César 2020 : Pour Adèle Haenel, c’est « La honte ! »

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À l’annonce du nom de la meilleure réalisation donnée à Polanski, Adèle Haenel se lève et quitte la salle en prononçant deux mots : « La honte ! ».

Adèle Haenel quitte la salle Pleyel à l'annonce du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski - Capture d'écran

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Les Misérables ont tiré leur épingle du jeu hier soir lors de la cérémonie des César. Mais c’est à l’annonce du César de la meilleure réalisation que tout a basculé.

Rassemblement d’associations féministes

Alors que devant la salle Pleyel, un rassemblement d’associations féministes manifestait son opposition à la célébration du film de Roman Polanski lors des César, à l’intérieur de la salle Pleyel et sur Canal+, c’est au moment de la remise de l’avant-dernier prix que la soirée a véritablement tourné.

Le réalisateur Roman Polanski se voit attribué le prix du meilleur réalisateur après que son film J’accuse a déjà reçu le prix des meilleurs costumes et du meilleur scénario adapté, portant à trois le nombre global de récompenses. À l’annonce du nom de la meilleure réalisation donnée à Polanski, Adèle Haenel se lève et quitte la salle en prononçant deux mots : « La honte ! ».

Elle sera rapidement suivie de l’équipe du Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et d’une (infime) partie de l’assemblée. Si Libération l’avait mis en scène dans son édition d’hier de la façon la plus maladroite qui soit, c’était bien une opposition entre anciens et modernes qui se jouait hier soir lors de cette cérémonie des César lunaire. Adèle Haenel l’avait déclaré il y a quelques jours au New York Times : « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ce n’est pas si grave de violer des femmes ».

Bien que devancé par les quatre récompenses célébrant Les Misérables de Ladj Ly (meilleur film, montage, espoir masculin pour Alexis Manenti et prix du public), symboliquement, c’est bien Polanski et ses soutiens qui ont remporté la partie en empochant trois César dont celui de la meilleure réalisation.

Une preuve supplémentaire du réel besoin pour l’Académie de se pencher sérieusement sur la composition de son collège de votants, constitués essentiellement d’hommes âgés, et sur les règles qui l’animent.

Difficulté de l’exercice

On connaissait la difficulté de l’exercice et Florence Foresti s’est dévouée ! Elle a ouvert le feu avec une charge lourde et osée contre Polanski (surnommé tour à tour Atchoum ou Popaul), elle a multiplié les vannes à un rythme d’enfer en ouverture de la cérémonie quitte à se prendre un peu les pieds dans le tapis du « on ne peut plus rien dire » dès qu’il s’est agi d’évoquer les minorités.

Mais le véritable malaise était celui ressenti face au discours de Mathieu Kassovitz, venu remettre le César de la meilleure actrice à Anaïs Demoustier, lauréate surprise pour son rôle dans Alice et le maire : « Foresti m’a dit les trans, les gays, les producteurs véreux, tu peux y aller mais tu ne touches pas aux femmes », il a fini par espérer qu’en tant que comédien ou réalisateur il pourrait être « capable de continuer à jouer le jeu de la séduction au cinéma et dans la vie ». Air connu, soupirs et grosse fatigue !

Discours-réquisitoire d’Aïssa Maïga

Aïssa Maïga a rappelé avec cran lors d’un discours-réquisitoire prenant toute la salle a parti le besoin essentiel de diversité : « Ça ne va pas se faire sans vous, pensez inclusion ! ». Diversité qui fut célébrée de façon un peu plus visible que les années précédentes grâce aux quatre César attribués au film de Ladj Ly ainsi qu’aux deux remis à Papicha (meilleur espoir pour la comédienne Lyna Khoudri et meilleur premier film) et au triomphe (attendu) de Roshdy Zem dans la catégorie du meilleur acteur pour le film Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin.
Le film de Nicolas Bedos, La Belle Époque, termine son parcours avec trois statuettes (décor, scénario original et meilleur second rôle pour Fanny Ardant) et J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, battu par Toy Story 4 aux Oscars, remporte les prix du meilleur film d’animation et de la meilleure musique originale.

Les grands perdants de cette soirée sont deux des films français les plus célébrés dans le monde : Grâce à Dieu de François Ozon, récompensé par un César du second rôle pour Swann Arlaud et Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma qui a dû se « contenter » du prix de la meilleure photo pour sa cheffe opératrice Claire Mathon. Un accessit au goût amer.
Après la honte, la refonte ?