#MeToo : Adèle Haenel parle et ça change tout

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L’évènement le plus important qui a marqué cette semaine est bien l’intervention d’Adèle Haenel sur le plateau de Mediapart. 

Adèle Haenel
Adèle Haenel à Cannes, en mai 2017 - Denis Makarenko /Shutterstock

L’évènement le plus important cette semaine est bien l’intervention d’Adèle Haenel sur le plateau de Mediapart. Adèle Haenel a été victime de violences sexuelles durant son adolescence, perpétrées par le réalisateur Christophe Ruggia. Durant une heure, ce n’est pas tellement de son histoire personnelle que l’actrice va parler. Elle va montrer point par point ce qui dans la société fait système contre les femmes, et ce depuis si longtemps. Et elle va nous proposer d’analyser les actes et ce système pour, comme elle le demande, rendre le monde meilleur.

Durant son interview, Adèle Haenel a voulu démontrer ce que ces violences disaient de notre société et de la façon dont les femmes, dont celles, très nombreuses, victimes de violence, y sont traitées.

Pour la justice, Adèle Haenel est une victime, dans les faits c’est une victime. Mais elle est aussi une combattante. Elle s’est relevée. Comme son personnage d’activiste contre le sida dans 120 battements par minute.

« C’est quelqu’un qui m’a écoutée, qui a pris acte de ce que je disais, […]. Et ensemble, on a fait face à la vie, on s’est élevées. »

L’un des passages les plus forts et les plus poignants de cette prise de parole politique, est lorsque Adèle Haenel explique, qu’après des années de retrait du monde du cinéma, en raison du traumatisme qu’elle avait subi, c’est une femme qui lui a redonné de la force. Et pas n’importe laquelle. Il s’agit bien sûr de Céline Sciamma, qui a été sa compagne pendant plusieurs années, et qui selon les mots d’Adèle Haenel a été une rencontre qui lui a littéralement sauvé la vie. « [Céline Sciamma ] c’est quelqu’un qui m’a écoutée, qui a pris acte de ce que je disais, […]. Et ensemble, on a fait face à la vie, on s’est élevées. »

Comme l’a écrit l’activiste Alice Coffin, il y a donc bien « une dimension lesbienne » au témoignage d’Adèle Haenel à Mediapart. C’est bien en tant que cinéaste lesbienne que Céline Sciamma souhaite proposer une autre version de l’amour entre femmes, comme dans son dernier film Portrait de la jeune fille en feu. Et qu’elle a su redonner l’envie de cinéma à Adèle Haenel.

Le processus qui a conduit Adèle Haenel à pouvoir témoigner, mais aussi à supprimer la haine de soi qu’elle a garé des années après avoir été victime de violences, cela ressemble aussi à cette émancipation, cet empouvoirement que nombre de personnes LGBT+ doivent réaliser dans une société qui les considère encore par certains égards comme des sous-citoyen.ne.s, voire qui leur fait subir des violences LGBTphobes. Cette dimension lesbienne, c’est aussi tout simplement la sororité. Oui, et Adèle le démontre, une solidarité entre femmes, pour les femmes, existe.

Celui qui écrit ces lignes n’est pas une femme lesbienne. Donc, je ne suis pas forcément le mieux placé pour parler des conséquences de l’impact de ce témoignage dans toutes ses dimensions. Mais Adèle Haenel nous invite toutes (et tous) à regarder nos actes, à analyser ce que nous faisons. À faire aussi que la peur et la honte, changent de camp. Elle a répété qu’elle n’était pas mue par une quelconque vengeance mais que par ses mots, qu’elle maîtrisait parfaitement et lançait en rafales, elle voulait nous alerter sur nos responsabilités collectives.

Nous avons envie de lui dire : Respect et merci.

ll faudrait aussi remercier Mediapart pour ce grand moment médiatique. À l’heure où sur les chaînes d’info, c’est à qui sera le/la plus « disruptif.ve » ou carrément abject.e pour être assurer de faire le buzz sur les réseaux sociaux, Adèle Haenel a eu le temps de s’exprimer, pendant plus d’une heure. Et ça change tout. Loin de la petite phrase qui pourrait être reprise, elle déroule son raisonnement avec rage –, ce n’est pas facile d’aller à l’encontre des choses établies depuis si longtemps – mais surtout avec calme car Edwy Plenel comme Marine Turchi lui en offrent la possibilité.
Alors oui à la fin de cette interview, on a la gorge nouée et les yeux un peu humides. Il ne faut pas en rester là, à cette émotion. Adèle Haenel a fait sa part du chemin. Et ses mots forts et beaux nous obligent.

Revoir la vidéo de l’intervention d’Adèle Haenel sur le plateau de Mediapart :