Ouganda : inquiétude et indignation après la promulgation d'une loi « anti-homosexualité »

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L'annonce de la promulgation d'une nouvelle loi prévoyant de lourdes peines pour les relations homosexuelles et la « promotion » de l'homosexualité en Ouganda a suscité indignation, condamnation et inquiétude.

Drapeau LGBT et drapeau ougandais
Drapeau LGBT et drapeau ougandais - Lex0077 / Shutterstock

L’annonce de la promulgation d’une nouvelle loi prévoyant de lourdes peines pour les relations homosexuelles et la « promotion » de l’homosexualité en Ouganda a suscité lundi indignation et inquiétude parmi les organisations de défense des droits humains et de santé mais aussi de la part de plusieurs gouvernements et chefs d’Etat.

La présidence ougandaise a annoncé que le chef de l’Etat, Yoweri Museveni, avait “approuvé” le texte qui “devient désormais la loi anti-homosexualité 2023”.

La nouvelle a ravivé les craintes déclenchées en mars par le vote initial du projet de loi, qualifié alors par le chef du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), Volker Türk, de « texte discriminatoire —probablement le pire au monde en son genre ».

Le HCDH s’est dit lundi 29 mai « consterné » de voir entrer en vigueur ce projet de loi « draconien et discriminatoire », « contraire à la Constitution et aux traités internationaux », qui ouvre la voie à « des violations systématiques des droits des personnes LGBT ».

La loi « anti-homosexualité » promulguée en Ouganda constitue une « atteinte tragique  » aux droits humains et doit être abrogée, a estimé lundi 29 mai le président des Etats-Unis Joe Biden, évoquant de possibles conséquences sur l’aide et les investissements des Etats-Unis dans le pays.

La directrice adjointe pour l’Afrique de l’ONG Human Rights Watch, Ashwanee Budoo-Scholtz, a dénoncé une « loi discriminatoire » et « un pas dans la mauvaise direction » dans une déclaration à l’AFP.

« Consterné »

« Le gouvernement du Royaume-Uni », ex-puissance coloniale dont l’Ouganda a déclaré son indépendance en 1962, « est consterné que le gouvernement ougandais ait signé la loi anti-homosexualité profondément discriminatoire », a déclaré le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Andrew Mitchell dans un communiqué.

« Cette loi sape les protections et libertés de tous les Ougandais garanties par la Constitution » du pays, a-t-il poursuivi.

Ce texte « augmentera les risques de violences, de discriminations et de persécutions, fera reculer la lutte contre le sida et abîmera l’image de l’Ouganda sur la scène internationale », a-t-il ajouté.

Le texte avait été amendé à la marge par les parlementaires, à la demande du président Museveni. Les élus avaient notamment précisé que le fait d’être homosexuel n’était pas un crime mais que seules les relations sexuelles entre personnes de même sexe l’étaient.

Dans ce pays d’Afrique de l’Est où l’homosexualité est illégale, les « actes d’homosexualité » sont passibles de prison à perpétuité depuis une loi datant de la colonisation britannique.

Mais les parlementaires ont maintenu une disposition faisant de « l’homosexualité aggravée » un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés à mort. En Ouganda, la peine capitale n’est plus appliquée depuis des années.

 

« Entrave »

Une disposition sur la « promotion » de l’homosexualité inquiète les organisations de défense des droits des homosexuels.

Selon le texte, quiconque – particulier ou organisation – « promeut sciemment l’homosexualité » encourt jusqu’à 20 ans de prison. S’il s’agit d’une organisation, elle risque dix ans d’interdiction.

« Nous nous sentons tellement, tellement, tellement inquiets. Cette loi va faire beaucoup de mal à la communauté LGBTQ ougandaise », a déclaré à l’AFP le directeur exécutif de Sexual Minorities Uganda, organisation de défense des droits des personnes LGBT dont les activités ont été suspendues par les autorités l’année dernière.

Il dit redouter « une justice populaire et des arrestations massives » et envisage, avec d’autres organisations, de la contester devant la justice.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a jugé lundi « déplorable » la promulgation en Ouganda de cette loi.

« Le gouvernement ougandais a l’obligation de protéger tous ses citoyens et de faire respecter leurs droits fondamentaux. S’il ne le fait pas, les relations avec les partenaires internationaux s’en trouveront compromises », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Cette loi suscite également l’inquiétude des organisations humanitaires.

« Les progrès de l’Ouganda dans sa riposte au VIH sont désormais gravement compromis », ont affirmé dans un communiqué trois organisations humanitaires, dont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et l’agence humanitaire américaine USAID.

Le texte « entravera l’éducation sanitaire et la sensibilisation qui peuvent aider à mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique », préviennent-elles.

« Restés fermes »

Un député ougandais à l’initiative du texte a affirmé lundi s’attendre à des sanctions des pays occidentaux. « Ils vont couper des aides à l’Ouganda », a déclaré Asuman Basalirwa à la presse, estimant qu’il fallait trouver de nouveaux « partenaires de développement », notamment dans le monde arabe.

La présidente du Parlement, Anita Among, s’est félicitée de la promulgation du texte par M. Museveni, qui qualifie lui-même l’homosexualité de « déviance ».

« En tant que Parlement ougandais, nous avons tenu compte des préoccupations de notre peuple et légiféré pour protéger le caractère sacré de la famille (…) Nous sommes restés fermes pour défendre la culture, les valeurs et les aspirations de notre peuple », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Cette loi bénéficie d’un large soutien populaire et les réactions d’opposition ont été rares dans ce pays dirigé d’une main de fer depuis 1986 par Yoweri Museveni.

L’homophobie est répandue en Ouganda, comme dans le reste de l’Afrique de l’Est.

S’il n’y a pas eu de poursuites récentes pour des actes homosexuels, harcèlement et intimidations sont le quotidien des personnes LGBT en Ouganda, où s’est développé un christianisme évangélique véhément à l’égard du mouvement LGBT.

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