L'ambassadeur aux droits LGBT+ Jean-Marc Berthon n'est pas le bienvenu au Cameroun

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Jean-Marc Berthon, ambassadeur pour les droits des personnes LGBT+, ne pourra pas se rendre la semaine prochaine au Cameroun pour évoquer les questions de genre.

Jean-Marc Berthon, ambassadeur des droits LGBT+ - Capture d'écran / Twitter
Jean-Marc Berthon, ambassadeur des droits LGBT+ - Capture d'écran / Twitter

Camouflet diplomatique pour la France et pour son ambassadeur aux droits des personnes LGBT+, Jean-Marc Berthon.

Ce dernier, nommé en octobre dernier à ce poste, devait en effet se rendre au Cameroun entre le 27 juin et le 1er juillet, pour parler des questions de genre et participer à des rencontres avec la société civile, au sein de l’Institut français du Cameroun, qui dépend de l’ambassade de France.

Mais c’était compter sans la réaction outrée des autorités camerounaises, qui dans un courrier du ministères des Affaires extérieures que nous avons pu consulter, a « exprimé ses réserves », en rappelant l’article de loi qui qualifie de crime le fait de parler des personnes LGBT au Cameroun.

Pour s’opposer à la venue du diplomate, les autorités camerounaises s’appuient sur une lecture très large du code pénal. Elles font précisément référence à l’article 347-1 qui dit ceci : « Est punie d’un emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans et d’une amende de vingt mille (20 000) à deux cent mille (200 000) francs, toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe. ». 

Et elles en tirent la conclusion, écrite en caractère gras dans leur courrier, qu’il « n’est donc pas possible de parler de personnes LGBT+ au Cameroun ». 

Cette opposition ferme a été rappelée dans un langage beaucoup moins diplomatique dans une notre verbale adressée à l’ambassade de France à Yaoundé et dans laquelle on peut lire : « A l’honneur de lui signifier son opposition pour toutes activités initiées et programmées par M. Jean-Marc Berthon, au Cameroun, à ce sujet […] ».

C’est donc une fin de non recevoir à la visite de l’ambassadeur qui a été signifiée.

Suite à cette prise de position, des groupes politiques et religieux ont opportunément approuvé la position des autorités. L’Alliance des évangéliques du Cameroun a dénoncé « les anti valeurs diffusées par la propagande des mouvements LGBT dans le monde en général et au Cameroun en particulier. » Un discours repris mot pour mot par le Mouvement démocratique pour la Défense de la République.

Il y a quelques semaines, les pouvoirs publics camerounais avaient franchi un nouveau cap en menaçant de suspendre des chaînes de télévision qui diffusent « des scènes d’homosexualité ».

Cet incident, qui risque aussi de fragiliser les associations et les militants sur place, illustre encore une fois l’instrumentalisation des questions LGBT menée sur le continent africain par des Etats qui ont du mal à satisfaire les besoins vitaux de leur population (accès à l’éducation, à la santé, aux droits fondamentaux) et ont trouvé dans les personnes LGBT un bouc-émissaire idéal. Avec en coulisse des alliés de taille, et en premier lieu la Russie, qui depuis plus d’une décennie, applique sur son sol des mesures LGBTphobes de plus en plus dures.

Mais des militants s’interrogent : était-il vraiment opportun de nommer un ambassadeur aux droits des personnes LGBT+, un poste très officiel et très visible, ce qui allait forcément l’exposer à ce genre d’incident, quand une fonction peut-être moins prestigieuse lui aurait permis de faire un travail plus efficace ?

Si l’on regarde l’activité de Jean-Marc Berthon, à travers son compte Twitter, on peut constater qu’il fait le job. ll communique très régulièrement et parfois sur des sujets d’actualité. Mais ce qui frappe, c’est qu’il parle le plus souvent aux convaincus, celles et ceux qui vivent dans des pays où les droits des personnes LGBTI+ sont reconnus.

On sait que la diplomatie a besoin de discrétion mais quelle est réellement sa marge de manœuvre face aux intérêts économiques et politiques du pays ?

Récemment, Emmanuel Macron a reçu en grandes pompes Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite. L’un des onze pays qui condamnent les personnes LGBT à mort. On n’a pas lu ou entendu de commentaire de la part de l’Elysée sur la situation des personnes LGBT dans ce royaume. Emmanuel Macron n’a pas non plus réagi ouvertement suite à la promulgation par le président ougandais de la loi anti-homosexualité, à la différence de Joe Biden, le président des Etats-Unis.

Nous avons sollicité une interview mais à l’heure où nous publions cet article, Jean-Marc Berthon n’y a pas répondu.