Françoise Dolto, révolutionnaire mais homophobe

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La grande psychanalyste, à qui l'on doit d'avoir pensé l'enfant comme un individu à part entière, a également permis de diffuser largement l'idée que l'on ne nait pas homo mais qu'on le devient...à cause des parents.

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Françoise Dolto en séance - Capture / Vimeo

La pédopsychiatre et psychanalyste Françoise Dolto est morte il y a trente ans, le 25 août 1988. Révolutionnaire, la grande dame a pensé l’enfant d’après-guerre et de 68 comme un individu à part entière : une personne qui pense indépendamment, à qui l’on ne doit pas cacher la vérité qu’il ou elle ressent de toute façon.

Une vision nouvelle de l’enfance, qui s’accompagne d’une autre révolution, celle de penser l’adolescence comme autre chose qu’un simple entre-deux, avec ce qu’elle appelle le « complexe du homard ». Bien évidemment, elle a été accusée d’être à l’origine d’une supposée ère de l’ « enfant-roi », par une frange de conservateurs et conservatrices.

Et cette engeance-là, Françoise Dolto la connait bien : elle a été élevée dans une famille catholique, monarchiste et d’extrême-droite. Malgré les réticences de sa mère – et de toute une société patriarcale – à voir les femmes briller ailleurs que dans une cuisine, Françoise Dolto soutient sa thèse en 1939, dans la droite ligne de la pensée freudienne.

Autant dire que la dame en a fait du chemin pour devenir une experte dans un milieu misogyne et rétrograde comme la psychiatrie de l’après-guerre, allant jusqu’à soutenir la dépénalisation de l’avortement (avant de condamner ensuite la « désymbolisation du foetus » et «  les effets de l’avortement ravageurs dans l’inconscient des jeunes filles et femmes »).

« Prendre le mal à la source » : La révolution a ses limites

Bien que favorable à la dépénalisation de l’homosexualité, la psychanalyste si précurseure dans d’autres domaines ne prend aucune distance vis-à-vis de la cis-hétéronormativité : en cela, Madame Dolto a suivi la machine freudienne, où chaque sexe a sa case (et attention à pas déborder). Un papa, une maman, il ne faut pas mentir aux enfants.

Certes c’était à l’époque de l’ORTF, mais France Info évoque dans un article des propos de Françoise Dolto dans une émission radio, La Tribune de Paris, sur l’éducation sexuelle des enfants, le 6 juin 1950.« À propos de l’homosexualité et de la pédérastie, nous remarquons que tous les hommes qui en souffrent ou qui ont cette attitude sont des hommes qui sont fixés affectivement beaucoup trop étroitement à leur mère », avait-elle dit à l’antenne.

François Dolto a donc participé à installer l’adage homophobe érigé en vérité générale qu’un homosexuel (homme cisgenre, bien entendu) a de toute évidence des relations troubles avec sa mère.

« Si l’homosexuel est ce qu’il est, c’est la faute des parents »

En 1987, invitée dans l’émission phare les Chemins de la connaissance lors d’une table ronde sur l’homosexualité, Françoise Dolto explique la « construction homosexuelle » par le biais de l’identité de genre : si la petite fille est lesbienne c’est parce que son père l’a pensée en garçon, lui donnant une force « active » (masculine) plus que « réceptive » (féminine). GLOUPS. Quelques mois plus tard, rebelote dans les colonnes du Nouvel Observateur quand elle s’exprime sur la psychiatrisation des personnes gays et lesbiennes.

Elle est contre, mais pas pour les bonnes raisons  : « Si l’homosexuel est ce qu’il est, c’est la faute des parents. À vouloir soigner l’homosexuel, on oublie de prendre le mal à sa source. L’homosexualité est toujours le résultat d’une évolution psychique entravée par des difficultés familiales : mère phallique autoritaire, père trop sensible, trop sentimental à l’égard de l’enfant. Les parents doivent aider l’enfant à déterminer son rôle futur, à se diriger vers une option génitale réceptrice pour la fille, émettrice pour le garçon. »

« Si elle a pris ces positions-là, il faut la critiquer »

Dans un entretien dans les pages du Monde, la psychanalyste Élisabeth Roudinesco évoque les positionnements homophobes de Dolto comme révélateurs d’une époque, mais rappelle que le contexte de l’époque n’excuse pas tout : « Il y a les deux choses chez Françoise Dolto. Elle avait de temps en temps des paroles épouvantables, des dérapages. Elle parlait beaucoup et beaucoup trop, et donc il faut faire le tri. L’hostilité à l’homosexualité existe fortement dans le milieu psychanalyste, non pas à l’homosexualité, mais à sa catégorisation comme perversion, ce qu’elle n’est pas. (…) Je crois qu’elle ne vient pas de Françoise Dolto spécifiquement. Elle vient en effet du fait que les psychanalystes et la psychanalyse sont deux choses différentes. Mais ils n’ont pas été les seuls à être hostiles, il y en a beaucoup d’autres. Et si elle a pris ces positions-là, il faut la critiquer. Mais au cas par cas, quand Dolto avait affaire à un sujet sur le plan clinique, elle n’obéissait pas à une idéologie précise. Elle n’était pas tributaire d’un dogme. C’est sa grandeur. Elle a pu dire des bêtises, mais si elle avait eu affaire à des cas particuliers, elle les aurait tranchés dans le sens le meilleur, je pense ».

  • badinguet

    donc c’est de sa faute si son fils carlos était homosexuel !!!