« Un an après sa naissance, j'ai enfin pu adopter mon fils »

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Alors que son fils Adam est né le 1er février 2017, Noémie n'a été reconnue comme sa mère que près d'un an après, en janvier 2018, après une longue procédure d'adoption. Une démarche « ridicule », non adaptée aux spécificités des familles homoparentales, qu'elle a accepté de retracer pour Komitid.

Noémie et Adam, son fils / droits réservés
Noémie et Adam, son fils / droits réservés

Noémie et Marjorie se sont rencontrées en 2012. Dès le départ, ces deux Lyonnaises avaient la volonté commune d’avoir un enfant. C’est en 2015 qu’elles se sont lancées dans un parcours de procréation médicalement assistée (PMA). 15 mois plus tard, Marjorie est tombée enceinte et a donné naissance au petit Adam le 1er février 2017. Noémie, elle, n’ayant aucun lien biologique avec l’enfant, n’a été reconnue comme la mère d’Adam qu’un an plus tard, en janvier 2018, après une procédure d’adoption. Pour Komitid, elle revient sur ce parcours long et difficile pour adopter son propre enfant.

Au lendemain de la naissance d’Adam, nous avons pris rendez-vous chez le notaire pour que ma femme signe le consentement à l’adoption. Elle seule pouvait m’autoriser à l’adopter. Il a ensuite fallu attendre deux mois pour que le notaire puisse établir une attestation de non-rétractation. Deux mois pendant lesquels mon épouse pouvait revenir sur sa décision de me laisser adopter notre enfant. Ensuite, j’ai demandé à deux de mes collègues, des membres de ma famille et d’autres personnes de mon entourage de fournir des attestations pour qu’ils assurent que oui, je suis bien la maman d’Adam. Une dizaine en tout. C’est horrible, je l’ai très mal vécu. C’est humiliant de devoir demander à des gens de bien vouloir témoigner que je suis la mère de mon fils.

Au tribunal de grande instance (TGI) de Lyon, il y a la particularité de devoir attendre les six mois de l’enfant avant de poser une demande d’adoption. Ils confondent avec l’adoption plénière d’un pupille de l’État, alors que c’est bien écrit dans le Code civil que cela ne concerne pas l’adoption intraconjugale. Mais bon, dans les TGI, ils sont un peu tout puissants, donc on a choisi d’attendre. Je ne voulais pas prendre le risque que mon dossier soit mis de côté. Après six mois et un jour, dès le mois d’août, j’étais donc au tribunal pour déposer le dossier de demande d’adoption.

« Fillon ou Le Pen, c’était le risque de ne pas pouvoir adopter mon fils »

Ensuite, c’est l’attente. L’attente que le procureur émette un avis, première étape à franchir avant celle du juge. Un peu avant Noël, n’ayant toujours aucune nouvelle, j’ai appelé. Ils m’ont dit que le procureur avait émis un avis favorable à ma requête. Ouf. Ne restait plus qu’à attendre la validation par le juge. Et là, un samedi matin de janvier 2018, j’ai reçu un recommandé du tribunal pour me dire que mon fils était mon fils. Oui, un an après sa naissance, j’ai adopté mon propre fils. J’ai pleuré de soulagement, voyant toutes ces années défiler. À partir du moment où on a voulu un enfant, on a fait que se battre. Se battre pour Adam, pour que notre famille soit reconnue, qu’elle ne soit plus en danger. Ne plus avoir peur lors d’une élection présidentielle en se demandant sans cesse si notre famille pourra être reconnue. Fillon ou Le Pen, c’était le risque de ne pas pouvoir adopter mon fils. Sans savoir dans quelle mesure ils auraient pu changer la loi, ils en avaient la ferme volonté.

« Être parent, ce n’est pas juste donner ses gamètes »

Si je ne suis reconnue aux yeux de l’État français comme la mère d’Adam que depuis le mois de janvier 2018, j’ai commencé à l’être dès lors que nous avons nourri ce projet, avant même sa naissance. À son deuxième jour, lorsque je suis revenue le lendemain matin à la maternité et que je l’ai pris dans mes bras, je me suis vraiment sentie dans un rôle de mère. J’étais sa maman, pas autre chose. Être parent, ce n’est pas juste donner ses gamètes, c’est se lever la nuit quand il pleure, s’inquiéter pour lui, subvenir à ses besoins… Sauf que pendant un an, je n’étais pas reconnue comme telle. Et avec les risques que cela engendre, aussi bien pour moi qui aurait pu être séparée de lui, que pour lui qui aurait pu se retrouver en situation précaire si, du jour au lendemain, j’avais décidé que finalement ce rôle ne m’allait pas. J’aurais très bien pu partir et ma femme n’aurait pas pu me demander la moindre pension alimentaire. Ainsi, j’aurais pu laisser Adam être élevé dans une situation difficile. Les risques sont donc de tous les côtés. Heureusement, nous sommes très complices avec mon épouse et nous avons une confiance très solide l’une envers l’autre. Ces risques planaient mais je n’avais pas peur non plus. Pour autant, j’avais hâte que l’adoption soit prononcée, et être certaine que ces risques n’existent absolument plus.

« Pourquoi je ne suis pas satisfaite de la loi Taubira »

Tout ce parcours montre pourquoi je ne suis pas satisfaite de la loi Taubira. Les choses ont été faites à moitié. Il manque la présomption de parentalité, c’est à dire que l’on puisse déclarer nos enfants parce qu’ils sont nos enfants, sans avoir à passer l’adoption. Cette démarche n’est absolument pas adaptée à nos familles. On nous jette quelques droits, mais sans prendre en compte les spécificités de nos familles. L’adoption intraconjugale est faite pour les couples qui se marient alors qu’un des conjoints avait déjà un enfant avant. Tout ce qu’il y a à faire est complètement ridicule. On m’a par exemple demandé une photo qui montre l’attachement dans la durée. Comme si j’étais arrivée après sa naissance. J’ai mis une photo d’Adam et moi, mais concrètement c’était la photo d’un adulte avec un bébé, ça aurait pu être n’importe qui d’autre. Je l’ai fait parce que c’était demandé, mais ça montre que ça n’est pas adapté.

Le fait d’être mariées depuis 2014 ne suffit pas à montrer qu’un enfant né en 2017 est issu de la volonté des deux parents. On ne demande pourtant pas à un homme de prouver sa paternité biologique. Et heureusement. On a quand même le droit en tant que femme de savoir avec qui on a envie d’élever son enfant. Pas une femme lesbienne. Elle ne peut pas décider que la femme avec qui elle s’est mariée trois ans avant est la deuxième maman. Alors que si elle rencontrait n’importe quel mec dans un bar qui acceptait de reconnaître l’enfant, ça ne poserait aucun problème, et c’est là toute l’hypocrisie autour de cette loi.

Propos recueillis par Philippe Peyre