« Classés X » en Hongrie, les personnes LGBT+ croisent le fer avec Orban

Publié le

Viktor Orban, défenseur en Europe des valeurs « illibérales », a pris au fil des ans plusieurs mesures jugées « homophobes », dénoncées par les ONG comme attisant la haine dans la population.

Un cœur de 10 mètres de haut devant le Parlement de Budapest, en Hongrie - Capture Amnesty International

La loi sur l’homosexualité adoptée cet été en Hongrie a déjà des conséquences pour la communauté LGBT+, bien décidée à réagir, alors que Viktor Orban persiste et signe à quelques mois des élections législatives.

Pour Janos Szakacs, qui gère une librairie indépendante à Budapest, l’entrée en vigueur en juillet de ce « texte stupide » voulu par le Premier ministre nationaliste apporte surtout une charge de travail inutile.

Accueilli par un concert de critiques, il interdit d’évoquer auprès des mineurs « le changement de sexe et l’homosexualité », dans un amalgame avec la pornographie et la pédophilie dénoncé par ses détracteurs.

« Je dois mettre des livres sous emballage et les séparer des autres », souffle le commerçant à l’AFP dans son magasin.

« Le pays des contes pour tous », un recueil inclusif désormais célèbre qui avait rendu gay le prince charmant, à l’origine de la fureur de M. Orban, est placé loin des mains des bambins, tout en haut d’une étagère.

Pour le libraire, une telle démarche, qui attire en fait l’attention des clients, est « contre-productive ».

Ironiquement, Dorottya Redai, de l’association lesbienne Labrisz ayant accompagné la sortie de l’ouvrage, se félicite d’une pub gratuite. « Le livre sort en dix langues pour les marchés à l’étranger » après un franc succès en Hongrie, sourit-elle.

« Feu vert » pour la violence

Mais cette nouvelle législation a d’autres répercussions, elles bien néfastes, selon cette militante qui se plaint de ne plus être invitée dans les écoles où elle avait l’habitude de combattre l’homophobie.

Il y a « un effet paralysant » sur les programmes de sensibilisation aux discriminations, pointe-t-elle.

Côté films, des exemples de censure commencent à émerger. La gentille comédie romantique américaine Marions-nous !, qui met en scène un couple de femmes, est maintenant interdite aux moins de 18 ans et bannie des écrans aux heures de grande écoute.

Viktor Orban, défenseur en Europe des valeurs « illibérales », a pris au fil des ans plusieurs mesures jugées « homophobes », dénoncées par les ONG comme attisant la haine dans la population.

« La minorité qui est prête à en venir aux mains peut avoir le sentiment qu’elle a le feu vert du gouvernement », s’indigne Luca Dudits, de l’ONG Hatter Society.

Les attaques ont doublé en un an, s’inquiète cette militante qui compile les signalements, et de nombreuses personnes LGBTI+ n’osent plus vivre ouvertement, surtout en zone rurale.

Contacté par l’AFP, Nagy Boldizsar, l’éditeur du livre voué aux gémonies, veut quitter la Hongrie, où il dit avoir reçu des menaces anonymes, pour vivre ailleurs une « existence plus digne et épanouie ».

Pari risqué

En réponse à l’ostracisme, l’ONG Labrisz a fait apposer un autocollant sur les exemplaires à la vente pour rappeler que « tout le monde a droit aux contes de fées, même vendus sous film plastique ».

Dans un autre acte de rébellion, trois chaînes de télévision ont décidé de braver la censure en diffusant un clip vidéo évoquant les « tribus arc-en-ciel ».

Les signes de solidarité se multiplient. Une quarantaine de représentations diplomatiques ont exprimé leur soutien.

Et un nombre record de 30 000 participants se sont affichés à la marche des fiertés de juillet, même si 200 personnes ont joué les perturbateurs, certaines munies de pancartes « Stop à la pédophilie LGBT+ ».

La Commission européenne, dont la présidente Ursula von der Leyen a qualifié cette loi de « honte », a ouvert une procédure d’infraction.

Elle estime que la Hongrie contrevient notamment aux droits à liberté d’expression et à la non-discrimination, ainsi qu’à la libre prestation des services et à la libre circulation des marchandises.

Malgré ces avertissements, le gouvernement maintient son idée d’organiser un référendum pour se targuer du soutien de la majorité, sans doute en même temps que les législatives.

« Nous voulons protéger nos enfants de la propagande LGBT+ comme nous avons protégé les familles des migrants », a encore insisté M.Orban cette semaine.

Un pari risqué pour l’analyste politique Andrea Virag, alors que des sondages ne montrent pas une hostilité du plus grand nombre envers les LGBT+.

«  Orban se choisit d’habitude des ennemis hors de portée » pour ses référendums ou avant les scrutins.

« Mais il y a une forte communauté LGBT+ en Hongrie et s’attaquer à elle pour récolter des voix ne sera pas aussi efficace ».