Greffe d'utérus : pourquoi ne parle-t-on pas des personnes intersexes ?

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Au coeur des nouveaux protocoles de greffes utérines : des personnes intersexes. Pourtant, elles demeurent les grandes oubliées de la communication du corps médical. Explications.

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Greffe d'utérus : pourquoi ne parle-t-on pas des personnes intersexes ?- Sebastian Kaulitzk / Shutterstock
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La toute première greffe d'utérus en vue de donner naissance vient d'être réalisée en France. Depuis cette année, les femmes nées sans utérus, ou qui en auraient subi une ablation pour raisons médicales peuvent, sous conditions, recevoir cet organe d'une donneuse vivante, à l'hôpital Foch de Suresnes. Voilà plusieurs semaines que la presse scientifique, médicale et généraliste s'enthousiasme, insistant sur « l'espoir » apporté aux personnes concernées par le protocole fraîchement autorisé sur le territoire français. Ce que l'on ne lit pas, en revanche, c'est que le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MKRH) qui touche les premières concernées par cette nouvelle procédure — qui a déjà permis 15 naissances depuis 2014 en Suède — fait partie du spectre de l'intersexuation.

Invisibilisation de l'intersexuation

« L'invisibilisation des personnes intersexes est courante dans l'histoire médicale », commente Vincent Guillot, figure de proue du militantisme intersexe en France qui a co-fondé l'Organisation Internationale des Intersexués en 2003. C'est à l'occasion d'une de ses visites dans la capitale, motivée par une audition auprès du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que nous avons rencontré l'activiste. Dans un étrange café coworking bien trop hipster pour nous, non loin de Saint-Michel, Vincent revient sur le premier cas d'insémination artificielle humaine, documenté en 1790 par le chirurgien écossais John Hunter. Les personnes sur lesquelles il avait pratiqué cette intervention pionnière ? Un couple hétérosexuel, dont le mari était intersexué, du fait de son hypospadias (ouverture du méat urinaire à un autre endroit qu’au bout de la verge), rapporte Vincent.

« Comme pour la GPA, les médecins français font en sorte de ne surtout pas dire que la greffe d'utérus concerne presque exclusivement des femmes hétérosexuelles intersexuées »

Pourquoi faut-il cliquer sur plusieurs liens d'affilée avant de trouver ces informations dans un moteur de recherche ? « Il y a une vraie volonté, en France, de décorréler la greffe d'utérus de la PMA et de la GPA », explique Vincent Guillot, qui estime que les écrits anglo-saxons sur le sujet sont bien plus précis. « Dans toutes les déclarations des médecins français, c'est très clair : ce n'est pas la même chose. Et, comme pour la GPA, ils font en sorte de ne surtout pas dire que la greffe d'utérus concerne presque exclusivement des femmes hétérosexuelles intersexuées ». Pourtant, poursuit le militant, lorsque les jugements de reconnaissance d'une maternité par GPA en France énoncent la raison de la stérilité, « c'est toujours le syndrome MRKH ». C'est notamment le cas de Sylvie Mennesson, co-fondatrice de l'association Clara (Comité de soutien pour la Légalisation de la GPA et l'Aide à la Reproduction Assistée), qui se bat depuis plus de 18 ans pour être reconnue comme la mère de ses filles Fiorella et Valentina.

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