Les "Crevettes pailletées" en Ukraine pour dénoncer l'homophobie en Russie

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Comédie grand public contre l'homophobie et les préjugés, les "Crevettes Pailletées" reviennent en salles, avec un programme percuté par l'actualité : le nouvel opus, qui dénonce l'homophobie en Russie, a été tourné en Ukraine, avant l'invasion.

Affiche "La revanche des crevettes pailletées" - capture d'écran
Affiche "La revanche des crevettes pailletées" - capture d'écran

La Revanche des crevettes pailletées, qui sort le 13 avril en salles, reprend l’improbable formule qui avait fait le succès du premier volet, attirant près de 600.000 spectateur·ices en 2019 : une comédie qui se revendique film “LGBT” mais s’adresse à tous, inspirée de la véritable histoire d’une équipe gay de water-polo basée à Paris.

Après avoir levé le tabou de l’homosexualité dans le sport, les réalisateurs, Maxime Govare et Cédric Le Gallo, joueur de water-polo à l’origine de l’aventure, se sont voulus encore plus politiques, avec un film abordant des questions aussi brûlantes que l’homophobie d’Etat ou les crimes homophobes. Ils n’imaginaient pas être rattrapés par l’actualité : le film a été tourné en Ukraine, avec une équipe “à 80 % locale”.

“Tourner en Russie, c’était impossible à cause de la loi qui interdit la propagande LGBT”, explique à l’AFP Maxime Govare. “Filmer deux hommes qui s’embrassent dans la rue, cela nous aurait tous conduit en prison”.

A l’époque, l’Ukraine est prisée pour son cadre rappelant la Russie, les facilités de tournage pour des équipes occidentales en plus. Personne n’osait imaginer une invasion russe. Aujourd’hui, une actrice du film se terre avec ses enfants dans le métro de Kharkiv, des techniciens ont pris les armes, certains ont fui en France, où l’équipe appelle à la solidarité du métier pour leur trouver du travail…

Thérapies de conversion

Pour les réalisateurs, au-delà de l’homophobie, les “crevettes pailletées” sont un hymne à la liberté en général, et le lien est à leurs yeux évident avec la situation actuelle de l’Ukraine.

“Le film raconte comment Poutine oppresse la communauté LGBT” (lesbiennes, gays, bisexuels, trans), relève Cédric Le Gallo, qui raconte s’être habitué à faire entonner “Slava Ukraïni” (gloire à l’Ukraine), à l’issue des séances d’avant-première en France. “Aujourd’hui, Poutine oppresse le monde entier, donc ça résonne particulièrement”.

De fait, cette comédie dresse un portrait sans appel du pays de Vladimir Poutine, où les violences visant les gays sont fréquentes. La Russie a introduit en 2013 sa loi contre la “propagande” homosexuelle auprès des mineurs, ce qui a servi de prétexte pour interdire des marches des Fiertés et l’affichage de drapeaux arc-en-ciel.

C’est dans cet univers que débarque la bande de joyeux drilles des “Crevettes Pailletées”, rejoints par un nouveau personnage, Sélim (Bilal El Atreby), un jeune hétéro pétri de préjugés. L’équipe de water-polo arc-en-ciel, qui se rendait aux Gay Games à Tokyo rate sa correspondance et se retrouve coincée en terre hostile.

Tandis que certains se terrent à l’hôtel, d’autres se risquent à l’extérieur. Mais en Russie, la recherche d’une boîte gay pour faire la fête ou d’un plan d’un soir sur une application de rencontre peuvent tourner au cauchemar.

Les “Crevettes” vont devoir fuir de redoutables “chasseurs de gays”, qui tabassent des gays au coin des rues, et découvrir l’enfer des “thérapies de conversion”, un programme mis en place dans un centre de détention pour les “soigner” de leur orientation sexuelle.

“On s’est amusés à mettre des homosexuels dans le pays des homophobes”, relève Cédric Le Gallo, mais le film, entre comédie d’aventure et comédie musicale, entend frapper plus large : les “thérapies de conversion” ne sont interdites pénalement que depuis janvier 2022 en France, rappelle-t-il.

“Vouloir laver le cerveau de gens qui veulent vivre leur vie et ne font absolument de mal à personne (…) c’est un sujet universel”, embraye Maxime Govare, qui espère que le film provoque un “choc entre légèreté et gravité”.

Les deux réalisateurs ont un rêve : voir le conflit cesser et projeter leur film en Ukraine, ce qui était prévu avant la guerre. “Le plus tôt sera le mieux”, espèrent-ils.