Japon : décision de justice historique pour la reconnaissance du mariage pour tou·tes

Publié le

Un tribunal au Japon a estimé mercredi 17 mars que la non reconnaissance du mariage pour tou·tes était anticonstitutionnelle, une première dans le pays qui a été immédiatement saluée comme une victoire historique par des militant·es pour l'égalité des droits.

japon lgbt
Le drapeau du Japon et le rainbow flag - esfera / Shutterstock

Le tribunal de première instance de Sapporo, dans le nord du Japon, a jugé que le fait de ne pas reconnaître le mariage pour tou·tes était contraire à l’article 14 de la Constitution japonaise, qui dispose que «  tous les citoyens sont égaux devant la loi  », selon une copie de sa décision consultée par l’AFP.

Le Japon est le dernier pays du G7 à ne pas reconnaître légalement les unions de même sexe. Le mariage pour tou·tes n’existe pas non plus en Italie, mais ce pays autorise les unions civiles de ce type depuis 2016.

L’État japonais estimait qu’une telle union n’est «  pas prévue » par la Constitution. Celle-ci se borne toutefois à souligner à propos du mariage la nécessité d’un consentement mutuel « des deux sexes », ce qui laisse la place à beaucoup d’interprétation.

Le jugement de Sapporo est le premier à être rendu dans le cadre d’actions en justice contre le Japon engagées par une dizaine de couples de même sexe en 2019 pour obtenir la reconnaissance légale de leurs unions. Entouré·es de drapeaux arc-en-ciel, les avocat·es des plaignant·es ont hissé devant le tribunal une banderole saluant sa décision comme « un grand pas pour l’égalité devant le mariage ».

Pas de dommages-intérêts

L’élue d’opposition Kanako Otsuji, l’une des rares personnalités politiques au Japon ouvertement LGBT+, s’est aussi dite dans un tweet « vraiment, vraiment heureuse » de cette décision. « J’appelle la Diète, en tant que branche législative de l’État, à délibérer sur une proposition d’amendement du code civil pour rendre possible » les unions de même sexe, a-t-elle ajouté.

Le tribunal de Sapporo a toutefois rejeté mercredi des demandes de dommages-intérêts des plaignant·es, dont chacun·e réclamait un million de yens (environ 7.700 euros) à l’État pour ne pas bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels.

« J’ai d’abord été un peu déçu quand j’ai entendu le mot “ rejet ” dans l’énoncé du jugement  », a commenté lors d’une conférence de presse Ryosuke Kunimi, l’un des plaignants âgé d’une quarantaine d’années. « Mais, après, je n’ai pas pu retenir mes larmes (de joie, ndlr)  quand le président de l’audience a dit qu’il n’était pas raisonnablement fondé et qu’il était discriminatoire » de priver les personnes gays du droit au mariage, a-t-il ajouté.

Certificats symboliques

Anciennement, la société japonaise était plutôt tolérante vis-à-vis de l’homosexualité, comme en attestent des documents évoquant des samouraïs entretenant des relations avec des hommes. L’homosexualité est aussi un thème récurrent dans les estampes (ukiyoe).

Mais à mesure que l’archipel s’est ouvert à l’étranger dans la seconde moitié du 19e siècle, les préjugés occidentaux contre l’homosexualité se sont imposés, et ils ont toujours la vie dure dans une société essentiellement conformiste.

Les mentalités évoluent toutefois : selon un sondage publié en novembre dernier par le grand quotidien conservateur Yomiuri, 61 % des Japonais·es sont désormais favorables au mariage pour tou·tes, et 37 % y sont opposé·es. Et en 2015, l’arrondissement branché de Shibuya, dans le coeur de Tokyo, avait innové en délivrant des certificats aux couples de même sexe pour leur faciliter certaines démarches administratives.

D’autres collectivités locales ont imité cette initiative par la suite, mais la portée de ces certificats demeurent limitée. Nombre de couples LGBT+ au Japon ne résident pas dans des communes où ces certificats existent, et même ceux qui en possèdent éprouvent parfois des difficultés à les faire valoir dans certaines situations et démarches administratives.

Avec l’AFP