« Charlotte a 17 ans », un teen movie québécois pas comme les autres

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« Charlotte a 17 ans » nous a réjoui ! La grande idée de ce teen-movie québécois ? Placer, pour une fois, le regard du côté des filles et briser les codes habituels.

« Charlotte a 17 ans », de Sophie Lorain - Les Valseurs
« Charlotte a 17 ans », de Sophie Lorain avec Marguerite Bouchard - Les Valseurs

Charlotte a 17 ans. Elle vient de se faire larguer par son amoureux idéal qui, après une énième tentative de sexe (« ça marche pas, je m’excuse ! » / « ça a quand même duré plus longtemps que la dernière fois ! »), lui a confié être gay ! Charlotte a 17 ans. Elle se sent dépendante affective mais s’est fixé une mission : coucher avec des mecs hétéros.

Pour faciliter cette mission louable, elle se fait embaucher avec ses deux meilleures amies au magasin de jouets du coin, mine d’opportunités de séduction grâce à son cheptel de jeunes vendeurs-étudiants. Mais les questions se bousculent pendant cette phase de reconstruction post-rupture : Faut-il écouter de la musique déprimante ? Combien de fois ai-je regardé mon téléphone dans la journée dans l’espoir d’un message ? Est-ce que Wonder Woman s’habille comme une pute ? Suis-je une salope ?

 

Une saveur nouvelle

L’intelligence de ce film écrit par Catherine Léger et réalisé par Sophie Lorain, c’est de questionner les angoisses adolescentes, d’envisager les désirs avec modernité et d’appliquer à la mécanique habituelle des films de bandes d’ados, un female gaze, un point de vue féminin, tellement inhabituel qu’il est plus que bienvenu et donne à chaque scène, à chaque réplique, une saveur nouvelle.

Pour la réalisatrice, Sophie Lorain, il était temps de déconstruire un peu les clichés sur le désir et la sexualité des femmes : « On apprend souvent aux filles à être passives, dit-elle. À exister dans le regard des garçons dans l’espoir d’être choisie. Très tôt dans la vie, on leur raconte des histoires de princesses, on leur fait choisir des vêtements pour plaire, on perpétue le monde du rêve en couleur pastel… Tout est fait dans le but de plaire mais sans déranger. Même dans ce qu’on leur propose à l’écran, elles sont exposées à des clichés et à des stéréotypes qui ne font que les conforter dans cette dynamique un peu malsaine ».

Pari réussi

Pari réussi puisque le film déjoue, avec une authenticité et une drôlerie rares, toutes les règles en vigueur de la vision des rapports femmes-hommes au cinéma, dégomme les injonctions diverses et variées, en évitant l’écueil de faire un portrait désastreux des garçons adolescents qui sont plutôt vus, eux aussi, avec bienveillance.

Charlotte couche avec tout le monde et, de fait, «  reprend le pouvoir sur le pacte affectif » et assume d’être une salope mais « dans le bon sens du terme », pour la citer. C’est le parcours de la construction d’une femme, de la façon dont elle se réapproprie sa vie, et, son éducation sentimentale et sexuelle faisant, invente son féminisme. Plus Charlotte écoute La Callas chanter Carmen, plus elle comprend que l’amour est enfant de bohème et qu’il n’a jamais connu de loi ! Avec son noir et blanc élégant, son humour québécois ravageur avec répliques qui fusent et infusent un féminisme décomplexé, Charlotte a 17 ans est un véritable tout de force féministe qui fait le pari de la légèreté. Une réussite réjouissante !

Charlotte a 17 ans (Charlotte a du fun)
Réalisation : Sophie Lorain
Comédie – Québec – 1h29
Distribution : Marguerite Bouchard, Romane Denis, Rose Adam, Alex Godbout, Vassili Schneider, Anthony Therrien, Marylou Belugo, Claudia Bouvette
En salles le 12 juin 2019