« Ma famille est niée et je ne pourrai jamais réellement la considérer comme telle »

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Dorian est le fils d'un double couple homoparental : son père est aujourd'hui marié à un homme et sa mère est en couple avec une femme. Il témoigne de la difficulté à voir sa famille reconnue dans la mesure où il ne bénéficie d'aucun lien juridique avec le mari de son père, avec qui il a pourtant toujours été en relation et qui l'a élevé.

Rawpixel.com / Shutterstock
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Dorian, 21 ans, est étudiant en première année de Master au CELSA en Conseil et Ressources Humaines. S’il est bien né de l’union de son père et de sa mère, ses deux parents sont aujourd’hui dans des relation homosexuelles (son père est même marié depuis 2015). Ayant développé des liens forts avec le mari de son père, qu’il connaît depuis le plus jeune âge et qui a participé à son éducation, il regrette de ne pouvoir bénéficier d’une reconnaissance juridique de ce lien.

La coparentalité reste aujourd’hui une forme de famille où les parents sociaux sont condamné.e.s à une grande précarité juridique. Après avoir découvert sur Komitid le témoignage d’Anne-Lise, née d’une PMA au sein d’un couple de lesbiennes, il a lui aussi voulu prendre la parole pour dire notamment combien il lui paraît important d’éduquer les enfants dès le plus jeune âge à la diversité des familles qui existent dans la société.

Dès que j’ai eu quatre ans, mes parents m’ont expliqué pourquoi notre famille était telle qu’elle est, pourquoi ça n’en faisait pas moins une famille et surtout comment en parler pour être le plus clair possible. Je n’ai pas vécu de véritable rejet concernant ma situation familiale. Juste une fois, en primaire, un autre enfant est venu me voir pour me dire : « ce n’est pas juste, tu n’as pas le droit d’avoir deux papas. » Aucune méchanceté de sa part, mais surtout de l’incompréhension et de la jalousie enfantine. Sur le moment et pendant longtemps j’ai juste pris cela comme une phrase sans importance d’un enfant qui se questionne, puis j’ai ajouté cela à la manière dont les gens ont tendance à réagir lorsque je leur présente la situation de ma famille. J’ai finalement compris que le sujet principal pour faire accepter un autre type d’organisation familiale était l’éducation des jeunes enfants.

« Ce mode de famille est tout aussi viable que répandu. »

Lorsque je parle de ma situation familiale, des questions reviennent presque inlassablement, celles de savoir comment je comprenais ce qu’était une famille étant enfant, si je n’avais pas été influencé d’une manière ou d’une autre, si ce n’était pas « bizarre » de voir des mères et des pères ensembles. Cela m’a fait comprendre que tout passait par deux choses importantes : l’éducation et la discussion. Les personnes que je rencontre me posent cette question parce qu’elles n’ont pas abordé le sujet lorsqu’elles étaient jeunes. J’espère vraiment que les paroles des futurs parents se libéreront pour que ça ne soit plus un sujet d’incompréhension et que chacun entende que ce mode de famille est tout aussi viable que répandu. Il faut que les parents, quelle que soit leur orientation sexuelle, parle de ce sujet avec leurs enfants. Même très jeunes, nous comprenons tout.

« Je comprends maintenant pourquoi ma parole compte tout autant que celle de n’importe qui »

Lorsque les débats autour du mariage pour tous et de la PMA ont commencé, je ne me sentais pas légitime pour prendre la parole. Certes mes parents sont homos mais j’ai quand même un père et une mère biologiques qui ont tous les deux été présents dans ma vie. J’avais l’impression d’ôter la parole à certains et certaines ayant eu des parcours de vie plus compliqué que le mien. Mes parents eux-mêmes me disaient que je n’étais pas un bon exemple et que prendre la parole serait plus ou moins malvenu.

« Je comprends maintenant pourquoi ma parole compte »

Aujourd’hui et depuis quelques temps maintenant je ne suis plus du même avis. Je pense qu’il est du devoir de tous les citoyens et des citoyennes de défendre l’égalité. Aussi parce que mes propres pères ont pu se marier en 2015 grâce à nos combats. Enfin parce que j’ai grandi entouré de personnes très diverses et que je veux m’être battu pour elles moi aussi. Je comprends maintenant pourquoi ma parole compte tout autant que celle de n’importe qui. J’ai eu un père et une mère très présentes, mais sans les combats des communautés LGBTQI+ et leurs alliés, j’aurais eu un père et une mère malheureux, qui auraient dû vivre cachés. Les luttes pour le mariage et l’adoption pour tous et toutes, ainsi que la PMA, donnent leur place à des modes de famille simplement heureux et bienveillants, ce qui est bien plus que ne peuvent en dire beaucoup de familles aujourd’hui.

« Si je dois prendre des décisions plus tard pour le mari de mon père ou la partenaire de ma mère, je ne pourrai pas »

J’ai grandi heureux, c’est certain, mais j’avais toujours l’impression que quelque chose manquait. On me faisait parfois comprendre indirectement que ma famille avait le droit d’exister, mais que ce n’était pas vraiment une famille. Je considère clairement le mari de mon père comme mon deuxième père, mais cela a parfois été moins évident. En tant qu’enfant lorsqu’on ne peut pas appeler celui qu’on considère comme son père « papa », cela crée une espèce de distance. Jusqu’à mes 8 ans j’appelais mon deuxième père « tonton ». J’aurais voulu pouvoir avoir aussi mon mot à dire au sujet de qui était mes parents selon moi. Cela me paraît, comme à quasiment tous les enfants de parents homosexuels, tellement absurde de ne pas avoir de lien « officiel » avec mon deuxième père. Ceci alors même qu’il m’a élevé. Cela m’aurait rassuré en tant qu’enfant.

Cette situation qui nous interdisait de le considérer comme mon « vrai » père a eu des effets négatifs sur ma relation avec mon père biologique. La violence que c’était pour lui l’a longtemps poussé à souhaiter que je sois hétérosexuel. Ayant vécu cette violence il ne voulait pas que je traverse la même chose. Paradoxalement il m’a souvent demandé de faire le moins « homosexuel » possible par peur des représailles à mon égard. Ces violences symboliques sont réelles et elles poussent à des contradictions terribles. Dans ces moments-là c’était vers mon deuxième père que je me réfugiais, et j’aurais aimé qu’il soit considéré comme tel par tous. Aujourd’hui en tant que majeur je vois plus cela comme quelque chose qui risque de poser des problèmes administratifs plus tard.

Comme le disait Anne-Lise dans son témoignage, si je dois prendre des décisions plus tard pour le mari de mon père ou la partenaire de ma mère, je ne le pourrai pas, alors qu’ils font pleinement partie de ma vie. Cela continue de donner le sentiment que ma famille est niée, qu’elle n’existe pas, et que je ne pourrai jamais réellement la considérer comme telle. Pour toutes ces raisons je vois nos luttes non pas seulement comme des combats en faveur de l’égalité pour les communautés LGBTQI+, mais comme un moyen de constituer des familles heureuses et bienveillantes envers leurs enfants.

Propos édités par Philippe Peyre

  • phil86

    Les LGB sont devenus hyper conformistes en cherchant absolument rentrer dans le moule hétéro le problème c’est qu’ils n’y seront jamais totalement accepté. Il n’est pas nécessaire de vivre en couple ni de fonder une famille pour s’épanouir dans la vie. Bilan ils se retrouvent prisonniers d’un modèle auquel ils veulent absolument appartenir. Cela ne me semble pas particulièrement libérateur.