Le combat d'un couple de lesbiennes pour appeler leur fils Ambre, prénom jugé trop féminin par la justice

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Après validation par une juge aux affaires familiales au mois de juillet, le parquet a finalement fait appel de la décision au motif d'un prénom jugé trop féminin. Alice Gondelle et son épouse dénoncent un « acharnement » et s'interrogent quant à un potentiel acte discriminatoire.

Un nourrisson portant son bracelet de naissance (illustration) - ESB Professional / Shutterstock
Un nourrisson portant son bracelet de naissance (illustration) - ESB Professional / Shutterstock

« Nous sommes une famille qui demande juste à vivre en paix. » Depuis la naissance de leur fils, le 9 janvier 2018, Alice Gondelle et son épouse sont empêtrées dans un bras de fer judiciaire dont elles se seraient bien passées. En cause : le choix du prénom Ambre qu’elles ont voulu donner à leur fils. « On a eu un coup de cœur pour ce prénom pendant la grossesse, quand on a su que c’était un garçon, nous nous sommes s’est beaucoup renseignées et nous avons vu qu’il a été donné à des garçons au début du siècle », a expliqué Alice Gondelle à Komitid. « Ce n’est pas un prénom inventé, c’est classique, doux. On ne s’était pas posé la question, on a été trop naïves sur la façon dont allait réagir la société. »

Au moment du dépôt de la déclaration de naissance à la mairie de Lorient (Morbihan), un officier d’état civil fait un signalement auprès de la procureure de la République, considérant que ce prénom, « usuellement féminin », pourrait entretenir une confusion du genre de l’enfant.

« La juge a pourtant reconnu la mixité du prénom Ambre »

Les deux femmes, habitante d’Etel, ont été assignées à comparaître fin juillet devant une juge aux affaires familiales qui leur a accordé ce choix, déboutant ainsi la demande du parquet de suppression du prénom à l’état civil. Mais la procureure de la République de Lorient, Laureline Peyrefitte, a ensuite décidé de faire appel de la décision.

« On n’a réellement pas compris », explique Alice Gondelle. « La juge a pourtant reconnu la mixité du prénom Ambre, reconnu qu’il était principalement attribué à des filles, mais que cela ne constituait pas d’excuse justifiable pour ne pas l’attribuer à un garçon, d’autant plus que c’est de la même famille que Ambroise et que des garçons se prénomment déjà ainsi donc aucune raison de supprimer le prénom de l’état civil de notre fils », poursuit-elle. Contacté par Komitid, le parquet n’a pas donné suite à notre demande d’interview. Dans Le Télégramme, la procureure s’est expliquée : « Le parquet a fait appel de la décision puisque le jugement l’a débouté de sa demande, alors que le ministère public considère que le choix du prénom est contraire à l’intérêt de l’enfant ».

« C’est très difficile d’envisager un autre prénom »

Cet appel de la procureure de la République de Lorient place Alice et sa compagne dans une situation difficile : leur dossier pourrait ne pas être examiné par la 6ème Chambre de la Cour d’appel avant le mois de mars 2019, selon les estimations du couple, qui dès lors, pourrait ne pas être fixé avant la fin de l’année prochaine. Ont-elles songé à changer le prénom de leur fils ? « C’est très difficile d’envisager un autre prénom », confie Alice. « Si on avait eu à changer on l’aurait fait, mais dans les six premiers mois. Maintenant il commence à reconnaître son prénom. On gardera Ambre même si on nous force à changer, on ne change pas le prénom d’un enfant à ses deux ans ».

Face à cette situation, le couple ne peut s’empêcher de s’interroger sur un potentiel motif lesbophobe derrière cette bataille judiciaire. D’autant qu’un élément troublant vient s’ajouter au dossier : un post-it manifestement oublié sur la déclaration de naissance déposée en mairie. On y voit un pictogramme « Attention » accompagné d’une note indiquant « couple féminin marié ». Komitid a pu se procurer une copie de ce document auprès de l’avocate du couple, Maître Catherine Corfmat :

Déclaration de naissance de Ambre

Déclaration de naissance de Ambre

 

« On se demande si un couple hétérosexuel aurait eu tous ces problèmes »

Comment interpréter cette annotation ? « Cela nous met vraiment le doute, on se demande si un couple hétérosexuel aurait eu tous ces problèmes », s’interroge Alice Gondelle. « Nous ne déclarons pas ça comme de l’homophobie, mais ça nous questionne tout simplement. Certaines personnes ont du mal avec ce côté féminin/masculin et veulent séparer radicalement les genres. », poursuit la mère de 32 ans.

Pour leur avocate, ce post-it oublié est « très interpellant » : « Mais cela ne peut être attribué, à mon sens, au service d’état civil et ne saurait laisser penser que le motif de l’appel par Madame le procureur de Lorient serait également le fait qu’un couple de femmes veuille donner un nom de fille à leur garçon », explique Me Corfmat. « La motivation du Parquet ne se fonde aucunement sur un tel motif mais sur le fait qu’un prénom qu’il considère comme étant exclusivement féminin, ce qui est faux, ne saurait être donné à un garçon car contraire à son intérêt. S’il y a un autre motif, il n’apparaît pas. », poursuit-elle.

Stand-by

Une chose est sûre, l’affaire place Alice et sa compagne dans un entre-deux judiciaire. Jusqu’à ce jeudi 13 septembre, la mairie refusait au couple de leur délivrer un livret de famille, ce qui empêchait les jeunes mamans d’amorcer toute demande d’adoption par la conjointe. Selon les informations transmises à Komitid par leur avocate, la procureure a finalement demandé ce jour que la mairie leur délivre un livret de famille. Pour autant, impossible de lancer une demande d’adoption. « Le notaire ne veut pas à partir du moment où on n’a pas de manière définitive le prénom de l’enfant car c’est trop compliqué administrativement », nous explique Me Corfmat.

De son côté, le couple a lancé un appel via Facebook dans lequel il invite les parents de garçons prénommés Ambre à se tourner vers lui. « Une maman d’un petit Ambre nous a contactées, ça va nous aider pour j’espère gagner et en finir avec cette histoire », confie Alice qui veut rester optimiste.

  • phil86

    Les juges qui ont beaucoup trop de pouvoir dans des domaines qui ne les concerne pas. L’état civil doit être déjudiciarisé.

  • phil86

    La justice n’a pas à se mêler de ça. Il faut déboulonner les juges.

  • expat

    Et le choisir en 2ème prénom ça ne leur est pas venu à l’idée, au lieu de payer des frais d’avocat ? Ben non, bien-sûr mieux continuer à enrichir l’avocate. Pourtant appelé leur fils Ambre en 2ème prénom éviterait ce genre de procédure qui coûte une fortune. Les avocats adorent se faire du fric.

  • keewee

    Mais enfin… en plus, c’est un mot masculin…