relations peuvent rester fortes — et peut-être même devenir plus fortes. En fait, dans des domaines comme la politique à l’égard de l’espace post-soviétique, Varsovie peut constater qu’elle a plus en commun avec la Maison Blanche de Biden qu’avec celle de Trump », explique-t-il.

L’ancien ambassadeur polonais aux États-Unis, Ryszard Schnepf, le confirme : « Les démocrates ont toujours été plus fermes vis-à-vis de la Russie que les conservateurs ». « Biden connait bien l’Europe, la comprend mieux que Donald Trump », mais à la différence du président sortant, il ne mise pas uniquement sur la Pologne et la Hongrie dans ses relations avec l’Europe, explique-t-il à l’AFP.

« Même si aucun soldat américain ne sera retiré, la Pologne perdra son statut de partenaire privilégié, et aussi bien le PiS que le président Duda sont inquiets. Ils ne savent pas comment ils vont être traités par la nouvelle administration », ajoute-t-il.

Lundi, comme pour souligner l’importance des liens transatlantiques, le président Duda a ratifié l’accord sur la présence des forces américaines en Pologne, finalisant ainsi l’initiative de l’administration Obama-Biden datant de 2009. Lors de son discours, le président polonais a soigneusement omis de prononcer aussi bien le nom Trump que Biden.

Avec l’AFP