« Il y a un réel manque de données sur la santé des étudiant.e.s LGBTI+ »

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Un collectif d'étudiant.e.s LGBT+ vient de lancer une grande enquête sur le bien être des étudiant.e.s LGBT+. Un questionnaire par et pour les personnes concernées.

Caélif
L'équipe du Caélif

Comment se sentent les étudiant.e.s LGBT+ ? C’est la question à laquelle le Caélif (Collectif des associations étudiantes LGBT+ d’Île-de-France) souhaite répondre. Le collectif vient de lancer une enquête de grande ampleur pour récolter des données de façon scientifique sur le bien être des personnes LGBT+ étudiantes et ainsi proposer aux universités des mesures concrètes adaptées aux problématiques qui sont les leurs. Le questionnaire s’adresse à tou.te.s les étudiant.e.s de France. Chloé, 26 ans, responsable prévention au Caélif, prend la parole pour expliquer l’importante de participer à cette enquête et l’objectif qu’il y a derrière. 

Le constat est simple : il y a un réel manque de données précises sur la santé, le bien-être et le vécu des jeunes LGBTI+, et plus particulièrement des étudiant·e·s LGBTI+. Certaines données existent déjà sur les personnes LGBTI+ en général, toutes tranches d’âge et toutes conditions sociales confondues, mais jusque-là, il n’y avait pas vraiment eu de questionnaires assez généraux adaptés aux étudiant·e·s et à leurs conditions de vie spécifiques.

Nous avons donc lancé une enquête approfondie sur le bien-être des étudiant·e·s LGBTI+, grâce à un financement de la Dilcrah. Cela a été l’occasion de nous lancer dans un travail solide et de faire d’un projet associatif quelque chose de plus scientifique.

Vulnérabilité

Être étudiant.e, c’est pour beaucoup de personnes être vulnérable : ne pas forcément avoir beaucoup d’argent, être dépendant.e des bourses, connaître des difficultés de logement… Nombreux.ses sont ceux.celles qui font l’expérience d’une certaine forme de précarité. Et lorsque l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou la variation intersexe viennent s’ajouter à des conditions précaires, c’est une vulnérabilité supplémentaire qui vient peser.

Cette question de la vulnérabilité est justement une problématique que nous aimerions étayer à partir de nos résultats, pour éviter de tomber dans les lieux communs. On part du principe qu’être une personne LGBTI+ peut être un facteur de vulnérabilité lorsque l’on est étudiant.e en raison de difficultés en lien avec les parcours familiaux, le milieu étudiant, l’expérience des discriminations… La période étudiante correspond pour beaucoup à un moment charnière où on a envie de plus d’indépendance mais où on reste souvent soumis.e à des pressions financières, on se maintient dans le système scolaire, la dépendance à la famille peut rester forte… Si ça ne se passe pas bien avec la famille, que l’on est dans une situation de rejet par exemple, mener à bien ses études peut devenir plus compliqué. Nous voulons voir dans quelle mesure les difficultés rencontrées par un.e étudiant.e LGBTI+ vont avoir un impact sur ses études et ses conditions de vie.

Par et pour les personnes concernées

Nous avons travaillé un peu plus de six mois pour élaborer ce questionnaire. En tant que personnes concernées et pour les personnes concernées. Il fallait construire quelque chose qui soit accessible à tout le monde, d’où l’importance d’avoir fait appel à des personnes LGBTIQ+, des militant.e.s, des spécialistes des sujets abordés ou bien des personnes hors-milieu pour garantir sa dimension inclusive. C’est donc un questionnaire qui s’adapte à différents profils avec des questions personnalisées. Le point nouveau, c’est qu’il s’agit d’un questionnaire qui tente de prendre en compte l’ensemble des identités LGBTI+, et en particulier des personnes trans et intersexes, personnes sur lesquelles on a très peu de données. Certaines questions ont donc été rédigées avec l’aide de membres du Collectif Intersexes et Allié.e.s (CIA).

Sur la prévention pour les jeunes LGBTI+, deux volets nous intéressaient : la prévention en santé sexuelle et la prévention en santé mentale. On observe, par exemple, des taux assez élevés de déprime et de dépression, et ce plus encore pour les lesbiennes que pour les gays, sans parler des personnes trans. La consommation de psychotropes est aussi plus importante chez les lesbiennes que dans le reste de la population féminine. Nous voulons mieux comprendre les causes de ce mal-être. Il faut donc interroger non seulement le rapport à la famille mais aussi le vécu des discriminations et voir comment les données peuvent se croiser, d’où des questions sur les discriminations intersectionnelles. Nous posons également des questions sur la vie amoureuse, son vécu et les violences au sein du couple, qui ne sont pas toujours forcément explicites.

Des propositions claires et étayées

Idéalement, nous aimerions atteindre les 3 000 répondant.e.s et toucher le plus de monde possible dans le pays. Ensuite, la base de données va être confiée à une statisticienne qui a déjà mené des enquêtes sur les jeunes. Un premier bilan statistique sera dressé et nous ferons peut-être des appels d’offre pour des étudiant.e.s qui voudraient faire leur mémoire sur le sujet.

À partir de tout ce travail d’analyse, nous diffuserons les résultats, le but affiché étant d’écrire un livre blanc avec des propositions, tirées de l’analyse des résultats. Ça pourra être des choses assez simples, comme donner à toutes les universités et établissements de l’Enseignement supérieur une liste d’associations qui peuvent venir en aide aux personnes vulnérables. Il s’agira surtout d’opérer un travail d’information au niveau de ces institutions, de leur proposer de mettre en place des choses concrètes et simples qui seraient appuyées par nos résultats obtenus de façon scientifique. Nous allons ainsi pouvoir faire des propositions claires et étayées, et adapter davantage les ateliers de prévention.

Propos recueillis et édités par Philippe Peyre

Pour participer à l’enquête du Caélif, c’est ici