Coupe du monde de football au Qatar en 2022 : vous avez dit pinkwashing ?

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La Fifa et le Qatar diffusent un document pour dire comment ce pays au triste bilan en matière de droits humains allait se montrer exemplaire en 2022. On a du mal à y croire.

Qatar
Vue de Doha, la capitale du Qatar - Jarretera / Shutterstock

Lors de l’inauguration d’une plaque en mémoire d’une personnalité LGBT+ ou lorsqu’une entreprise s’engage en signant la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle, certain.e.s ont tôt fait de crier au pinkwashing.

S’il est légitime de regarder si dans les faits, ces actions ne sont qu’une façon commode d’apparaître comme LGBT friendly ou si elles s’inscrivent vraiment dans un engagement cohérent sur la durée, n’oublions pas que certaines opérations de communication sur les questions LGBT+ posent beaucoup plus de questions. Et de problèmes.

Je suis ainsi frappé par le silence assourdissant qui a entouré la diffusion d’un communiqué mardi 21 janvier et émanant de la Fifa (Fédération internationale de football) et du Qatar.

Ce document (en anglais) intitulé Sustainability strategy, insiste sur le respect des droits des travailleurs immigrés et des diversités sexuelles et de genre ainsi que la protection des militants et journalistes.

Voici un exemple cynique d’une communication destinée à masquer un bilan en matière de droits humains désastreux.

On doit se pincer pour y croire. Voici un exemple cynique d’une communication destinée à masquer un bilan en matière de droits humains désastreux.

Selon une enquête très fouillée du Guardian en octobre 2019, 2700 ouvriers népalais et indiens sont morts entre 2012 et 2018 sur les chantiers des stades du Mondial 2022. La plupart de « causes naturelles », selon le régime qatari. Mais ce que montre cette enquête, c’est que les causes ne sont en fait jamais vraiment investiguées et qu’il n’y a pas d’autopsie.

L’homosexualité est illégale au Qatar, avec une peine pouvant aller jusqu’à sept ans de prison et une amende, et pourrait entraîner la peine de mort pour les musulmans en vertu de la charia. Cependant, il n’y a aucun cas connu où la peine de mort a été appliquée pour homosexualité. Le gouvernement qatari interdit à ses citoyen.ne.s de faire campagne pour les droits des personnes LGBT+.

Le Qatar a beau sponsoriser la chaîne AJ+, qui en français et en anglais, parle régulièrement des questions féministes et LGBT+, ce pinkwashing-là révèle tout son cynisme. Alors qu’il est interdit d’en parler dans le pays.

Peu de voix s’élèvent contre la tenue de la Coupe du monde de football dans ce pays. Au début des années 2010, le militant gay Jean-Luc Romero, avait alerté sur la situation des gays et des personnes séropositives au Qatar. Mais sans succès.

Il est vrai que le Qatar investit énormément dans les pays occidentaux. C’est le propriétaire du PSG à Paris. Il finance des films, des expos, entre autres. De grands architectes y construisent volontiers. Ceci explique sans doute cela.

Toutes proportions gardées, cette communication LGBTfriendly me rappelle cette exposition que j’avais visitée au Holocaust Museum à Washhhington et qui montrait comment l’Allemagne de Hitler avait pendant quelque temps avant les Jeux olympiques de 1936, fait croire que ces lois anti-juives n’étaient pas si strictes que cela. On sait où tout cela nous a mené, alors qu’on célébrait cette semaine les 75 ans de la libération des camps d’extermination.